La France a toujours pratiqué une politique très particulière envers les opposants au régime turc. Arrestations coup de poing, condamnations, le tout sans que la presse n’en parle jamais. D’où l’option, malgré le confinement, d’expulser un opposant vers la Turquie.
La Turquie connaît depuis les années 1960 des coups d’État, des interventions périodiques de l’armée et de la police à tous les niveaux de la société, jusqu’à des vagues de torture et de disparitions. Être de gauche implique donc une motivation très forte, tout un certain romantisme.
L’État français applique une ligne toujours très claire sur ce plan : une répression complète, systématiquement passée sous silence. Un aspect important historiquement est également la pression américaine et allemande, en raison des importants intérêts de ces pays en Turquie.
Sefik Sarikaya s’est donc confronté à une machinerie administrative et policière implacable. Parmi les nombreuses péripéties, on a une arrestation en 2008, une remise en liberté conditionnelle au bout de plus d’un an puis en procès en 2012 avec une condamnation à une peine de 8 ans au moyen du fameux « association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste ». Prenant la fuite et rattrapé en 2016, le voilà libéré ce 21 avril mais le juge l’a prévenu : il sera expulsé vers la Turquie.
Il va de soi que les opposants en France au régime turc, dont le Comité des libertés, sont vent debout, et avec raison. La France a une politique non seulement malsaine, mais même criminelle. Il faut bien comprendre qu’il s’agit là d’un monde parallèle. Sachant que l’opinion publique ne sera jamais au courant, que la Gauche ne parlera jamais des opposants au régime turc, les juges font ce qu’ils veulent, parfois avec des provocations incroyables.
C’est le règne de l’arbitraire, de l’association de malfaiteurs en veux-tu en voilà. C’est pratiquement une juridiction parallèle et cela depuis les années 1980 !
La question qui se pose n’est évidemment pas de savoir si les opposants sont, ou pas, coupables de ce dont on les accuse. On ne peut pas voir les choses ainsi, en effet. Ce qui compte, c’est la Turquie. Est-ce un pays démocratique ? Certainement pas. Partant de là, on ne peut pas juger les opposants au régime turc selon des critères franco-français… Et encore moins selon les critères de la défense des intérêts économiques capitalistes.
Il faudrait d’ailleurs une commission montée par la Gauche pour réétudier toute cette histoire de répression depuis le début des années 1980. Mais cela n’arrivera pas, bien sûr, car la Gauche gouvernementale a totalement accepté cette répression quand elle était au poste de commande. Elle a elle-même accepté le silence total à ce sujet.
C’est que, bien entendu, cela l’arrangeait également de ne pas poser des questions de fond sur la nature d’une régime politique, les principes de l’engagement, l’unité de la Gauche, la définition de la démocratie, le rapport aux luttes populaires, etc.
Et cette gauche gouvernementale, fuyant la vérité, s’est d’autant plus enlisée dans l’esprit gouvernemental, jusqu’à perdre entièrement tout contenu, même symbolique.