Au mois de mars 2020, Emmanuel Macron n’avait pas osé employer le termes de confinement. Il a finalement utilisé le mot fin octobre, mais pour ce qui s’avère n’être qu’un demi-confinement, absolument pas à la hauteur de la situation sanitaire. Cela n’empêche pas l’agitation bourgeoise, et particulièrement petite-bourgeoise, qui trouve que c’est encore trop.
L’actualité française est ainsi littéralement polluée par la révolte des commerçants et chefs d’entreprises voulant à tout prix ouvrir et faire leurs petites affaires. Cela ne les intéresse pas que la deuxième vague de covid-19 déferle sur la France, avec une augmentation continue du nombre de personnes en réanimation (+75 samedi 31 octobre 2020 par rapport à la veille), avec en tout 23 153 personnes hospitalisées. Les affaires sont les affaires, peu importe les malades et les morts, voilà ce que pensent ces partisans acharnés du capitalisme, qu’ils soient petits ou gros.
Partout dans le pays, fleuristes, vendeurs de jouets ou de vêtements, libraires, bijoutiers, parfumeurs, chefs d’entreprises en tous genres, s’indignent d’être considérés « non essentiels », alors qu’effectivement ils ne relèvent pas d’une activité essentielle si l’on veut vraiment arrêter la circulation du coronavirus. Mais ils ont un tel poids en France qu’ils vont bientôt obtenir de nombreuses concessions, de la part d’un gouvernement qui, de toutes manières, n’est pas en mesure d’assumer un combat à la hauteur contre l’épidémie, préférant le capitalisme à la santé de la population, préférant les patrons aux avis des médecins et hospitaliers.
Dimanche premier novembre, ce sont donc les syndicats des commerçants, de la grande distribution, ainsi que le Medef qui sont accueillis à Matignon par le premier ministre afin de faire entendre leurs exigences. Le gouvernement est littéralement terrorisé par cette colère bourgeoise, qui est bien entendue portée par la Droite.
Des manifestations sont déjà prévues partout en France par des « artisans et commerçants » contre les mesures sanitaires, comme à La Flèche ou à Gap. Des maires de villes comme Yerres, Les Herbiers, Perpignan, Chalon-sur-Saône, Brive-la-Gaillarde, Saint-Calais, relevant tous de la Droite ou d’extrême-Droite, ne se sont pas gênés pour prendre des arrêtés municipaux autorisant l’ouverture de commerces interdits. Et les exemples sont multiples partout dans le pays. Ces arrêtés n’ont aucune valeur juridique, mais la pression est énorme, ébranlant la base même de l’autorité centrale de l’État français.
Cela ne concerne pas seulement les petits capitalistes, puisque les grandes enseignes comme Boulanger et le groupe Fnac-Darty se sont arrogées le droit d’ouvrir, alors que les groupes Auchan et Monoprix ont annoncé qu’ils allaient eux-même accueillir dans leurs magasins des petits commerçants interdits… La bourgeoisie est pratiquement à l’unisson pour mener une fronde anti-démocratique contre les mesures sanitaires.
La pression est tellement forte que Philippe Laurent, le maire de droite de Sceaux, président de l’association Centre-Ville en Mouvement, menace directement l’État d’une contestation de grande ampleur :
« S’il n’y a pas d’assouplissement des mesures d’ici le milieu de semaine prochaine, le gouvernement devra gérer 10 000 arrêtés de maires. Ce sera la fronde ! Et cela laissera de la rancœur. D’autant que les habitants sont derrière les commerçants… »
La Droite est clairement et ouvertement à l’offensive en France, d’autant plus qu’elle est galvanisée par la question islamiste depuis plusieurs jours. Il faut vraiment s’attendre à ce que la déferlante de Droite, voire d’extrême-Droite, soit énorme dans les semaines et mois à venir.
En face, il faudrait toute la solidité de la Gauche, assumant d’une main de fer l’intérêt de la collectivité et des mesures collectives. Le problème, c’est que cette Gauche est pour l’instant aux abonnés absents, avec dans ses rangs tout un tas d’usurpateurs allant dans le même sens que la Droite, avec en toile de fond le libéralisme libertaire économique et culturel.
On a ainsi le PCF, qui défend les grandes surfaces françaises au prétexte de critiquer le monopole américain Amazon, dans une logique sociale-chauvine. On a ainsi Johana Rolland, la maire « socialiste » de Nantes et présidente de l’association des métropoles France urbaine, qui réclame comme la Droite « l’équité de traitement entre commerces de proximité et grandes surfaces ».
La situation est pourtant simple et ce qu’il faut est très clair : seul un confinement strict de la population est en mesure d’enrayer la circulation accrue du virus dans l’état actuel des choses. Mais pour cela, il faut assumer que la collectivité s’impose sur le capitalisme ; c’est précisément le rôle historique de la Gauche d’assumer cela contre la Droite. Une Gauche électoraliste composée de gens des couches supérieures de la société ne peut pas saisir cela.