Dans un communiqué publié ce samedi 25 avril, la Fédération française de cyclisme exige qu’on lui autorise les entraînements à vélo, puis la reprise rapide des compétitions. C’est un mépris scandaleux de la crise sanitaire en cours, avec le risque d’une deuxième vague de l’épidémie de Covid-19.
Le pays traverse une crise sanitaire historique doublée d’une crise économique qui s’annonce sans précédent. Il y a des milliers de morts, d’autres à venir, des personnes guéries mais avec des séquelles lourdes, des services de santé encore très chargés, des personnes âgées bloquées seules chez elles ou dans leur chambre d’Ephad depuis plusieurs semaines. Mais, mais, la Fédération française de cyclisme (FFC) exige par contre qu’on autorise les quelques milliers de compétiteurs cyclistes à reprendre l’entraînement sur route le 11 mai, puis les compétitions rapidement.
Le communiqué de la FFC n’y va pas par quatre chemins : « se réinventer oui, disparaitre (sic) non ! ». Son discours est simple, revenant à dire on a joué le jeu, mais tout ceci à assez durer, laissez nous reprendre comme avant.
Pour justifier cette incroyable exigence, qui relève carrément du caprice dans un tel contexte sanitaire, la FFC ment éhontément.
Le premier mensonge, particulièrement cynique, c’est celui de l’intérêt collectif :
« Il serait impensable que les restrictions de pratique individuelle du cyclisme puissent perdurer au-delà de cette date [du 11 mai], à l’heure où de plus en plus de voix, comme celle de l’OMS, s’élèvent pour souligner les bienfaits de la pratique du vélo sur la santé publique. Cela constituerait une véritable discrimination vis-à-vis de notre sport alors, qu’au contraire, le vélo présente une opportunité sans précédent de transformer en profondeur et de manière pérenne la mobilité dans notre pays. »
Très bien, mais quel est le rapport ? Il n’y a aucun rapport. Le monde du cyclisme de compétition n’a pas de lien avec celui de la pratique de loisir, de la balade, etc. Et c’est bien normal, car ce sont deux choses différentes. La Fédération française de football ne s’occupe pas des gens jouant au ballon dans un parc ou à la plage, cela n’aurait aucun sens.
La FFC prend donc les gens pour des imbéciles quand elle parle de santé publique et de mobilité dans le pays, car ce n’est pas de son ressort. Les gens prenant leur vélo pour aller au travail ou se balader n’ont que faire de la FFC, et inversement. Ce qui compte pour la FFC, c’est son sport, elle le reconnaît elle-même à la fin du communiqué :
« Le Cyclisme est un sport de plein air, qui trouve son meilleur terrain de jeu pendant l’été. »
Il s’agit donc de retrouver son terrain de jeu. C’est une préoccupation légitime, mais qui ne saurait induire quelque exigence en cette situation particulièrement compliquée pour la société toute entière.
Le second mensonge, bien plus grave, est celui du respect des règles sanitaires. La FFC prétend ainsi :
« Nous travaillons sur un plan d’accueil et notre objectif est de démontrer clairement qu’avec des gestes barrières facilement applicables et en respectant des mesures de distanciation sociale, il est possible de pratiquer le cyclisme, sans s’exposer soi-même ou exposer les autres à un risque de contamination. »
Cela n’a aucun sens. Soit chacun roule seul et ne contamine personne, soit il y a une activité de club, d’accueil, quelle qu’elle soit, et il n’y a pas de distanciation sociale. La FFC prétend « démontrer », mais elle ne démontre rien, car il n’y a rien à démontrer.
Le cyclisme, par définition, est un sport de promiscuité sociale. Chacun a en tête les images de pelotons cyclistes, que ce soit en course ou à l’entraînement par petits groupes sur les routes de campagne. Rien n’est plus important dans le sport cycliste que l’abri, c’est-à-dire le fait de pouvoir s’abriter du vent derrière ou à côté d’un adversaire, un coéquipier, un partenaire d’entraînement. Cela exige une proximité immédiate, faisant que l’on se touche régulièrement le coude, la roue, le guidon, que les gouttelettes de transpiration, de salive, circulent de manière particulièrement importante entre les coureurs.
Il est donc complément mensonger de la part de la FFC de prétendre ensuite :
« C’est pourquoi, il nous paraît fondamental de pouvoir organiser nos compétitions, dans le respect des mesures sanitaires définies par l’État, le plus rapidement possible. »
Ou encore :
« Aussi, pour la reprise, et lorsqu’il sera temps, nous travaillons à trouver de nouveaux formats d’épreuves qui pourront intégrer les contraintes sanitaires. »
Cela n’a aucun sens, il est impossible d’organiser une course cycliste en respectant les règles de distanciation sociale… à moins de n’organiser que des épreuves de contre-la-montre ou de poursuite individuelle sur piste, mais dans ce cas autant le faire sur home-trainer depuis chez soi sur une plateforme numérique… Ce qui est en fait déjà fait par beaucoup de cyclistes pendant le confinement.
La compétition sportive est une activité sociale d’une importance majeure et cela mérite des décisions claires, rapides, précises de la part des autorités, dans l’intérêt des sportifs et par respects pour toutes les structures sportives. La FFC par contre, avec ses mensonges, avec ses exigences d’enfant gâté, n’aide en rien.
Elle ne fait qu’ajouter de la frustration, de la confusion, elle participe pleinement à la décomposition du corps social, au profit de l’individualisme le plus méprisable. En assumant vouloir reprendre les compétitions le plus vite possible, elle assume le refus de la distanciation sociale et banalise ce refus. C’est très grave, presque criminel tant on sait qu’un tel scenario généralisé engendrerait forcément une seconde vague épidémique, avec son lot de mort et de malades graves dans des régions très peu touchées encore.
Le discours des dirigeants de la FFC est en fait l’expression d’une petite-bourgeoisie paniquée, sombrant dans le mensonge, la mauvaise foi et le mépris de toute perspective sociale, collective.