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La vision du monde du PCF pour son centenaire: la base

La base du PCF vit séparée de ce qui se passe au niveau de la direction ; elle est nostalgique d’une socialisation de masses.

La base du PCF vit séparée de ce qui se passe au niveau de la direction ; elle est nostalgique d’une socialisation de masses.

Il existe un grand décalage entre la base du PCF et les cadres. Ces derniers ont un véritable bagage idéologique, une vison du monde bien déterminée, se fondant sur une accumulation commencée dans les années 1960. La base ne comprend rien à tout cela et ne s’y intéresse pas.

La base du PCF, ce sont les restes d’une immense socialisation de masse, car en plus du PCF, il y avait toutes les structures liées à la vie quotidienne. Cellules d’entreprises, Confédération nationale des locataires, Union des femmes françaises, Mouvement de la paix, Fédération sportive et gymnique du travail, Union des étudiants communistes, UNEF, Secours populaire français, vente de l’Huma dimanche, Fête de l’Humanité, les municipalités, les comités d’entreprise, etc.

Pour des centaines de milliers de gens, le PCF a été le moyen de rencontrer son conjoint, ses amis, de partir en vacances, de se cultiver.

Pour les cadres, le PCF du passé mène jusqu’à eux, c’est-à-dire des intellectuels proposant une voie démocratique pour avancer au communisme ; pour la base, le PCF c’est un passé glorieux d’une socialisation de masses.

Cela n’a rien à voir. Par conséquent les cadres n’essaient pas de former la base, seulement de la conserver. Voici un excellent exemple avec les propos de Fabien Roussel, l’actuel dirigeant du PCF. Ses propos sont outrancièrement populistes, avec même une faute au mot « rênes » ; on est à mille lieux de la prose savamment construite et élaborée dans les publications pour les cadres.

On a ici quelque chose d’assez exemplaire d’une cassure entre les cadres et la base qui, si on y regarde bien, contient à l’arrière-plan une problématique tout à fait particulière. Lorsque se fondent les partis communistes dans les années 1920, l’Internationale Communiste avec Lénine leur dit : vous devez être composés de cadres efficaces, vous devez être un parti de masses. Mais comment être à la fois l’un et l’autre ? C’était un véritable casse-tête.

Pour le PCF, c’était encore plus vrai, car il y a eu trois moments le transformant totalement sur le plan numérique. Le premier, ce fut le mouvement antifasciste de février 1934 conduisant au Front populaire. Le PCF passa alors en quelques années d’un peu plus de 30 000 membres à plus de 230 000 !

En 1939 le PCF est interdit, il est littéralement broyé par la répression, il se reconstruit sur le tas pendant la Résistance et en 1946 il resurgit tel le phénix avec 800 000 membres ! Retombé ensuite à 250 000 membres, il profite paradoxalement de mai 1968 auquel il s’est opposé, pour atteindre 500 000 membres en 1977 !

On se doute que de telles transformations numériques exigeaient un énorme travail de formation, que le PCF n’a pas mené et il s’est produit une cassure entre les intellectuels et les manuels pour ainsi dire. Les uns pensaient, les autres faisaient. Et en décembre 2020, du côté de la base du PCF, cela donne donc ça : du kitsch culturellement rétrograde, dans un esprit nostalgique…

Rappelons… qu’on est ici dans le Pas-de-Calais, où l’alcool tue deux fois plus que la moyenne nationale ! Qu’historiquement le mouvement ouvrier met de côté l’alcool. Que dans les Hauts-de-France la jeunesse boit plus d’alcool qu’au niveau national. Bref c’est vraiment la faillite à tous les niveaux.

Mais c’est que la base du PCF n’est pas politique, elle est nostalgique d’une socialisation. C’est d’ailleurs le sens de la Fête de l’Huma, où on se retrouve entre « camarades » pour se goinfrer et picoler. La base du PCF est de culture syndicale, elle hyper-réactionnaire culturellement. Le PCF a été un bastion pro-chasseurs pour bloquer la tentative d’un référendum sur les animaux en septembre-octobre 2020. Cet exemple parisien en dira long aussi :

Le PCF en décembre 2020 fait ainsi face à un problème majeur. La cassure entre les cadres et la base est complète. Il n’y a rien à voir entre un Ian Brossat, élu parisien au style bourgeois assumé, et un adhérent de base basculé dans la beauferie mais s’arc-aboutant sur une socialisation passée glorieuse. Les tensions ne peuvent que devenir explosives et c’est pour cela que Fabien Roussel promet une candidature PCF pour 2022 : afin de neutraliser la base. S’il y parvient ou pas, cela va dépendre des sympathisants du PCF, qui vont faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre.