Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a fait un clin d’œil à l’Action française, par où il est passé dans sa jeunesse.
De passage à la télévision pour la très populiste émission L’Heure des pros, sur une chaîne Cnews d’ailleurs marquée par une ligne ouvertement pro-Droite, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a mentionné comme en passant l’Action française. Il en parle comme exemple d’une organisation qui lutte contre la République et que celle-ci aurait raison d’accepter afin de montrer sa générosité.
C’est une manière de couvrir cette organisation d’extrême-Droite, alors que lui-même met la pression sur les identitaires, cherchant à les interdire. C’est une manière également de soutenir discrètement l’Action française en en parlant, puisque chacun en France est censé, selon le ministre de l’Intérieur, connaître cette organisation ! C’était le cas en 1921, mais certainement pas en 2021.
Gérald Darmanin était dans sa jeunesse un activiste de la mouvance de l’Action française, ayant écrit en 2008 encore quelques articles pour l’organe Politique Magazine. Ce n’est là nullement un secret et d’ailleurs il est initialement le bras droit de Christian Vanneste, député du Nord, qui a été responsable des jeunes d’Action française à Lille. Gérald Darmanin est né à Valenciennes.
Gérald Darmanin avait, on s’en doute, un pied dans la mouvance de l’Action française et un autre dans la Droite traditionnelle. C’est qu’il y a convergence. C’est comme un écho. Rappelons également qu’il y a quelques semaines, après qu’un dirigeant de La France Insoumise, Eric Coquerel, avait appelé à interdire les identitaires, l’Action française avait demandé à Gérald Darmanin d’interdire… le PCF.
Cette présence de l’Action française ne doit nullement étonner. De toute l’extrême-Droite, l’Action française est la seule qui a réellement un corpus idéologique et une tradition d’organisation. Il y a de plus un arrière-plan de familles traditionnelles de la haute bourgeoisie, avec donc encore des règles et des principes capable de faire tenir la boutique.
De plus, l’Action française a balancé par-dessus bord le racialisme et l’antisémitisme halluciné qui étaient au cœur de son idéologie. L’organisation s’est tronquée, sur le plan des idées, en un néo-gaullisme impérial. Elle a connu un certain renouveau ces dernières années, justement de par cette ligne où il y a un certain style d’extrême-Droite, mais sans avoir à porter tout le bric-à-brac raciste.
Il y a aussi le fait que personne à l’extrême-Droite n’a réussi à proposer autre chose, si l’on omet le Rassemblement national, d’orientation électoraliste. Dans les années 1920-1930, l’extrême-Droite est née par des déçus de l’Action française (Drieu La Rochelle, Bernanos…). Une telle scène n’existe pas aujourd’hui et les nationalistes racistes vivent de toutes façons dans un univers mental païen et apocalyptique.
L’Action française colle en fait à l’esprit de l’époque. C’est de la Droite dure, pro-chasse à courre, avec un nationalisme affirmé cherchant à utiliser les jeunes immigrés comme vecteur d’un rôle impérial de la France. C’est en fait la ligne gaulliste du coup d’Etat de 1958, avec en toile de fond l’immanquable appel à l’armée et un romantisme passéiste dont les zadistes sont un produit indrect.
L’Action française présente donc une menace réelle. C’est, au sens strict, une véritable force fasciste, au sens historique d’une mobilisation populaire tournée vers la Droite, sur la base du nationalisme. Mais comme elle n’est pas raciste, cela implique l’antifascisme réel, celui du Front populaire, pas une caricature anarchiste contre les « fachos ».