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Jean-Luc Mélenchon, un exemple de silence sur l’Ukraine

Le silence sur l’Ukraine provient d’une conception sociale-chauvine de la France.

Le silence au sujet de l’Ukraine provient d’une conception sociale-chauvine de la France.

Le silence est complet parmi les personnalités politiques françaises quant à la crise en Ukraine. Pareil en ce qui concerne les organisations de gauche ou d’extrême-gauche. C’est que le conflit entre l’Ukraine et la Russie représente une ultime frontière. Les médias ont fini par en parler, car il le fallait bien, alors que les chancelleries de chaque pays choisissait son camp. Mais pour qui fait de la politique, parler de l’Ukraine revient à affronter la question de la guerre.

Or, il est bien plus simple de dénoncer Emmanuel Macron, de participer à des manifestations syndicales en prétendant qu’on veut changer la France dans tel ou tel sens, que de se confronter à la réalité de la France comme grande puissance et à une guerre formant une tendance toujours plus envahissante. Le capitalisme propose une bulle : on peut prétendre en son sein s’agiter comme on le veut, cela ne prête pas à conséquence. Sortir de la bulle, c’est autre chose.

Ainsi, si on veut savoir quel était l’esprit avant 1914 ou en 1939 en France, on a qu’à regarder l’état d’esprit aujourd’hui, c’est du pareil au même. On est dans la croyance en le capitalisme et en la paix qu’il permettrait. La guerre semble non pas seulement impossible, mais inconcevable. Le niveau de conscience des masses est pratiquement nul.

De manière plus machiavélique, le silence correspond à une orientation attendant son heure, par le fait qu’il s’agit de représenter tel chauvinisme contre tel chauvinisme français. Voici par exemple ce que dit Jean-Luc Mélenchon dans une note sur son blog (« L’Ukraine, nouvelle frontière américaine ») le 25 février 2014 :

« Mais ceux qui, en Europe et aux Etats Unis valident les putschs et les insurrections, nous préparent des lendemains furieux d’un bout à l’autre du continent. 

La Russie ne va pas se laisser faire. C’est bien normal.

Le peuple Ukrainien non plus. Sa fraction saine, débarrassé de la tutelle des corrompus qui s’étaient imposés comme leur porte-parole et leur gouvernement, va reprendre l’initiative. On peut donc compter sur une mise en cause populaire de l’extrême droite putschiste qui ce soir tient le haut du pavé aux acclamations de « l’Occident ».

Le danger vient de la violence que tout cela peut déclencher et du risque de partition du pays que l’offensive « occidentale » peut provoquer. »

Vu de 2021, ces propos sont on ne peut plus clairs. C’est une légitimation de l’expansionnisme russe visant à annexer une partie de l’Ukraine au nom d’une « guerre civile » amenant une partie du pays à prendre son indépendance… pour se tourner « naturellement » vers la Russie. C’est très clairement là une expression de convergence avec l’expansionnisme russe.

Pourtant, Jean-Luc Mélenchon garde le silence au sujet de l’Ukraine. Mais c’est qu’il est encore trop tôt pour prendre ouvertement le parti de la Russie. Il s’agit d’attendre le moment – pour essayer de parvenir à une sorte de coup d’État dans les couches dominantes de la société française. Marine Le Pen ne pense pas différemment.

Et Jean-Luc Mélenchon annonçait d’ailleurs déjà en 2014 que les tensions continueraient à s’exacerber (« Avis aux Mickey à propos de l’Ukraine ») le 5 mars 2014 :

« Ne croyez pas que la situation va se détendre. Les intérêts engagés sont trop importants. Anglais, Français, Autrichiens, Allemands : les premières économies de l’Europe sont lourdement engagées en Ukraine et, en Russie, de toutes les façons possibles, les principales. »

C’est là qu’on voit que Jean-Luc Mélenchon raisonne de manière « géostratégique », que sa démarche sociale-chauvine française est directement en convergence avec l’expansionnisme russe. Et c’est comme dans les années 1930 : il y a une bataille au cœur des couches dominantes pour savoir quelle option choisir, alors que les gens restent passifs, ayant capitulé devant les responsabilités démocratiques au nom d’une installation sociale dans une approche petite-bourgeoise.

L’Histoire avance alors malgré tout et le drame vient bousculer une société française chantant « Tout va très bien madame la Marquise », un homme providentiel se proposant alors de sauver le pays, en assumant en fait les choix faits par les couches dominantes. L’histoire de France est riche d’exemples à ce niveau, de Napoléon à Clemenceau, en passant par Napoléon III et jusqu’à Pétain, de Gaulle.