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L’État sera-t-il en mesure de faire respecter la limite de 100 km pour les déplacements?

Le déconfinement du 11 mai avait commencé par un lamentable couac et la loi restreignant les déplacements à un périmètre de 100 km autour de son domicile n’était pas prête. Maintenant que l’interdiction est en vigueur, la question se pose de savoir comment la faire respecter… Et ce n’est pas une mince affaire.

C’est aux forces de l’ordre que revient essentiellement, voire entièrement, le rôle d’encadrer et faire respecter l’obligation de rester dans un périmètre de 100 km autour de son habitation. Le problème, c’est qu’elles n’ont pas les moyens matériels, techniques ou procédurales, pour vérifier cela.

S’il est facile de savoir qu’un Parisien à Bayonne est en infraction, dans d’autres cas c’est plus compliqué. Comment les policiers sont-ils censés savoir que Montceau-les-Mines est à moins de 100 km de Moulins, mais que Sète est a plus de 100 km de Carcassonne ?

Encore plus compliqué : un habitant de Valence se rendant à Saint-Étienne par l’itinéraire le plus rapide parcourra 123 km, mais les deux villes sont situées à moins de 90 km l’une de l’autre à vol d’oiseau. Une application internet très simple est bien-sûr mise à disposition par le gouvernement : bilancoronavirus.fr/carte-sortie-100km Il suffit de rentrer son code postal et le périmètre est tracé. Sauf que les policiers ne sont généralement pas équipés de moyens professionnels pour y avoir accès. Doivent-ils alors utiliser leur smartphone personnel ? C’est impensable, évidemment.

En vérité, le gouvernement a pris une mesure générale, pour dissuader globalement et prétendre avoir agi, mais n’envisage nullement une interdiction effective de circuler dans le pays. Et pour cause, aucune consigne précise n’a été donnée aux forces de l’ordre avec une liste de motifs impérieux justifiant les déplacements hors périmètre. Le ministère de l’intérieur se contente de les appeler au discernement et au bon sens… Ce qui veut tout, et surtout rien dire, laissant libre cours à l’interprétation de chacun, et donc à des situations compliquées.

Les fraudeurs pourront de toute façon tricher facilement, puisqu’il n’y a pas de liste de justificatifs de domicile précis. Un simple carnet de chèques suffit, alors qu’il peut être très ancien et pas à jour. De la même manière, de riches Parisiens ayant une résidence secondaire à 200 km, par exemple en Normandie, pourront facilement jouer avec deux justificatifs de domicile, en le changeant à mi-chemin.

Mais comment s’étonner de cette « légèreté », quand on voit que le ministre de l’intérieur lui-même en est rendu à simplement « conseiller » aux grands-parents de ne pas venir voir leur petit enfant au-delà de 100 km… C’est-à-dire qu’au plus haut sommet de l’État, la personne directement en charge du dossier, n’est même pas en mesure de définir strictement ce qui rentre ou non dans le cadre d’un motif légitime. Ses propos à ce sujet sont affligeants de libéralisme, signe d’une grande décadence de la classe politique :

« Moi, là, je parle comme papa. Je pense que, peut-être, il vaut mieux attendre un mois ou deux plutôt que de proposer à ses grands-parents qui sont en province, de venir nous voir à Paris pour voir le petit dernier qui est né et de s’exposer dans un département qui est encore en rouge à un risque »

Et les policiers vont donc devoir jongler avec tout cela, gérer l’urgence, alors qu’ils auront en face d’eux bien souvent des Français au comportement immature, voire puéril, les défiant comme ils défiaient les surveillants pour se balader dans les couloirs au collège. Les policiers ou les gendarmes brutaux pour leur part s’en donneront à cœur joie, ce qui ne fera que renforcer la grande instabilité sociale, morale, culturel, dans laquelle s’enfonce la France…