Le Rassemblement National de Marine Le Pen a choisi de prendre partie pour Génération Identitaire menacée de dissolution.
Le ministère de l’Intérieur Gérald Darmanin a annoncé au regroupement d’extrême-Droite Génération identitaire qu’il serait dissout le 26 février 2021, à moins qu’il n’argumente efficacement contre la mesure prise.
Cela ne changera pas grand chose car le coup avait été prévu : Génération identitaire, normalement le mouvement de jeunesse des « identitaires », a pris son « autonomie » il y a quelques années. Il sera facile de renaître sous une autre forme, et en particulier sous les auspices de l’extrême-Droite. En Autriche, les identitaires servent déjà depuis des années de pointe activiste du parti d’extrême-Droite électoraliste FPÖ.
La même tendance se profile ici, alors que les directions prises étaient totalement différentes, le Front national – Rassemblement national ayant préféré une ligne républicaine sociale. Les choses changent cependant avec la crise.
Le Rassemblement national a ainsi annoncé son soutien à Génération identitaire, même s’il « ne partage pas toutes les opinions exprimées ». C’est là un pas extrêmement significatif, car normalement c’était plutôt la joie de se débarrasser d’un concurrent. Et les opposants à la dissolution de Génération identitaire rassemblent d’ailleurs des gens qui à l’extrême-Droite avaient pris depuis quelques années des options très différentes : Florian Philippot, Marion Maréchal, Julien Rochedy, Bruno Gollnish, Robert Ménard, Gilbert Collard, Gilles-William Goldnadel…
C’est un véritable front qui se forme ici. Voici le communiqué du Rassemblement national, dont il faut bien cerner les éléments de langage :
« Le Rassemblement National alerte nos concitoyens attachés aux libertés fondamentales que sont les libertés de conscience, d’expression et d’association. Ces dernières sont en effet dangereusement remises en cause par la décision prise hier par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, d’enclencher la procédure de dissolution de l’association Génération identitaire.
Force est de constater que les fondements de cette procédure de dissolution ne sont pas juridiques mais politiques.
Peut-on ainsi considérer que dénoncer la politique d’immigration, défendre la priorité nationale, être attaché à la nationalité française pour les fonctionnaires ou s’opposer au droit de vote des étrangers rendent possible une dissolution ?
C’est pourtant sur la base de la « discrimination en vertu de la non-appartenance à la nation française que se fonde la demande de dissolution.
Doit-on admettre que l’on ne puisse plus faire un lien entre immigration massive et insécurité ? Or, la demande de dissolution reproche de présenter l’immigration comme un danger pour les Français.
Le RN rappelle que l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen affirme que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ».
Par ailleurs, une telle dissolution serait également contraire à la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme selon laquelle « la liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique et vaut même pour les idées qui heurtent, choquent ou inquiètent ».
Sur la base des arguments politiques et d’opportunité avancés par le ministre de l’Intérieur, ce sont de grands partis politiques français, d’autres associations, et au-delà tout lanceur d’alerte, qui demain pourraient être visés par de telles procédures arbitraires.
Le Rassemblement National ne partage pas toutes les opinions exprimées par l’association menacée par le ministre de l’Intérieur, pas plus qu’il n’approuve toutes ses actions et ses modes d’expression, mais une association n’a pas à plaire ou déplaire à l’opposition, pas plus qu’au gouvernement.
Une association et de façon générale tout citoyen, se doivent de respecter la loi et le cas échéant, d’être protégés par cette dernière.
C’est au nom de ce principe démocratique et protecteur que le Rassemblement National dénonce cette décision du ministre de l’Intérieur et alerte nos concitoyens. »
On se retrouve ici dans une orientation qui est celle du front de la Droite qui a déjà eu lieu dans les années 1920-1930 en Espagne, en Italie, en Allemagne. Dans ces pays, l’extrême-Droite a été galvanisée par une unité structurelle de différents groupes, allant des ultras-conservateurs aux nationaux-révolutionnaires. C’est la première leçon.
La seconde, c’est que la « Nouvelle Droite » des années 1980 a réussi son œuvre : modifier la ligne de l’extrême-Droite en refusant les discours ouvertement racistes au profit d’un discours ethno-différentialiste. Au 21e siècle, parler de la « remigration » contre le « grand remplacement » est la transformation hypocrite du slogan raciste « les Arabes dehors » des années 1980.
On est là dans une profonde dynamique de la Droite, qui a le vent en poupe depuis plusieurs semaines. Et ce n’est qu’un début…