Mardi 1er décembre avait lieu un procès important en Haute-Savoie, à l’issue duquel un chasseur a été condamné pour l’homicide involontaire d’un vététiste en 2018. Rien n’a changé depuis ce terrible accident et, terrible coïncidence, dès le lendemain mercredi 2 décembre, c’est à nouveau un jeune homme qui a été tué par un chasseur dans le Lot, alors qu’il coupait du bois à côté de chez lui.
Cinq personnes comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains mardi 1er décembre suite à la mort de Mark Sutton, un Britannique de 34 ans qui se promenait à VTT sur la commune de Montriond.
L’auteur du tir, qui a 24 ans cette année, était poursuivi pour homicide involontaire par imprudence et a écopé d’un an de prison ferme (ainsi que trois ans avec sursis). La peine est accompagnée d’une interdiction de chasser pendant dix ans et de détenir une arme pendant cinq ans.
À ses côtés, deux jeunes chasseurs ainsi que le père de l’un d’entre eux et sa compagne ont été reconnus coupables d’avoir maquillé la vérité sur l’homicide et ont écopé de peines allant de 6 mois à 18 mois de prison… avec sursis, avec interdiction de chasser et de détenir une arme pendant cette période.
Les heures du procès ont établi que, ce jour d’octobre 2018, l’auteur du tir et ses compagnons de chasses avaient manqué gravement à leurs obligations de sécurité, alors que le cycliste tué a été décrit comme « parfaitement identifiable » sur un chemin fréquenté, pentu et difficile d’accès.
Le coup de feu d’abord, était illégal puisqu’il était oblique, c’est-à-dire non dirigé vers le sol comme ce doit être le cas en théorie. Mais c’est la partie de chasse elle-même qui a été décrite comme « désorganisée », ainsi que le rapporte la rédaction locale de France 3 :
« La battue se serait déroulée sans responsable identifié, sans secteur de chasse établi, sans carnet de battue prérempli et à moins de 150 mètres des habitations. La jeunesse des chasseurs a aussi été invoquée. »
Pourtant, le plus âgé des chasseurs a expliqué que selon lui, « cela s’est toujours passé comme ça » à propos des règles de sécurité. Avec toute sa condescendance bourgeoise, le président du tribunal s’est alors permis de manière odieuse de répondre en le traitant « d’abruti », puis la Fédération des chasseurs de Haute-Savoie, partie civile, est intervenue via son avocat pour se défausser entièrement en pointant des « erreurs absolues ».
En clair, il s’agit de protéger la chasse et c’est ce qui s’est passé au procès du mardi 1er décembre à Thonon-les-Bains. Ce sont officiellement quelques chasseurs, considérés simplement comme fautifs individuellement, qui ont été condamnés en dehors de toute mise en perspective sociétale à propos de la chasse et de la façon dont elle est pratiquée dans notre pays.
Les propos du tireur plaidant sa bonne foi posent pourtant la question de l’existence de la chasse en général :
« Il n’y avait pas vraiment de poste défini. Je me suis posté, j’ai tiré et j’ai raté un chevreuil. Quinze minutes après, j’ai entendu un autre chien et j’ai vu un sanglier sortir. Je l’ai suivi dans la croix de ma lunette, il n’y avait aucune erreur possible ».
Comment se fait-il que d’aussi jeunes gens puissent se balader avec autant de légèreté dans la nature avec des armes aussi puissantes ? Il est bien trop facile ici de résumer l’homicide de Mark Sutton à seulement des manquements individuels, de la part de gens menés par un « abruti » selon les mots du juge.
Ce même juge qui d’ailleurs a été bien moins sévère que le procureur, qui avait requis cinq ans de prison dont deux ferme pour le principal accusé. C’est qu’il fallait protéger la chasse en général, tout en résumant le drame à un acte isolé.
Steve Downs, un ami du cycliste tué, a fondé l’Union des victimes de la chasse et a très bien saisi tout l’enjeu de cette affaire, qui n’est pas seulement le produit d’un manquement individuel, mais bien liée à la pratique de la chasse en général. Voici ce qu’il explique avec une très grande justesse :
« Ce cas a mis en lumière le côté toxique de la culture des chasseurs ainsi que le fait qu’ils mettent en danger chaque jour des vies pendant la saison de la chasse. Les chasseurs ont montré une indifférence totale au regard de la sécurité des autres.
1. Ils avaient bu de l’alcool au déjeuner avant d’aller chasser, armés dans un endroit public. Un des groupes a reconnu avoir bu une bouteille de vin , 2 bières et avoir fumé du cannabis.
Pourquoi n’existe-t-il pas une loi contre la consommation d’alcool pendant la chasse ? Comme boire et conduire ?
Il est autorisé pour les chasseurs de boire pendant la chasse, et cette tradition doit être remise en question.
2. Ce groupe de chasseurs n’avait pas mis de panneau avertissant une “chasse en cours” donc personne ne pouvait savoir qu’il circulait dans une zone de tirs.
3. Ils n’avaient pas rempli le carnet de battue et ont donc ignoré la sécurité des marcheurs, des cyclistes et des habitants proches de la zone de tirs.
Ce sont les fédérations et le gouvernement qui autorisent cette culture dangereuse à perdurer, en oubliant de revoir les règles de sécurité et les lois après chaque mort ou chaque accident.
Il y a beaucoup de choses qui peuvent être faites aujourd’hui pour essayer de s’assurer que cela ne se reproduise jamais .
1. Rendre chaque membre responsable en cas d’accident, pendant une session de chasse, ce qui encouragerait à contrôler le comportement de chacun.
2. Punir la consommation d’alcool pendant la chasse et en faire une infraction pénale.
3. Changer progressivement les règles du permis de chasse , en fonction de l’âge et de l’expérience.
Ne plus avoir autant de jeunes chasseurs portant des armes très puissantes si près des habitations après avoir bu, ce qui a été la cause de cette tragédie.
4. Revoir entièrement l’utilisation du carnet de battue et la façon dont les associations locales contrôlent chaque chasse, afin que l’évaluation des risques soit bien gérée et vérifiée à chaque fois.
La mort de Mark à fait prendre conscience à notre communauté de l’attitude dangereuse des chasseurs. Beaucoup de gens vivent dans la peur pendant la saison de la chasse, et ne peuvent pas profiter de la campagne près de chez eux puisqu’ils courent le risque d’être victime d’une balle perdue la plupart des jours de la semaine et tout les weekend.
De nombreuses personnes à travers la France nous ont contactés pour nous signaler de dangereux comportements de chasseurs, ou ont été victimes d’un incident eux-mêmes.
Nous demandons à chacun d’entre eux de raconter leur histoire pour l’ajouter au site internet de notre campagne www.victimeschasse.fr pour que nous puissions montrer la multiplication de ce fléau et comment il impacte les gens à travers la campagne chaque année.
Rien ne pourra ramener Mark et tout ce que nous pouvons faire maintenant est d’essayer de protéger les autres et de faire en sorte que cela ne se reproduise jamais, en sa mémoire. .
Nous n’essayons pas d’arrêter la chasse , nous essayons d’éviter les morts. »
Mercredi 2 décembre, c’est donc un nouvel accident qui a donné, malheureusement, raison au fondateur de l’Union des victimes de la chasse, avec la mort d’un jeune homme victime d’une balle perdue, alors qu’il coupait du bois à proximité de son habitation sur la commune de Calvignac dans le Lot.
L’auteur du tir a été interpellé pour homicide involontaire et un nouveau procès se tiendra forcément, avec la même individualisation sans mise en perspective sociétale, avec la même focalisation mensongère, malhonnête, sur un particulier, sans considération du contexte général. Pourtant, c’est bien le procès de la chasse en général qu’il faut faire, car les accidents sont nombreux et réguliers.
C’est là une question démocratique très importante en ce qui concerne la vie quotidienne dans les campagnes en France et ce doit être une préoccupation de la Gauche.