La veille de la fête de la musique, le gouvernement annonçait le maintien de la fermeture des clubs, discothèques ou boites de nuit jusqu’en septembre (au moins). La justification sanitaire est simple : ces lieux en intérieur, où la norme est par définition la promiscuité, favoriseraient forcément des foyers épidémiques alors que le coronavirus circule toujours.
Le cas de la Corée du Sud où un clubber avait contaminé plus de 50 personnes en fréquentant plusieurs établissements dans une même nuit est un exemple connu et mis en avant par les autorités, qui disent ne vouloir prendre aucun risque.
Cela est tout à fait entendable. Le problème par contre, c’est que la décision est prise par en haut, administrativement, avec le mépris habituel pour tout ce qui relève de la culture liée à la musique électronique et à la nuit en général.
Les clubs, discothèques ou boites de nuit, qu’ils relèvent d’une tradition alternative comme certains clubs techno (de moins en moins), ou d’une culture de masse avec des établissements plus classiques, sont souvent caricaturés comme étant des lieux de dépravation. Dans les faits, ils le sont en général bien moins que de simples bars où l’alcool coule à flots et les soirées décadentes type « tonus » étudiants ne sont pas la norme.
Ce sont des lieux de sociabilité majeur, très importants dans la culture populaire, particulièrement dans la jeunesse, particulièrement l’été.
La société se retrouve donc face à une contradiction majeure, mais, plutôt que d’envisager les choses démocratiquement, il est procédé à une interdiction de manière brutale.
Est-il possible de faire autrement que de maintenir ces fermetures ? Peut-être pas, mais peut-être aussi. Pour répondre à cela, il faudrait se pencher réellement sur la question, en impliquant les acteurs concernés, à commencer par le public. Il faut dire cependant que le public est en général, et de plus en plus, lui-même dans une attitude consommatrice, passive, abandonnant ces questions aux organisateurs.
Les organisateurs de soirées sont par contre très nombreux et multiples, bien au-delà des seuls propriétaires des établissements. Il y a là tout un écosystème à mi-chemin entre le commercial et l’associatif, avec de nombreuses de structures, de nombreuses personnes impliquées, et pas seulement dans les grandes villes.
Tout ce milieu se retrouve désemparé, assommé par une décision unilatérale de l’État, balayant la question d’un revers de la main.
Cela est d’autant plus insupportable que, dans le même temps, tout un tas d’activités très discutables sur le plan sanitaire sont autorisées, ou en tous cas largement tolérées. De nombreux bars sont bondés depuis plusieurs jours, avec parfois même une piste de danse ainsi que des DJ set. Administrativement cependant, ces lieux relèvent de la catégorie « P » (comme les restaurants), alors cela est possible…
De la même manière, on sait très bien que les soirées faussement privées vont se multiplier, alors qu’elles existent déjà depuis quelques semaines. La généralisation depuis quelques années en banlieue parisienne des warehouses (soirées dans des lieux occasionnels) semi-légales va forcément connaître un nouveau souffle cet été, mais cette fois en dehors de toute norme, de tout contrôle social. Il en sera très probablement de même pour les free parties à la campagne, qui en général ne sont pas déclarées de toutes manières. Que va faire l’État, envoyer les CRS tenter d’empêcher cela pour des raisons sanitaires, alors que dans le même temps dans les centre-villes on a des gens les uns sur les autres dans les bars depuis plusieurs semaines ? On imagine que non, ou en tous cas pas sans vague.
On n’aura donc rien gagné sur le plan sanitaire, alors qu’une concertation permettrait d’envisager des choses… ou même d’accepter collectivement une interdiction. Il faudrait cependant pour cela une cohérence générale à l’échelle de la société, avec une généralisation des masques obligatoires, des interdictions de rassemblement publics de plus de 10 personnes sans distanciation sociale qui soit réellement mises en place, un vrai suivi de l’épidémie, etc.
Il faudrait également, et surtout, une société fonctionnement réellement de manière démocratique, avec une implication totale de la population dans l’organisation de sa propre réalité quotidienne. C’est précisément le projet social de la Gauche historique, qui est à l’heure actuelle d’une faiblesse inouïe, avec une Gauche en général complètement dépassée sur le plan culturel. C’est alors le libéralisme qui va l’emporter comme d’habitude, tant économiquement que culturellement.
On se dirige donc vers un été sans dancefloors… mais avec des dancefloors quand-même, de manière dispersée, non-concertée, chaotique et finalement dangereuse sur le plan sanitaire.