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Le renouvellement du souverainisme, expression de l’instabilité petite-bourgeoise

La crise sociale et économique accentue le déclassement d’une partie de la petite-bourgeoisie et de la partie stable de la classe ouvrière, l’aristocratie ouvrière. Dans ce contexte, on voit fleurir une idéologie bien spécifique à ces couches sociales comme quoi « le pays » serait sous tutelle d’une oligarchie mondialisée, appelant à une « unité des patriotes ».

En plein déconfinement, l’agitation des classes moyennes est forte, avec deux initiatives. D’un côté, on le « conseil national de la nouvelle résistance » lancée par Claude Alphandéry, et de l’autre la revue « front populaire » par Michel Onfray,.

Né en novembre 1922, Claude Alphandéry a un parcours typique de la bourgeoisie modernisatrice. Etudiant au prestigieux lycée du Parc à Lyon, il entre dans la résistance en automne 1941 puis dans la clandestinité autour des Mouvements unis de la Résistance dans la région de la Drôme-Ardèche, proche de la droite liée au Général de Gaulle.

A la sortie de la Guerre, étudiant à l’ENA, institution d’Etat créée sous le Front populaire, il entre logiquement au PCF, grand parti de la gauche gouvernementale. En tant que partisan de la modernisation sociale et culturelle, il se lie ensuite à la seconde gauche, et notamment au courant porté par Michel Rocard. Depuis les années 1980, il est lié à la Caisse des dépôts et consignations et revendique l’économie sociale et solidaire et un nouveau « new deal » dans une approche tout à fait conforme à celle de Benoit Hamon, grand héritier du courant rocardien.

Le CNNR doit ainsi sortir un manifeste le 27 mai, date symbolique choisie en référence à la fondation du CNR à la même date en 1943. On retrouve dans le « secrétariat », des figures du populisme de gauche, comme Gilles Perret ou Denis Robert (directeur de Média, proche des Insoumis).

D’un autre côté, on a donc la revue « Front populaire » lancée par Michel Onfray et qui annonce déjà réunir des figures comme Philippe De Villiers, Jean-Pierre Chevènement, Georges Kuzmanovic, Jacques Sapir. Florian Philippot s’est empressé de soutenir l’initiative, en appelant même un rassemblement après le 18 juin à Colombey-les-Deux-Églises…

On nage ici en plein délire de confusion. D’un côté on a une mise avant du « Front populaire » comme prétexte à l’union entre la gauche et la droite alors même que le Front populaire est né en 1934 de l’unité des bases antifascistes. De l’autre, on a une valorisation absurde du Conseil National de la Résistance, né en 1943 dans un compromis gaulliste-communiste alors que le pays était sous occupation ou sous tutelle du IIIe Reich.

En apparence différentes, ces deux initiatives relèvent en fait des mêmes couches sociales en déperdition qui tentent de lancer des initiatives en leur faveur, en appelant à des références historiques vidées de tout contenu, ne servant que comme prétexte au mythe mobilisateur. D’ailleurs, il est peu étonnant que tous soutiennent les gilets jaunes, comme caution à la mobilisation sociale…

La figure d’un Jean-Pierre Chevènement, participant à « Front populaire » en dit long sur cette similitude, lui qui appelait à voter Mélenchon en 2017 et qui était qualifié de « mentor » par Florian Philippot.

Ces variantes de souverainisme, plutôt à gauche ou plutôt à droite, sont toutes marquées par un fantasme d’une union des contraires, entre la droite et la gauche, et cherchant à contourner le Rassemblement national.

Ces initiatives cherchent ainsi à saper l’essor de la Gauche en vidant tout le contenu du patrimoine des luttes populaires. Seule la gauche assumant son héritage historique est capable de relancer une bataille démocratique court-circuitant ces courants confus.