À défaut de critique de la société, la dénonciation gouvernementale est de mise et la « loi de sécurité globale » offre une course dans la démagogie. Celle-ci suit en pratique le « programme de transition » de Léon Trotsky.
On a atteint le fond niveau caricature. Pour Jean-Luc Mélenchon, le fait que l’État ne soit pas capable d’établir un réel second confinement ne compte pas : ce qui compte ce sont les élections et il faut donc dénoncer, quitte à inventer.
« Un régime autoritaire se met en place. Avec la loi «sécurité globale», les macronistes sont en train de mettre la France en cage. »
Il est vrai qu’il l’a dit lors de son premier meeting numérique, qui fut un succès avec plus de 200 000 personnes. Il faut bien trouver quelque chose à dire qui porte, à défaut d’avoir une critique de la société. On ne soulève pas les foules avec les droits des animaux ou la remise en cause de la société de consommation. Alors on dénonce le gouvernement et surtout le chef de l’État, profitant de la personnalisation de la Ve République.
Une telle démagogie est très rentable dans notre pays. Elle n’engage à rien, elle permet de jouer à se faire peur, de se donner une image très offensive ; c’est une petite passion à bas prix.
Naturellement, si on charge trop la barque, cela se voit tout de même. Enfin, si cela permet d’exister… Pour le Groupe Marxiste Internationaliste, par exemple, on est d’ailleurs au bord du grand soir. Non seulement il y a des grèves… mais même des manifestations ouvrières ! Et ce n’est pas tout : elles sont violemment réprimées, à coups de matraque et même de balles en caoutchouc ! Surréaliste.
« Les migrants, les grévistes et les participants des manifestations ouvrières savent que c’est bien la police républicaine ou les compagnies républicaines de sécurité qui distribuent les coups de matraque et tirent les balles en caoutchouc ! »
Pour la fraction l’Etincelle membre du NPA, on est pareillement à la veille du grand soir :
« Les dirigeants des États pourront peut-être faire taire, un temps, des journalistes ou des militants. Mais la répression n’a jamais pu faire taire une population déterminée. Tôt ou tard, un quelconque préfet sera contraint d’envoyer un message à ses chefs, comme le fit le chef des flics du tsar en février 1917 : « L’ordre n’a pu être rétabli à Petrograd ». Le plus tôt sera le mieux ! »
Il faudrait d’ailleurs, comme le demande Combattre pour le socialisme, un « gouvernement ouvrier » immédiat de remplacement :
« Pour le retrait/abrogation de la loi Sécurité Globale dans son intégralité ! Pour l’abrogation de la LPR, deux attaques d’une rare violence contre les libertés démocratiques ! Front Unique des organisations du mouvement ouvrier (CGT, FO, FSU) et UNEF ! Pour défaire Macron, qu’elles appellent à une : grande manifestation nationale au siège du pouvoir ! »
C’est là qu’on se dit : tout de même, il y a un dénominateur commun trop clair depuis Mélenchon jusqu’à ces groupes. Ce dénominateur commun, c’est le programme de transition de Léon Trotsky, un texte classique du trotskisme, pour ne pas dire d’ailleurs le texte classique. Son sous-titre résume bien l’objectif de l’ouvrage : « La mobilisation des masses autour des revendications transitoires comme préparation à la prise du pouvoir ».
Cette transition n’est pas celle menant à la révolution, mais à la phase révolutionnaire : il s’agirait de charger à fond quelques revendications pour prendre la direction du mouvement de masse. Une fois cela fait, on passe au programme révolutionnaire.
Cela revient strictement à ajouter de l’huile sur le feu en tentant de dépasser les revendications faites, comme en ce moment où le Nouveau Parti Anticapitaliste réclame le « désarmement de la police ».
Et c’est exactement le sens de la mobilisation du 28 novembre 2020, qui est une rencontre traditionnelle entre une Gauche gouvernementale, républicaine (voire « républicaniste ») et une gauche trotskiste cherchant à déborder à coups de revendications ciblées. Le 28 novembre a été un vrai fantôme des années 1980 !