La « Phonk » ou « vaportrap » est un courant musical lié à la Trap, elle-même sous-genre musical du Hip-Hop, qui a explosé au milieu des années 2010. Il puise ses racines dans le rap des années 1990 de la côte Est américaine, notamment de Memphis, Houston ou Miami. Une vague musicale qui marque de son empreinte la jeunesse des années 2010.
L’essor de la « phonk » date véritablement de 2010 avec le morceau « Bringing Da Phonk » de SpaceGhostPurpp, rappeur et producteur de Miami, dont le clip est basé sur des vidéos type VHS. La « phonk » c’est ce style de trap vaporeux très axé sur l’instrumental, réalisé sur de long mix inventifs entre jazz, funk et hip-hop.
Le genre s’est rapidement répandu grâce à DJ Smokey, un jeune artiste d’Hamilton, une ville de l’Ontario au Canada très impactée par la pollution de l’air générée par l’industrie sidérurgique. Influencé par les mix de « SpaceGhostPurpp », il sort son premier volume en 2013, « Evil Wayz Vol.1 ».
Portée par une génération née à la fin des années 1990, la «phonk » est tournée vers cette décennie, jusqu’à la nostalgie. Evidemment, être entièrement tourné vers le passé ne peut rien vraiment produire de nouveau, de populaire. Il serait donc faux de croire qu’il n’y ait là qu’une nostalgie.
Le style puise ses origines dans le style trap de la côte Est américaine, propulsé dans les années 1990 entre autres par « Three Six Mafia » de Memphis ou par DJ Screw de Houston à l’origine de la technique « Chopped & Screwed » (ralentir et répéter un passage en boucle).
Pour l’anecdote, pas si anecdotique que cela d’ailleurs, George Floyd, homme noir tué par un policier à Minneapolis le 25 mai 2020, avait participé sous le nom de « Big Floyd » à une compil’ de Dj Screw.
Mais, la nouvelle génération « phonk » parvient à dépasser ses origines, ne serait-ce par les sonorités et le style qui tournent en dérision justement l’aspect « gangsta » des débuts du sous-genre hip-hop. On le voit avec les images de cartoon ou les pochettes d’album qui se moque du fameux « parental advisory explicit lyrics ».
Avec la « phonk », on a une approche plus posée avec des mix aux basses saturées, des sonorités déformées jusqu’à l’extrême dans une ambiance trap temporisée. A ce titre, il est à l’opposé d’un autre genre de trap qu’est la Drill, assumant le style violent, grave et agressif du gangsta rap.
Depuis le milieu des années 2010, le genre connaît un élan jusqu’à devenir la première référence sur la plateforme SoundCloud en 2016 avec le mot clef #phonk. Cela n’est pas pour rien que c’est sur cette plateforme que ce genre s’est imposé : au-delà de mieux conserver la qualité musicale, elle est aussi un véritable espace tourné vers l’échange et le partage strictement musical.
En France, Soudière est un des artistes de renommée mondiale le plus en vue du genre. Originaire de Nancy, il a découvert le genre en tant que skater après avoir visionné la très fameuse « part » de Beagle dans la « Baker 3 » (2005).
Avec un style de skate original, le morceau « Smoke A Sack » de « DJ Paul & Juicy J » a indéniablement marqué tout skater de ces années là, valorisant un esprit amusant, fun et 100 % décontracté, tranchant avec l’esprit « piss drunk ».
Avec la « phonk », on a une jeunesse cherchant l’esprit de synthèse. C’est une génération qui profite des avancées technologiques de l’informatique et d’internet pour produire de la « phonk » à la fois liée à ses origines des 90’s, tout en la complexifiant musicalement et en assumant une critique des aspects culturels jugés dérisoires de cette époque.
Et en même temps, la critique, la synthèse ne parvient pas à pleine maturité. Elle est une jeunesse encore prisonnière des vicissitudes de son époque, tourmentée par le désir de paix, le « chill » agissant comme une véritable anti-dépresseur et la dépendance aux drogues comme fuite en avant.
La « vaportrape » est indéniablement liée à la codéine et au cannabis, dont certains albums et certaines sonorités font explicitement la référence. Est-ce étonnant de ce point de vue que le genre ait été notamment propulsé par DJ Smokey, originaire d’Hamilton, la ville canadienne la plus ravagée par la récente crise de opioïdes ?
La « phonk » exprime bien l’expérience de la jeunesse des années 2010 qui cherche inévitablement à progresser vers l’avenir, sans arriver à se départir complètement de son époque.