Des organisations de jeunesse ont publié une tribune appelant à l’unité politique, avec comme perspective ni plus ni moins que l’enterrement de la Gauche historique. Après avoir confisqué la Gauche pendant des années, les bourgeois et petit-bourgeois « progressistes » assument maintenant de vouloir la faire disparaître. L’écologie est pour eux un formidable prétexte.
La victoire électorale d’EELV dans quelques grandes villes aux municipales a été un grand succès pour toute une frange bourgeoise urbaine d’inspiration libérale-libertaire, s’imaginant avoir le monopole de la Gauche. Tous ces gens ont fait beaucoup de dégâts pendant des années en imposant leurs préoccupations, leur vision du monde et leurs aspirations, au sein même de la Gauche.
EELV a été un incubateur pendant des années de toutes cette démarche, consistant à la fois en une OPA sur la Gauche et en une liquidation de la Gauche, avec un public de plus en plus ouvertement bobo et « démocrate » à l’américaine, assumant tout un ensemble de thèmes sociétaux à la place du Socialisme. Pour ces gens, le « social » n’est qu’un thème parmi d’autres et les ouvriers n’existent plus, tandis qu’ils s’imaginent qu’avoir un peu de compassion pour leur caissière au supermarché fait d’eux des gens de gauche.
C’est une des grandes raisons de l’effondrement de la Gauche, avec surtout l’isolement par rapport aux classes populaires et particulièrement le mouvement ouvrier, alors que c’en est historiquement le cœur.
Il est clair qu’un cap a été passé récemment et c’est au nom de l’écologie que ces gens pensent maintenant pouvoir enterrer définitivement la Gauche, en tous cas la Gauche historique.
Une nouvelle tribune est parue en ce sens et largement relayée, où il est expliqué qu’elle est portée par des jeunes en tant que « représentant.e.s d’une génération qui vient à la politique pour sauver les conditions d’existence terrestres ».
Ces « jeunes » sont issus de différentes organisations (Jeunes Ecologistes et d’EELV, de Génération.s et des Jeunes Génération.s, de la France Insoumise, du Parti Communiste Français, de la Gauche Républicaine et Socialiste, du Mouvement des Jeunes Socialistes et du Parti Socialiste), mais ils assument ouvertement leur propre effacement politique. Il est ainsi expliqué que les signatures sont individuelles, sans juxtaposition du nom de l’organisation politique.
C’est une opération de liquidation de grande ampleur, car effacer cette affiliation, c’est liquider tout un cheminement historique et toute une filiation à la Gauche historique, y compris pour EELV qui n’en fait pas partie, mais qui en a longuement profité.
Il s’agit donc pour tous ces gens, pour tous ces « jeunes », de mettre à la remorque d’EELV tout ce qu’il reste de lié à la Gauche dans ce pays :
« Les résultats des municipales marquent une étape supplémentaire dans la recomposition de l’échiquier politique, actant l’intégration du paradigme écologique par les différentes forces de la gauche. L’écologie, loin d’être une pensée déconnectée de notre histoire politique, reprend et restructure l’imaginaire progressiste et humaniste propre à la gauche ; elle réencastre les luttes sociales dans le système-Terre. L’écologie propose un nouveau modèle de société, qui n’est pas un socialisme amendé d’écologie, ni le modèle libéral productiviste aveugle défendu par l’actuel gouvernement. L’écologie politique considère en premier lieu les ressources finies de notre environnement pour en proposer une utilisation équilibrée et une juste redistribution.
L’enjeu du moment est de consolider la transformation écologique de la gauche, dont EELV est désormais une composante essentielle, en vue de la prise de pouvoir d’une écologie de rupture. La pandémie planétaire et le confinement ont eu un effet de sidération qui en dernière instance conforte la revendication chez le grand nombre d’un changement de paradigme profond. Cette crise creuse la fracture entre celles et ceux qui, la vue courte, ne jurent que par la relance aveugle de la croissance économique, et celles et ceux qui exigent la reconstruction écologique de notre société. »
Ce discours n’a absolument rien de nouveau, c’est ce que dit EELV (et anciennement Les Verts) depuis des années et des années. C’est l’idée que la Gauche historique serait dépassées car « productiviste », alors qu’il faudrait selon eux mettre les individus et les thèmes sociétaux au centre de tout.
Dire cela est, sur le plan philosophique, une vaste escroquerie. La Gauche historique, qu’elle vienne du communisme ou du socialisme, provient elle-même de toute une filiation historique ayant eu une réflexion sur la nature, car c’est le propre même de l’intelligence humaine que de s’intéresser à la nature. Les philosophes grecs, de manière contradictoire souvent, n’ont jamais fait au fond autre chose que cela, puis les religions, puis toute l’histoire de la pensée, dont la Gauche se propose d’être un aboutissement propre à l’époque du capitalisme, pour dépasser le capitalisme.
Seulement, la Gauche n’a jamais rejeté l’industrie, car la classe ouvrière ne veut certainement pas d’un monde sans industrie, ce qui serait une utopie réactionnaire. Ce qui compte pour la Gauche historique, et là encore, qu’elle soit communiste ou qu’elle soit socialiste, c’est la collectivisation des moyens de production, à commencer par l’industrie, pour la planifier dans un sens conforme aux besoins.
On peut ajouter à notre époque, « y compris aux besoins de la Terre », car c’est possible de le formuler ainsi aujourd’hui, mais cela n’a rien de nouveau en soi. Et si la Gauche a des progrès à faire sur le plan culturel pour comprendre cela, elle n’a pas besoin de gens et d’idées extérieures à elle pour cela.
Par contre, dire cela à propos de la production n’est pas entendable par toute cette mouvance bobo, libérale-libertaire et « écolo », qui tourne autour d’EELV et du rejet du « productivisme ».
Ce n’est pas entendable pour eux, car ils savent bien que cela signifie le Socialisme et donc la primauté de la société, de l’organisation sociale et de l’intérêt collectif, sur les perspectives individuelles. Au contraire, tous ces gens ne veulent que des perspectives individuelles, qui s’agenceraient par rapport à des thèmes sociétaux. C’est la raison pour laquelle ils défendent en général la légalisation du cannabis, l’ouverture des frontières et l’idéalisation de l’immigration, la PMA, la GPA, l’hystérie anti-policière, le racialisme, les idéologies queer et LGBTQ+, etc.
Cela va d’ailleurs de pair avec le refus systématique de mettre sur la table la question du rapport aux animaux. Le postmodernisme s’accompagne toujours d’une négation du véganisme.
Pour justifier leur démarche, ces gens, qui sont des « jeunes », s’inventent une vie comme c’est l’usage de le dire chez les jeunes, en inventant que leurs idées seraient majoritaires dans la société :
« Des gilets jaunes aux marches pour le climat jusqu’aux mobilisations contre la réforme des retraites et plus récemment encore les mobilisations contre le racisme et les violences policières, l’appel à un changement de système est désormais majoritaire. »
Rien n’est plus faux pourtant, car l’abstention a été immense, car les classes populaires n’en ont rien à faire de leurs élucubrations, car leur « vague verte » ne concerne qu’un public bourgeois restreint à des quartiers de centre-ville de grandes métropoles.
Au passage, EELV n’a pas lésiné sur les moyens pour éjecter la Gauche aux municipales quand elle le pouvait, comme à Poitiers… ou encore à Marseille. La tribune évoque Marseille, mais se garde bien de dire qu’EELV a par exemple soutenu Samia Ghali de manière opportuniste dans les quartiers nord de la ville au second tour, mais pas le candidat du « Printemps marseillais » et dirigeant local du PCF.
« Il y a des murs à faire tomber », dit la tribune en conclusion, sans préciser que ces murs, ce sont ceux de la Gauche historique. À la Gauche historique de réagir, de s’assumer, de se reconstituer et de bâtir une forteresse. Il faut des murs rouges et solides, contre ces liquidateurs de l’intérieur, et contre l’offensive bourgeoise en général, libérale, de Droite et d’extrême-Droite.
Le président Emmanuel Macron a expliqué hier dans la presse que « la rentrée sera très dure ». Reste maintenant à savoir pour qui elle sera dure, si c’est pour la bourgeoisie qui devra mettre la main à la poche pour réparer ses propres dégâts, ou si c’est pour les travailleurs qui seront mis sous pression pour relancer la machine à profit. Seul la Gauche historique est à même d’être à la hauteur de cette actualité, mais certainement pas les élucubrations de bourgeois de centre-ville voulant liquider la Gauche, car ils imaginent une « vague verte » dans le pays.