L’appel vise les présidentielles de 2022, appelant à l’unité de toute la Gauche ; signé par des personnalités plus ou moins influentes, il n’a cependant pas l’assentiment des appareils des mouvements politiques de la Gauche, ni d’ailleurs de sens programmatique.
La jeune Greta Thunberg a appeléà voter Joe Biden pour barrer la route à Donald Trump. C’est à la fois vrai dans l’idée et simpliste, car cela ne résout pas les problèmes de fond, en particulier la question ouvrière. C’est au fond la même démarche qu’a l’appel des 1000, 2022 en commun, avec d’ailleurs pour la page contact une photographie d’une mobilisation américaine anti-Trump (drapeau américain compris).
On chercherait en vain les mots ouvrier, travailleur, bourgeois, lutte des classes, crise et toutes ces choses semblant dépassées pour les tenants d’une Gauche à l’américaine. Il faudrait nier toute programmatique, du moins mettre cela de côté, pour faire barrage. Au passage, on accumule les idées et les valeurs et on unifie le tout. Sont d’ailleurs mis sur le même plan « militants associatifs, syndicaux politiques, chercheurs, universitaires, etc. ».
Sauf que les signataires de l’appel – mentionnons Clémentine Autain, Elsa Faucillon, Gérard Filoche, Noël Mamère, Thomas Piketty, Michèle Rubirola – ne sont qu’à l’arrière-plan dans leurs organisations respectives (EELV, PCF, LFI, etc.) et que les directions des mouvements politiques ne comptent certainement pas rentrer dans ce jeu, tant par volonté hégémonique que par tradition : en France, il existe une tradition puissante du combat d’idées ouvert et politique.
La France, ce n’est pas les Etats-Unis, pays où le capitalisme a écrasé entièrement la politique dans le peuple, depuis les années 1910-1920 et l’écrasement du mouvement ouvrier par la violence.
Cet appel, typiquement américain dans la forme avec cette volonté de copier le Parti Démocrate américain, et étrangère au mouvement ouvrier historique dans le fond, reflète en même temps un vrai besoin d’unité à Gauche – mais la question de l’unité peut-elle avoir une réponse électorale ? Ou bien s’agit-il de la nécessité de l’engagement, d’une dimension programmatique, d’une reconstitution de structures politiques par en bas ?
Et ne vit-on pas une crise ? Quel sens y a-t-il à nier la crise ?
Voici l’appel :
« La fin de l’été a été rythmée par les journées et universités des différents partis de gauche et du pôle écologiste. Si tous ont voulu donner des signes d’ouverture, il est clair qu’il manque d’un travail commun pour définir un projet alternatif à celui du gouvernement, la plupart des appareils politiques se focalisant sur son éventuel présidentiable et ayant la prétention de rassembler autour de celui-ci.
Nous refusons de nous résigner à cette situation.
Depuis plusieurs mois déjà, de nombreuses initiatives travaillent à faire tomber les murs. Choisissant de placer les identités partisanes ou organisationnelles au second plan, elles ont commencé à esquisser un arc écologiste, social, et humaniste. Les organisations de jeunesse politique se sont fédérées dans le cadre du mouvement Résilience Commune, des organisations de jeunesse de la société civile (activistes et entrepreneurs) se sont coalisées et se sont données rendez-vous pour la Rencontre des Justices et toutes ces différentes composantes aujourd’hui dialoguent.
Dans ces discussions, il est question de la double urgence climatique et sociale et de la préservation des conditions de vie sur terre. Il est question de l’abyssale crise économique et sociale qui se profile en cette rentrée, préparée par des décennies de politiques néolibérales. Et il est question de se saisir des prochaines échéances politiques pour conjurer cette perspective mortifère.
Un constat commun s’impose : la dégradation de notre écosystème, la défiance envers nos institutions et la crise économique et sociale s’accélèrent… Il est dès lors urgent de construire une alternative politique heureuse pour notre pays, l’urgence d’une victoire pour nos engagements – celui de l’écologie, de l’égalité et de la démocratie réelle.
Nous nous opposons résolument au néolibéralisme, au capitalisme, au productivisme, au patriarcat, au présidentialisme, à tous les racismes et à toutes les discriminations et exclusions.
Nous faisons du féminisme, de l’antiracisme, de l’écologie, de la lutte contre les écocides, de la défense des droits et des nouvelles formes démocratiques à mettre en place, des outils pour construire un nouvel imaginaire politique, structuré par des coopérations et déconstruisant les dominations.
C’est d’un nouveau régime relationnel dont il est question, qui transformerait notre relation à l’autre, au vivant, à nos territoires, plaçant la solidarité et la coopération au centre là où le néolibéralisme avait fait triompher la concurrence, l’oppression et l’exploitation.
Il nous faut imaginer ce que serait une République écologique, sociale et démocratique et comment cette dernière pourrait se concrétiser dans un socle commun de propositions, dans une plate-forme commune, en tenant compte des initiatives prises par des collectifs qui anticipent, par leurs pratiques démocratiques, la société à venir.
En particulier, nous avons besoin d’un changement radical de la politique économique et sociale, d’un nouveau partage des richesses, qui serait permis notamment par une fiscalité plus juste, d’un partage du travail et d’une réduction du temps que nous y passons.
Nous vivons une décennie critique où les enjeux se déterminent à l’échelle planétaire. La question d’une alternative humaniste à la barbarie sera de plus en plus importante. La France doit œuvrer à une refonte des relations internationales et à une transformation de l’Union européenne pour relever ces défis.
Mais nous ne parviendrons pas à gagner si nous ne parvenons pas à nous unir. Il n’est pas ici question d’union pour l’union, d’unité sans principes autour d’une orientation gommant les diversités. Encore moins de mettre sous le tapis nos différences et désaccords. Il est question de lier nos luttes et de coordonner nos stratégies, de se fédérer en demeurant nous-mêmes.
Partout, au-delà des rangs de la jeunesse, des dialogues se sont noués. Entre organisations de la société civile: associations, syndicats, fondations, médias libres, collectifs, pétitions, coalitions et entreprises sociales ou écologiques. Entre partis politiques aussi quelquefois.
Souvent néanmoins, les enjeux tactiques à plus court terme, le temps nécessaire à l’exercice de la démocratie interne aux partis et organisations, les volontés d’hégémonie, ont pris le dessus et ralenti la construction du commun. Les élections présidentielles et les législatives de 2022 représentent une échéance vitale pour notre avenir avec un double risque : celui de la poursuite et de l’amplification des politiques actuelles ou passées, celui de l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite.
Conjurer ces risques suppose de s’engager résolument dans la construction d’une perspective de rassemblement de la gauche, de l’écologie politique et des citoyens et citoyennes mobilisé.es, sur un projet et un contrat de législature permettant d’engager une transformation écologique, sociale et démocratique.
C’est pourquoi, nous lançons un appel à l’ensemble des citoyennes et citoyens qui se reconnaissent dans cette ambition de porter au pouvoir en 2022, face au néolibéralisme, une alternative écologique, sociale et démocratique, en promouvant une démarche et une candidature commune à l’élection présidentielle dans une démarche transparente et démocratique.
Dans cette perspective, nous participerons à toutes les initiatives de mobilisations sociales et citoyennes allant dans le sens du rassemblement des forces pour la transformation écologique, sociale et démocratique, et appelons à rejoindre toutes les initiatives de dialogue et de construction de convergence. Nous co-organiserons un grand rendez-vous début 2021. »