L’OTAN a pris l’initiative et désormais les deux blocs sont devenus unilatéralement antagoniques.
Selon les données apparentes et avec une marge d’erreur significative, on peut considérer que les forces en présence aux frontières de la Russie et de l’Ukraine sont désormais les suivantes:
– les deux pseudos-républiques populaires (de Donetsk et Louhansk) s’appuient sur 30 000 soldats, 500 chars, 1 000 véhicules blindés ;
– les forces russes consistent en 120 000 soldats, 400 chars, 7 600 véhicules blindés ;
– les forces ukrainiennes consistent en plus de 200 000 soldats, 450 chars de combat, 2 500 véhicules blindés.
On peut mettre de côté les forces aériennes, la supériorité russe étant écrasante, tout comme d’ailleurs le niveau technique des armements en général (obusiers, canons, lance roquettes multiples, systèmes anti-chars, etc.).
C’est monstrueux… et les accrochages et utilisations d’artillerie ont également commencé à reprendre à la frontière. Cela commence à avoir une autre signification alors que les troupes sont massivement présentes d’un côté comme de l’autre… Et que désormais l’affrontement est devenu celui de l’OTAN, ayant vassalisé l’Ukraine, avec l’expansionnisme russe.
Le maréchal en chef de l’air britannique Stuart Peach, président du Comité militaire de l’OTAN, s’est ainsi rendu en Ukraine le 7 avril 2021. Il a évidemment appuyé de toutes ses forces les démarches de l’Ukraine pour une adhésion, alors que le site internet de l’OTAN a désormais une version en ukrainien. Rappelons que le 6 avril, le président ukrainien avait mis cette question de l’adhésion sur la table, un véritable saut qualitatif.
Dès lors, la Russie ne parle plus du tout de manœuvres militaires, mais de nécessité opérative. L’Ukraine est ouvertement assimilée à l’OTAN, comme dans ces propos du 7 avril 2021 de Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères:
« Nous considérons cette campagne de désinformation et de propagande comme un moyen pour Kiev de détourner l’attention de ses propres préparatifs militaires dans le Donbass, de son sabotage des accords de Minsk (sur le règlement de la crise au Donbass) et de l’intensification des activités militaires des pays de l’OTAN en Ukraine. »
Et les troupes russes continuent d’affluer du pays tout entier, alors que Dmitri Peskov, le secrétaire de presse du président russe Vladimir Poutine, a expliqué, en faisant allusion aux 600 000 détenteurs de passeports russes à l’Est de l’Ukraine, que:
« assurer la sécurité des citoyens russes est absolument une priorité pour l’Etat russe et le président russe Vladimir Poutine »
Autant dire que les masques sont tombés de part et d’autre et cela implique une polarisation systématique. Le 7 avril, la Lituanie a ainsi dit qu’elle était prête à aider à établir le plan d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. C’est la ligne des pays baltes, farouchement anti-russe (et totalement anti-communiste), ouvertement pro-américain.
L’Allemagne a de son côté expliqué que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN… n’était pas du tout à l’ordre du jour. C’est que l’Allemagne met en place un gazoduc venant directement de Russie, le gazoduc Nord Stream 2 ; commencé en 2018, il n’est pas terminé car les États-Unis ont exercé une pression gigantesque pour l’empêcher.
C’est là l’expression d’une contradiction au sein de l’OTAN. Et le média pro-russe Spoutnik témoigne d’une autre contradiction que la Russie aimerait renforcer, celle entre la France et l’OTAN, d’où son article Adhésion de l’Ukraine à l’Otan: «Les Français sont-ils prêts à mourir pour Donetsk?».
En fait, tant l’OTAN que l’expansionnisme russe jouent sur le fait que l’Ukraine est loin, méconnue… pour en faire un sanglant terrain de jeu. Et l’accumulation d’armements et de troupes ne cesse toujours pas…
La rhétorique de la Russie et de l’Ukraine ne cesse de prendre une ampleur guerrière également. En Russie il y a même eu une émission où des commentateurs ont dit qu’il fallait envoyer des missiles nucléaires contre l’Ukraine… Et, de toutes façons, il est expliqué de manière ininterrompue dans la propagande que l’Ukraine va attaquer, que la Russie envoie des troupes massivement pour se défendre, etc.
Du côté ukrainien, tous les relais de la Russie ont été brisés. Le 5 avril, des sanctions ont été prises contre 10 personnes et de 79 entreprises dont 11 entités russes, accusées de « contrebande ». En réalité, c’est la liquidation de la partie pro-russe de l’oligarchie, dans le prolongement de la mise de côté en février de Victor Medvedtchouk, un oligarque ukrainien très proche du président russe Vladimir Poutine. Ses chaînes de télévision 112 Ukraine, ZiK et NewsOne ont été fermées. Tout ce qui est russe est ouvertement considérée comme hostile.
Les deux blocs se considèrent comme ennemis et il n’y a plus aucun espace de convergence. Les objectifs sont désormais un affaiblissement généralisé du concurrent, pour s’en débarrasser. On est en plein dans la bataille pour le repartage du monde.