Le duo electro-house iconique en France a décidé de mettre un terme à son existence.
En France, Daft Punk est intouchable. On dit d’ailleurs les Daft Punk, comme s’il s’agissait de cousins, de gens à la fois proches et loin. La musique des Daft Punk a réussi le tour de force d’être puissamment développée et tout à fait accessible. On est dans la quintessence de la French Touch, avec une musique cérébrale et entraînante.
L’annonce de la dissolution des Daft Punk a donc provoqué une avalanche de réactions, même des Sapeurs Pompiers de Paris, d’autant plus qu’une vidéo (tirée de leur film Electroma) a été utilisée comme « épilogue ».
Les Daft Punk ont-ils réellement eu tant de valeur que cela ? C’est à vrai dire discutable et on peut comprendre par exemple l’avis disant que les Daft Punk n’ont fait que décliner un son electro et house émergeant à l’époque, faisant tout comme Johnny Hallyday pour le rock. Si Around the world est brillant avec d’ailleurs une vidéo formidable, One more time est une prostitution régressive de la culture club.
Pareillement, si Da Funk reflète un haut niveau, tout comme bien entendu Revolution 909, avec une vraie culture club, Harder Better Faster Stronger est un variant commercial, où toute âme est écrasée au profit d’un filtrage du son aseptisé. C’est ce qui a été appelé la « House filtrée », un euphémisme pour décrire de la House dégradée pour passer commercialement. Il ne faut pas oublier que l’ignoble Music Sounds Better With You vient du groupe Stardust, un éphémère groupe de la mouvance des Daft Punk avec d’ailleurs un de leurs membres.
Il n’est pas difficile de voir que Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo ne sont jamais sortis de cette contradiction entre une tendance ouverte à aller dans le sens de la pop commerciale et facile, et une culture club très développée. D’un côté, ils élargissaient le son des clubs fondés sur la House music, de l’autre ils la démolissaient comme le fit à la même époque la radio parisienne FG.
Les fans de la première heure regretteront ainsi inlassablement le premier album Homework (1997) alors que les succès commerciaux s’alignaient avec un second album Discovery qui a été un succès commercial gigantesque en 2001.
Human after All en 2005 n’a ensuite aucun impact avec son minimalisme répétitif sans orientation : les Daft Punk ont cru se préserver de la corruption avec leurs casques les préservant de la notoriété, mais ce n’est pas en section VIP à Ibiza qu’on progresse artistiquement parlant. D’où une tentative de redresser la barre avec la très réussie bande originale du film Tron Legacy en 2010 et un album s’orientant vers une néo-disco, Random Access Memories, en 2013.
Il est étonnant que depuis 2013 les Daft Punk aient été comme paralysés, alors que le meilleur était clairement devant eux. Il y avait un nouvel horizon.
Mais c’est que Daft Punk sont avant tout le produit de leur époque. Ce sont des gens de milieux bourgeois disposant de matériel et profitant de l’émergence de la techno, apportant leur contribution mais n’ayant jamais été capable de se dépasser et de prendre le parti des gens. Le succès commercial a été trop grand, la conscience politique et culturelle trop faible. Ils ont préféré faire des remix, des collaborations. Ils ont été incapables de produire le chef d’œuvre attendu.
Leur dissolution est d’ailleurs une capitulation. Le son électro a tellement évolué, que ce soit par le Hip Hop ou l’alternative R’n’b, sans parler de la musique électro en général, que les Daft Punk se sont retrouvés hors sol et hors jeu. Quand on voit qu’en 2017 la fanfare militaire du défilé du 14 juillet a repris Daft Punk devant Emmanuel Macron et Donald Trump…
Les Daft Punk restent donc emblématiques, mais ils reflètent surtout un énorme ratage. Ils accompagnent l’intégration – désintégration de la culture House Music en France. Avec donc, des morceaux populaires indéniables, mais une simplicité devenant simplisme. C’est une sacrée défaite culturellement parlant et une preuve de la capacité de corruption du capitalisme.