Il y a 60 ans, le 2 mai 1960, un grand rassemblement populaire avait lieu à Ponte-Novo pour s’opposer au projet de base nucléaire de l’Argentella, entre Calvi et Galeria. La vigueur du mouvement démocratique Corse fit alors rapidement plier l’État français, confronté à une vague massive, marquant profondément l’île sur le plan politique et culturel. Cela contribua directement à l’affirmation de la conscience nationale dans les années suivantes et à une sensibilité écologiste marquée.
La bataille contre la base nucléaire de l’Argentella avait commencée dès le 20 avril 1960 avec des comités de défense contre le projet se lançant à Ajaccio, Bastia, Corte, Marseille et Paris. Les appels à la mobilisation se multiplièrent alors, moins d’une semaine après la visite à Ajaccio du ministre délégué Pierre Guillaumat et du haut-commissaire à l’énergie atomique annonçant une base d’expérimentations nucléaires souterraines.
Il s’agissait de pratiquer des explosions chimiques et nucléaires en bénéficiant des qualités de résistance de la roche locale censée absorber les effets. Les masses corses vécurent cela comme une véritable agression de type coloniale, menaçant directement leur environnement. Une bombe expérimentale (quatre fois la puissance de celle d’Hiroshima), venait d’ailleurs d’être larguée le 13 février 1960 dans le Sahara.
Face à la pression, le premier ministre Michel Debré dût se justifier dès le 23 avril en prétendant que les expérimentations n’étaient pas dangereuses, ce qui ne fit qu’attiser la colère de la population nullement dupe et profondément méfiantes face à l’horreur nucléaire.
De nombreux rassemblements très vigoureux eurent lieu dans la foulée, jusqu’à ce grand rassemblement populaire du 2 mai 1960. Le jour même, en raison du succès de la manifestation, le Préfet fut contraint d’annoncer un premier recul en disant que le projet n’était toujours pas acté officiellement.
La mobilisation franchit alors un nouveau cap, avec des mots d’ordre de grève lancés dans toute la Corse. Même les gaullistes corses s’opposèrent au projet, tellement le refus populaire était massif et incontournable. Le gouvernement annonça alors son recul, face à une contestation d’une grande ampleure et d’une grande détermination prévue pour le 14 juin sur le site même de l’Argentella.
En quelques semaines, le peuple de Corse fit donc littéralement plier le régime antidémocratique de la Ve République du Général de Gaulle. La capitulation de l’État français ne conduisit toutefois pas à un véritable recul, mais simplement à un détournement… La base fut reportée à l’autre bout du monde, sur l’atoll de Mururoa et la France se couvrit d’une honte immense quelques années plus tard en pratiquant ses essais nucléaires, aux conséquences immenses sur la population locale et bien entendu la nature pendant des années.
En Corse par contre, la victoire démocratique et populaire conte la base nucléaire de l’Argentella eu un retentissement immense. La conscience nationale, avec une grande dimension populaire, put s’affirmer à grande échelle. Cela marqua la conscience écologiste du mouvement démocratique corse avec de nombreuses combats écologistes, depuis l’affaire des boues rouges (conduisant à une grève générale, des attaques contre la préfecture, etc.) dans les années 1970, jusqu’à l’explosion plus récente de la villa de Pierre Ferracci, construite en toute illégalité dans une baie naturelle protégée.