Tiré de La vie du Parti, supplément du 21 décembre 1931 au quotidien Le Populaire, organe de la SFIO (c’est-à- dire le Parti socialiste).
« Il y a en cette fin d’année, par le monde AU MOINS VINGT MILLIONS DE CHÔMEURS. Si l’on ajoute au chiffre des sans-travail celui des femmes, des enfants et des vieillards à leur charge, on arrive à un total trois fois plus élevé.
C’est dire qu’il y a par le monde, en cette lugubre fin d’année, au moins soixante millions d’êtres humains qui n’ont pour vivre – si vivre, c’est seulement ne pas mourir – que des allocations publiques ou des secours privés.
Combien y en a-t-il qui n’ont ni l’un ni l’autre ? Et cependant – ô paradoxe ! – la société capitaliste est riche, immensément riche.
Les silos regorgent de blé, au point qu’on a pu calculer qu’on pourrait, une année durant, laisser tous les champs du monde en jachère. Il y a trop de charbon sur le carreau des mines, trop de matières premières dans les entrepôts et les docks ; dans les magasins trop de vêtements et de chaussures.
Tandis que des populations entières manquent du nécessaire faute de moyens d’achat, le Canada consomme une partie de ses grains à chauffer ses locomotives, les États-Unis du Sud détruisent leur coton, le Brésil précipite son café dans la mer.
Ces choses-là ne sont pas accidentelles, fortuites. Ces choses-là sont la conséquence inévitable d’un régime social à demi barbare, qui ne se préoccupe que du profit de quelques-uns, au lieu d’avoir pour but la satisfaction des besoins de tous.
De crise en crise, le capitalisme est arrivé, comme les fondateurs du socialisme l’avaient prédit, à une crise gigantesque, qui n’est plus seulement économique mais sociale, qui n’affecte plus seulement les hommes en tant que producteurs et que consommateurs, mais bouleverse toutes les relations humaines.
Que conclure, sinon que la crise actuelle prélude à des dislocations profondes, qu’on
se trouve en présence d’une crise du régime capitaliste tout entier et que « pour mettre fin aux misères et aux maux de toute nature que le monopole engendre, il n’y a pas d’autre issue – ainsi, que le déclare, dans un tract tiré à des centaines de milliers d’exemplaires, le Parti Ouvrier Belge – il n’y a pas d’autre issue que :
L’abolition de la dictature financière et capitaliste par la socialisation des industries-clefs, des grands moyens de production et d’échange et des banques ;
Par l’économie dirigée, dans le sens de la satisfaction directe des besoins et non plus de la recherche du profit individuel ;
Par la démocratisation industrielle avec, comme première étape, le contrôle ouvrier.
Mais la socialisation des industries-clefs et des banques, mais l’économie dirigée et – ajoutons – humanisée, mais le contrôle ouvrier des usines, est-ce que tout cela est immédiatement possible ?
La réalisation de ce vaste programme, qui n’est pourtant qu’un commencement, sommes-nous en droit de l’attendre des hommes que la bourgeoisie capitaliste, servie par l’aveuglement du parti pseudo-communiste, a installés au pouvoir : le traître [Pierre] Laval, le douteux [Pierre-Etienne] Flandin, le cynique [André] Tardieu ?
Ces individus représentent au pouvoir le Mode de production capitaliste, la Propriété capitaliste, avec leurs tares, leurs crises périodiques, leur exploitation de l’homme par l’homme, leur cortège de souffrances, et nous n’attendons rien d’eux que des coups.
Nous n’attendons le salut que du prolétariat devenu maître du pouvoir et préludant par les mesures citées plus haut, à la transformation totale de la société.
Mais pour conquérir le pouvoir, par quelque moyen que ce soit, de haute lutte ou sans coup férir, il faut que le prolétariat s’éduque et s’organise. S’éduque par le socialisme. S’organise dans un seul parti, une seule C. G. T., autour d’un seul programme de revendication et de combat.
Cela, c’est l’œuvre d’aujourd’hui et de demain.
Contre le capitalisme, fauteur de crises, fauteur de chômage, fauteur de guerre, prolétaires, unissez-vous !
Le font unique, alors ? Non, l’unité ! L’unité, tout de suite ! »