Le capitalisme a besoin d’empêcher les luttes de classe et pour cela, il faut empêcher toute analyse rationnelle de l’Histoire. C’est donc liquidation sur liquidation : tout comme il n’y a plus l’étude des mouvements littéraires en français au lycée, on supprime les références historiques.
À Thionville, il y a l’impasse Colbert et dans cette impasse, le Lycée polyvalent Colbert. Juste à côté, il y avait le Lycée Sophie Germain, qui a fusionné avec l’autre en 2019. Sophie Germain (1776-1831) est une figure des mathématiques, Colbert c’est une figure de l’époque de Louis XIV, dont il fut contrôleur général des finances (1665-1683), secrétaire d’État de la Maison du roi et secrétaire d’État de la Marine (1669-1683).
Tout cela est français et historique, cela reflète un parcours dans un pays. Ce sont des figures importantes, reflétant tout un mouvement de progrès, de civilisation. Hors de question d’accepter cela pour le capitalisme. Par conséquent, le Lycée Colbert devient le Lycée Rosa Parks, du nom de cette activiste américaine dénonçant la ségrégation, dans les années 1950, aux côtés de Martin Luther King.
Ce qui est frappant ici, c’est que le capitalisme moderne est anti-historique, alors que le capitalisme soulignait auparavant ses grandes figures. Tant Colbert que Sophie Germain ont été l’expression d’un élan capitaliste, d’un éloignement du féodalisme. Le capitalisme, à l’époque, insistait sur la question de la civilisation.
Aujourd’hui, cela a disparu. Rosa Parks devient une figure cosmopolite : Américaine, luttant dans un contexte bien précis, elle voit sa figure colonisée par un capitalisme anonymisant le monde. Même Barbie a fait une poupée à son effigie ! Il y a une petite chaîne française de restauration de hamburgers qui s’appelle Rosaparks !
On a une rue, une avenue ou une place Rosa Parks à Lyon, Caen, Nantes, Rennes, Aubervilliers, Saint-Denis, Saint-Ouen, Vitry-sur-Seine, La Courneuve, Fleury-Mérogis, Lens… Un Espace Jeunes Rosa Parks à Besançon, un Centre Rosa Parks à Strasbourg, une école élémentaire Rosa Parks à Schiltigheim, une école maternelle Rosa Parks à Rouen, un Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale Rosa Parks à Lille, une Unité d’hospitalisation Rosa Parks à Saint-Maurice, un Lycée Rosa Parks à Neuville sur Saône, un collège Rosa Parks à Marseille, etc.
Paris est évidemment le bastion de cette démarche cosmopolite : on a une gare Rosa Parks, un quartier Rosa Parks, une résidence étudiante Rosa Parks, un Centre Social et Culturel Rosa Parks, une résidence hôtelière Rosa Parks, un centre commercial Le Parks, etc.
Cette liste n’est évidemment pas du tout exhaustive et à moins d’être naïf, impossible de ne pas y voir une opération culturelle et intellectuelle. En apparence, elle vise le « vivre-ensemble ». Elle dénonce le racisme. Sauf que nous ne sommes pas aux États-Unis : là-bas, un tel nom a du sens. En France, il n’en a aucun. Il sert simplement à faire tourner à fond la machine positiviste avec une France qui planerait au-dessus du monde afin de lui donner des leçons.
Ce faisant, on amène les gens sur le terrain de l’émotion, on empêche de comprendre les spécificités historiques à la France. Ce n’est pas pour rien que, pour prendre un exemple flagrant, il puisse y avoir un nom comme Rosa Parks pour des lieux et une dénonciation du racisme en France, alors qu’en même temps tout ce qui touche le protestantisme en France est passé aux oubliettes, comme si cela n’avait jamais existé.
Les Français ont été d’un esprit colonialiste et plein de préjugés, mais pas la classe ouvrière et le racisme n’a jamais été un marqueur significatif de l’histoire française. Avec Rosa Parks, on enfonce ainsi des portes ouvertes et c’est le but. C’est une contribution à l’infantilisme, à un cosmopolitisme coincé entre McDonald’s et Coca-Cola, entre Samsung et Apple, etc.