Un référendum pour faire progresser la condition animale : tel est le projet lancé par en haut, mais avec le soutien logique d’associations disposant de peu de moyens et de peu de leviers pour faire avancer les choses.
Quand il n’y a pas d’initiative par en bas, il y en a par en haut, car un espace démocratique inoccupé se voit forcément utiliser. En l’occurrence, on a une proposition de référendum qui a été lancée à l’initiative de Hugo Clément, Marc Simoncini, Jennifer Bierna, Marie Tabarly, Xavier Niel et Jacques-Antoine Granjon.
Hugo Clément est un journaliste végétarien totalement extérieur à la tradition de la lutte vegan, mais ayant un énorme succès médiatique ces derniers mois autour du thème de la condition animale ; Marie Tabarly est une navigatrice et comportementaliste équin.
À leurs côtés on a donc des capitalistes chevronnés formant des poids lourds financiers : Xavier Niel (Free), Marc Simoncini (Meetic), Jacques-Antoine Granjon (vente-privee.com).
En ce qui concerne Jennifer Bierna, c’est une juriste, qui s’occupe de la communication du groupe Illiad auquel appartient Free (et accessoirement ou pas, elle est une cadre de la Droite, conseillère au plus haut niveau possible, y compris gouvernemental).
Ce sont eux qui sont à l’initiative du projet « référendum pour les animaux », présenté comme une « initiative citoyenne, engagée et politique en faveur de la cause animale ». Ce sont eux d’ailleurs qui ont pris la parole pour présenter pendant 1h30 le projet, à la Station F, un campus de startups ouvert par Xavier Niel à Paris.
Comme quoi, la politique c’est quand des citoyens multimillionnaires prennent la parole ? Et pourquoi le font-ils ? Par philanthropie à l’américaine ? Par calcul ? Par intérêt ?
En tout cas, de nombreuses associations se sont insérées dans l’initiative, n’ayant, de facto, pas le choix. En effet, la situation est dramatique : il n’y a ni relais, ni financement, ni investissement humain suffisant dans la défense des animaux. Pour faire du bruit, il y a toujours des gens. Pour remplir son Facebook ou son compte Instagram, les gens sont prêts à agir de manière véhémente. Mais dès qu’il y a toutefois un travail de fond à mener, silencieux et ingrat, invisible et difficile, il n’y a plus personne.
L’idée de pousser à un référendum apparaît donc comme soit une utopie formidable, soit au moins un levier de plus. Mobiliser en faveur de la signature de 185 parlementaires et de 10% des personnes inscrites sur les listes électorales (ce qui fait presque 5 millions de signatures à recueillir) va faire du bruit et c’est déjà bon à prendre. Et si cela marche, un référendum d’initiative partagée imposerait encore plus le thème de la condition animale.
Participent donc à la proposition d’un référendum pour les animaux les associations ASPAS, AVA, CIWF, Code Animal, CRAC, Fondation Brigitte Bardot, Fondation GoodPlanet, L214, L’alliance anti-corrida, LPO, On est prêt, One Voice, PAZ, PeTA, Pro Anima, Rewild, Sea Shepherd, la SPA, Welfarm.
On note évidemment tout de suite l’absence de la principale structure de refuges en France qu’est la Confédération Nationale Défense de l’Animal. C’est fort dommageable. En même temps c’est tout autant de galères en moins pour elle. Car les associations signataires se retrouvent dans une situation compliquée.
D’un côté, elles avaient, au moins pour beaucoup d’entre elles, intérêt à signer car le référendum consiste en des points les concernant directement :
1 : Interdiction de l’élevage en cage
2 : Interdiction des élevages à fourrure
3 : En finir avec l’élevage intensif
4 : Interdiction de la chasse à courre, du déterrage et des chasses dites traditionnelles
5 : Interdiction des spectacles avec animaux sauvages
6 : Fin de l’expérimentation animale
Cela va faire du bruit en leur faveur ; il y a déjà des soutiens people, artistiques, etc. comme avec Alessandra Sublet, Nicolas Hulot, Juliette Binoche, Tryo, Stéphane Bern, Nagui, Nicolas Sirkis, Julien Courbet, Sheila, Pascal Obispo, Bruno Solo, etc.
De l’autre, il y a trois obstacles, insurmontables.
Le premier, c’est l’arrière-plan. Les multimillionnaires à la barre, c’est quelque chose qui fait qu’on ne sait pas où on va. Le 30 juin 2020, Xavier Niel a racheté Paris Turf, le quotidien des courses hippiques. Et le 2 juillet 2020, il prend la défense des animaux ? C’est un bon exemple du fait que pour les grands capitalistes, tout sert de pion.
Le second, c’est que pour rassembler les signatures pour que le référendum se tienne, il faut d’abord avoir les 185 parlementaires. Cela signifie composer et se soumettre à ces parlementaires. Or, cela converge parfaitement avec l’apparition toute récente d’un nouveau mouvement « écologiste » et de « gauche » lancé par d’ex-macronistes.
Emmanuel Macron a besoin d’un mouvement écologiste en sa faveur aux prochaines présidentielles et là tout tombe très bien. Les lanceurs multimillionnaires de l’idée de référendum sont d’ailleurs eux-mêmes exactement des macronistes.
Le troisième, c’est l’obstacle culturel. Si on ne change pas les mentalités on ne change rien. Prenons par exemple le thème de la fin de l’expérimentation animale. C’est un combat tellement impossible que les vegans français ne l’ont absolument jamais assumé, à part le mouvement International Campaigns et bien entendu les tenants (très minoritaires) de la libération animale sans compromis.
C’est pourtant un combat juste. Cependant, c’est un combat culturel et il faut une base pour l’assumer. Et elle est de haut niveau. Même des végétariens ne peuvent ainsi pas l’assumer : on ne peut pas dire qu’on s’oppose à l’expérimentation animale tout en consommant du fromage qui contient par définition des morceaux d’estomac de jeunes ruminants.
Pour que ce référendum ait ainsi un sens, il faut un changement des mentalités, un changement culturel. Sinon, c’est de la rhétorique.
Et c’est là justement qu’on tombe sur l’Histoire. Car, finalement, la question animale est une problématique relevant du Socialisme. Soit on fait le Socialisme et on dit qu’on fait en sorte de l’élargir aux animaux, soit on parle des animaux mais cela tourne à l’abstraction, au fantasme bobo d’un capitalisme pacifié avec des élevages bio, qui est anti-historique par définition.
Ce référendum est donc voué à l’échec… Ou à une réussite, mais alors cela ne sera pas un référendum, mais un soulèvement en faveur des animaux. Et ce ne seront pas les multimillionnaires qui décideront de comment cela se passera, puisqu’ils sont une partie du problème, pas une partie de la solution.
> Le site de l’initiative : referendumpourlesanimaux.fr/