Le monde du jeu vidéo connaît, dans un chemin très contradictoire, des petites révolutions, faisant avancer le genre vers toujours plus de beauté et d’amusement, à travers un nombre significatif d’échecs (qui peuvent s’avérer être des succès commerciaux). Il y a systématiquement au cœur de ces révolutions une quête poussée de réalisme qui aboutit à un moment à une étape nouvelle. Flight Simulator 2020 marque indiscutablement l’une de ces révolutions, poussant le réalisme à un degré jamais vu auparavant.
L’avenir du jeu vidéo est le cloud gaming, c’est-à-dire le fait qu’un logiciel ne tourne plus seulement sur sa propre console ou son propre PC, mais directement depuis un serveur centralisé très puissant, transférant des données quasiment en temps réel grâce à internet.
Flight Simulator 2020 en est la première grande illustration et c’est cela qui permet ce degré fascinant de réalisme que propose le jeu. La terre entière a été modélisée grâce aux images satellites et cette modélisation est disponible en temps réel lors des vols. Cela permet ni plus ni moins que de survoler notre planète, avec un rendu se confondant avec la réalité dans de nombreuses situations.
https://www.youtube.com/watch?v=y4mcXgS-6IY
Cela était théoriquement déjà possible. Par exemple sur le jeu X-plane 11, il y avait la possibilité de télécharger des petites parties de la Terre (un département français par exemple) avec un rendu très réaliste (vu depuis haut dans le ciel), pour voler dans cette région. Le problème est bien évidement que cela nécessitait énormément de ressources sur sa propre machine, ainsi que de très longs téléchargements, qui bien sûr ne se mettaient pas à jour.
Tout cela est fini avec Flight simulator 2020 (sortie au mois d’août), puisque ces données gigantesques sont maintenant centralisées et accessibles en temps réel à chaque joueur. Cela permet de dégager une grande puissance de calcul, qui est alors dédiée aux graphismes des avions dont le rendu est saisissant.
https://www.youtube.com/watch?v=qANETAUhANg
Il faut bien sûr des PC très puissants pour avoir de telles images, et cela peut monter jusqu’à plus de 2000 euros. Cependant, on obtient déjà quelque chose de très intéressant et tout à fait jouable avec une configuration (gaming) d’entrée de gamme bien organisée, autour de 800 à 900 euros. Cela n’est pas donné évidement, mais c’est là souvent un minimum pour les personnes jouant sur PC.
Actuellement, le rendu est encore inégal et toutes les parties de la planète ne sont pas aussi jolies. Pour les villes, comme dans les précédentes versions de Flight Simulator ou des licences concurrentes, les bâtiments sont modélisés par des bâtiments types, à partir des photos vues du dessus. Cette fois, c’est très bien fait et c’est largement satisfaisant dans la plupart des cas (on reconnaît facilement sa maison ou son immeuble, son lycée ou son lieu de travail, son stade d’entraînement, les forêts où l’on se balade, etc.) Cependant, pour de nombreuses villes et régions du monde (dont le nombre augmentera sans cesse), le rendu est directement photoréaliste.
En France, cela concerne des villes comme Rennes, Lille, Marseille, Bordeaux (d’où est issu le studio Assobo qui a réalisé le jeu, édité par Microsoft), ou encore les châteaux de la Loire.
Voici par exemple le survol de Rome, l’une des villes photoréalistes du jeu. Cela laisse sans voix (ce ne sont pas de simples images commerciales, mais une vraie capture du jeu tel qu’il existe) :
Tout n’est pas aussi joli bien sûr, surtout pour les zones naturelles lorsqu’on s’approche de près. Il y a notamment de nombreux mouvements d’eau qui sont mal restitués, des rivières qui sortent de leur lit en montagne en défiant la gravité, des textures rocheuses mal faites, etc. Toutefois, lorsque la région a été travaillée en détail, ou encore dès que l’on prend de l’altitude, cela prend tout son sens. C’est aussi le cas pour la météo, dont le rendu est parfois époustouflant.
En ce qui concerne l’expérience de jeu, là aussi il y a une véritable révolution. Jusqu’à présent, les simulateurs de vol étaient très arides, nécessitant de lires les véritables manuels des appareils pour les démarrer et les faire décoller, insérer un plan de vol, etc. Tout cela a été rendu accessible très facilement au néophyte, sans perdre pour autant en réalisme pour les joueurs avancés. Flight Simulator 2020 est un très bon exemple de comment quelque chose de très pointu peut être rendu accessible au plus grand nombre sans perdre de sa substance. Une telle démarche relève littéralement du socialisme quant à son fond.
Du point de vue des amateurs de simulation de vol, il y a encore beaucoup à faire en termes de réalisme, particulièrement en ce qui concerne les deux avions de ligne fournis par défaut (Airbus A320 Neo et Boeing 747-8). Les modèles de vol de ceux-ci nécessitent encore du travail (la façon dont les avions abordent leurs virages par exemple), il y a quelques bugs sur les pilotes automatiques (ceux-ci ont tendance à monter trop rapidement en altitude), de nombreux boutons ne sont pas cliquables, etc.
Cela n’a cependant rien de rédhibitoire, surtout pour les personnes découvrant le genre. Pour les autres, il existe déjà des modifications accessibles gratuitement en ligne, réalisés par une communauté de joueurs déjà bien établie, qui augmentent grandement le réalisme de l’Airbus A320 Neo… moins d’un mois après la sortie du jeu !
Parallèlement, les studios indépendants spécialisés dans la modélisation très réaliste d’avions, qui vendent leurs produits pour les simulations de vol depuis de nombreuses années, ont été intégrés officiellement à Flight Simulator 2020 et proposeront bientôt des avions qui seront à n’en pas douter de très haute qualité, comme c’était déjà le cas avant avec des possibilités moindres.
De la même manière, il a été intégré au jeu les systèmes de simulation de contrôle aérien. Autrement dit, au lieu d’avoir le contrôle aérien automatique du jeu (qui est d’ailleurs très bien fait), il est possible d’avoir de véritables communications avec des joueurs simulant le contrôle aérien, utilisant la véritable phraséologie et les véritables procédures, etc.
Tout cela augure des choses incroyables pour l’avenir du jeu vidéo, avec comme support ni plus ni moins que la réalité elle-même, l’entièreté de la planète Terre. La modélisation réaliste du monde passe un nouveau cap, qui produira forcément un grand changement des mentalités dans le sens d’une capacité toujours plus grandes à synthétiser le monde et aborder la réalité matérielle, à l’échelle planétaire.