Les capitalistes de la fleur de chanvre attendaient avec impatience la décision de la Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire Kanavape. Jeudi 19 novembre 2020, elle vient de donner sa décision et sans surprise, elle demande à la France de s’aligner sur la législation commune européenne.
En 2017, Sébastien Béguerie de l’entreprise Kanavape spécialisée dans la commercialisation de cigarette électronique à base de cannabidiol est convoqué au tribunal correctionnel de Marseille. L’État lui reproche de vendre ses marchandises sous couvert de vertus médicales.
En effet, des médicaments à base de molécules issues du chanvre, comme le tétrahydrocannabinol (thc) ou le cannabidiol (cbd), existent déjà, comme le Sativex (thc) ou l’Epidyolex (cbd). En juin 2018, la Mission Interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildca) rappelait :
En France, les seuls produits contenant des tétrahydrocannabinols et du CBD pouvant revendiquer des allégations thérapeutiques sont les médicaments autorisés par l’ANSM ou la Commission européenne sur la base d’un dossier évalué selon des critères scientifiques de qualité, sécurité et efficacité.
Mais la pression capitaliste s’avère extrêmement intense puisque l’ « affaire Kanavape » donne lieu à des propos plein de confusion émanant du gouvernement de l’époque, pavant la voie à l’ouverture de nombreux « shops de CBD » partout en France.
Ces derniers s’appuient sur la législation européenne qui autorise la commercialisation et la vente de fleurs de chanvre à condition que la plante dont elles sont issues contiennent moins de 0,2 % de THC, la substance psychoactive du cannabis. Ainsi, des pays comme la Finlande, la Lituanie, la Norvège, l’Espagne, les Pays-Bas, l’Allemagne, etc., autorisent la vente de produits de cannabidiol sur cette base juridique.
Mais, les petits boutiquiers français du CBD oublient que la France a une base populaire qui n’est heureusement pas aussi réceptive aux mœurs libéral-libertaires que les Pays-bas ou la Norvège par-exemple, et que nous ne sommes pas non plus dans les pays de l’Est où l’euphorie capitaliste post-URSS fait des ravages.
De fait, la législation française interdit strictement la vente de fleurs de chanvre, quel que soit le taux de THC, n’autorisant que l’utilisation des graines et fibres d’une plante respectant la norme européenne de moins de 0,2 %. Autrement dit, d’accord pour des huiles, des crèmes, etc., à base de CBD d’une plante contenant moins de 0,2 % de THC, mais non aux fleurs de CBD pour fumer.
Cela pose forcément problème aux marchands de la fumette, confrontés alors à des procès en série.
La Cour de justice de l’Union européenne vient ici jouer son rôle de lissage et d’uniformisation vers le libéralisme, permettant l’extension du marché et la bonne marche du capitalisme. Dans sa décision à propos de l’affaire Kanavape, elle rappelle premièrement que :
La Cour dit pour droit que le droit de l’Union, en particulier les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, s’oppose à une réglementation nationale telle que celle en cause.
Pour ensuite affirmer très nettement :
Une interdiction de commercialisation du CBD, qui constitue, d’ailleurs, l’entrave la plus restrictive aux échanges concernant les produits légalement fabriqués et commercialisés dans d’autres États membres, ne saurait être adoptée que si ce risque apparaît comme suffisamment établi.
Grosso modo, l’échange et la vente de fleurs de CBD doivent être autorisées en France car il ne faut pas faire entrave à la liberté de circulation de marchandises soit-disant « inoffensives » pour la santé. Business is business !
Mais la France et surtout les français ne disent pas que le CBD n’est pas inoffensif au plan sanitaire, ils disent qu’avec un tel marché, on ouvre la boite de pandore vers la banalisation générale des drogues. Le CBD se fume de toute manière avec du tabac, et les études sanitaires disent que le CBD n’est pas psychotrope, non pas qu’il est absolument dénué d’effets indésirables… Si l’on veut se soigner, on a des médicaments prescrits par son médecin, et disponibles en pharmacie.
Pour l’Union européenne, il n’y a pas de réalités nationales, liées à des héritages culturels spécifiques issus des luttes de classe. Non, il y a simplement des espaces de projection marchande. Son rôle est de faire de l’Europe un vaste marché commun, si possible avec le plus d’échanges divers et variés, ni plus, ni moins. Il faut bien pouvoir peser dans la concurrence capitaliste internationale…
Avec cette décision, la Cour de justice de l’Union européenne vient détricoter par en haut, de manière totalement anti-démocratique, la culture populaire plutôt rétive à l’ouverture officielle d’un tel commerce en France. L’autorisation du CBD par cette « Cour » doit donc être comprise uniquement pour ce qu’elle est : une décision au service du rouleau compresseur capitaliste.