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La cisjordanisation du Karabagh arménien

Ce qui reste de la « République d’Artsakh » va connaître un processus d’étouffement et de satellisation, de manière similaire à ce que va connaître l’Arménie.

Ce qui reste de la « République d’Artsakh » va connaître un processus d’étouffement et de satellisation, de manière similaire à ce que va connaître l’Arménie.

Le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a tenu un discours le 12 novembre 2020, où il est absolument clair sur le fait que l’Azerbaïdjan a gagné militairement et qu’il s’agissait, au moyen d’un accord, de tenter de sauver ce qui pouvait l’être. Il expose de la manière suivante la situation :

« Le président de l’Artsakh a averti que, si les hostilités ne s’arrêtaient pas, nous pourrions perdre Stepanakert en quelques jours et, selon certains scénarios, même en quelques heures (…).

Si nous avions perdu Stepanakert, qui, comme le président de l’Artsakh Arayik Harutyunyan l’a déjà confirmé dans ses remarques publiques, était dans l’ensemble sans défense à l’époque, alors Askeran et Martakert auraient été perdus de manière prévisible et inévitable.

Tout simplement parce que ces villes étaient à l’arrière au moment où la guerre a commencé car elles étaient assez éloignées de la ligne de front et manquaient de structures défensives et de fortifications. Il n’y avait pas non plus assez de forces combattantes capables de défendre ces villes.

Et que se passerait-il après la chute de ces villes ? Les deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième défenses de l’armée de défense seraient assiégées par l’ennemi, ce qui signifie que plus de 20000 soldats et officiers arméniens auraient pu se retrouver encerclés par les troupes ennemies, risquant inévitablement d’être tués ou capturés. Dans ces conditions, bien entendu, la chute des régions de Karvachar et Kashatagh aurait été inévitable, conduisant à une catastrophe complète. »

Le premier ministre arménien explique pourtant en même temps à l’opinion publique arménienne que la « République d’Artsakh » aurait désormais davantage de chance d’être reconnue. C’est évidemment mensonger et ne vise qu’à calmer une très grande agitation nationaliste en Arménie. L’opposition est vent debout et le même jour que le discours, ses dirigeants ont été arrêtés.

Ce qui est réclamé, c’est ni plus ni moins que le retrait des forces russes d’interposition et la reprise d’une guerre censée repousser l’Azerbaïdjan et reprendre les territoires perdus, conformément aux plans d’une « grande Arménie ».

Tout cela relève de la fiction, une fiction largement partagée dans la diaspora, le média français armenews.com (Nouvelles d’Arménie magazine) étant un exemple de cela avec une rhétorique guerrière, expansionniste, nationaliste-religieuse, etc. Une fiction bien entendu aux dépens du peuple arménien du Karabagh et du peuple arménien en général.

Le Caucase, c’est en effet comme les Balkans : si les petits peuples luttent les uns contre les autres, ils se massacrent et passent sous la coupe de grandes puissances. S’ils s’unissent, alors par la Démocratie ils peuvent avancer et progresser.

Maintenant, les nationalistes pro-grande Arménie portent la responsabilité de la satellisation des Arméniens, de leur étouffement, de leur effacement même.

Panneaux à Yerevan : marché de Rostov sur le Don à 7 mètres, Stepanakert (au Nagorny Karabagh) 332 km, Dubai 1951 km

Il suffit en fait de regarder la carte de la « République d’Artsakh » pour comprendre comment elle est prise en étau et comment elle va se faire immanquablement phagocyter par l’Azerbaïdjan. Pour saisir ce qui va se passer, il suffit de regarder ce qui se passe en Cisjordanie, avec Israël grignotant au fur et à mesure des territoires et faisant en sorte que, dans tous les cas, ce qui reste de la Cisjordanie soit totalement satellisée.

La « République d’Artsakh » est encerclé ; l’Arménie, pays au régime corrompu, est à genoux économiquement et n’a les moyens de rien. Il n’y aura donc pas d’investissements, alors qu’en plus les réfugiés ne reviendront pas pour la plupart. Inversement, l’Azerbaïdjan va investir massivement pour faire en sorte que toute la zone autour soit extrêmement solide. L’Azerbaïdjan va déverser des pétro-dollars d’un côté, l’Arménie ne va rien pouvoir faire du tout.

Il va y avoir par conséquent un décalage énorme entre les deux territoires, aux dépens du Karabagh arménien qui comme on le voit sur la carte est à un endroit coupé en deux par une bande azérie. Impossible de procéder à un développement dans un territoire déjà isolé !

Source : Wikipédia

Il faut ajouter à cela les dévastations militaires, les mines partout, le climat délétère, la désorganisation, la pression existante et future, avec forcément des provocations, des chicanes administratives, des contrôles policiers et militaires, etc. Pour exister, la « République d’Artsakh » ne repose en fait que sur la médiation russe : la Russie va faire la pluie et le beau temps sur le Karabagh arménien, et même sur l’Arménie d’ailleurs.

L’Arménie, déjà un satellite russe, avait secoué ce joug avec le premier ministre actuel Nikol Pachinian nommé en 2018, mais là l’échec est complet. Les forces russes reviennent en force en Arménie, notamment avec, au sud du pays, la question du corridor devant relier l’Azerbaïdjan à la région du Nakhitchevan, la région arménienne de Syunik se trouvant désormais pris en sandwich par les deux. Au nord du pays, il y a déjà une très importante base russe.

Le peuple arménien mieux que tout autre ici doit comprendre qu’il est au pied du mur. Ses préjugés nationalistes et ses illusions chauvines ne l’ont ni protégé ni même préservé du pire. L’épouvante du Génocide qui pèse sur l’esprit des Arméniens ne sera pas dépassé par la ségrégation territoriale voulue et l’affrontement permanent avec les peuples turcs.

Le peuple arménien n’a ainsi plus le choix. La chimérique « Grande Arménie » relève d’une idéologie réactionnaire et par ailleurs impossible. Ce qui compte avant tout, ce qui compte plus que tout, c’est préserver la vie et l’existence du peuple arménien. Et pour exister, il faut la Démocratie, l’amitié de tous les peuples.

Sans cela, le peuple arménien va se faire lentement mais sûrement étouffer et se faire effacer. Maintenant, voici le choix historique à prendre : ou le peuple arménien se tourne vers l’universel et porte cette nouvelle démocratie à venir, seule capable de démolir à son tour les préjugés et le nationalisme turc, soit il s’effondre toujours plus dans ses propres préjugés et s’éteindra dans le nationalisme.

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