L’expansionnisme russe ouvre les hostilités avec un discours de Vladimir Poutine, le président ukrainien ayant posé sa ligne au préalable.
Le président russe Vladimir Poutine tient un discours le 21 avril, à midi à Moscou, et en amont, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a lui-même tenu un discours à la nation le 20 avril.
Volodymyr Zelensky a souligné l’unité du pays, au-delà du fait de parler différentes langues (« l’ukrainien, le russe, le tatar de Crimée, le hongrois ou la langue des signes »). L’Ukraine voudrait la paix, mais serait prête à se défendre, d’ailleurs l’Ukraine de 2021 ne serait plus celle de 2014. Le volontarisme est très présent, c’est une constante du régime, qui n’hésite pas à régulièrement souligner que l’Ukraine résisterait à une attaque russe, voire qu’elle gagnerait. C’est très clairement de l’auto-intoxication nationaliste. Il y a à la frontière une armée russe avec 110 000 hommes, une armée ukrainienne avec moitié moins d’hommes et du matériel qui a une génération de retard, ainsi que pas d’aviation.
Le président a pourtant expliqué le 20 avril :
« Nous n’avons pas peur, car nous avons une société incroyable qui est prête pour la mobilisation de masse des volontaires, qui va tout donner, tout trouver et tout apporter. Jour et nuit, dans la chaleur et le gel. »
C’est ici une allusion au seul recours en cas d’attaque russe : la levée de 200 000 hommes passés par l’armée et déjà formés, prêts à s’ajouter aux 120 000 soldats répartis dans le pays. C’est possible mais nullement assuré et les propos lyriques du président sont tout à fait représentatifs de l’idéalisme du régime ukrainien, qui a perdu pied avec la réalité. D’ailleurs, Volodymyr Zelensky n’a jamais eu l’idée de foncer à l’ONU pour en appeler aux peuples du monde. Il pense que les avions-cargos militaires régulièrement envoyés des États-Unis, du Canada et du Royaume-Uni ces derniers jours vont suffire à assurer aux combattants ukrainiens de quoi tenir.
Cette orientation a été soulignée dans le discours, le président ukrainien rappelant qu’il s’était tourné vers les dirigeants occidentaux, vers l’OTAN. Quant à la rupture avec la Russie, même si il est souligné qu’il faut éviter la guerre et ses millions de mort, elle est assumée. Volodymyr Zelensky a précisé qu’il était prêt à rencontrer Vladimir Poutine au Donbass, mais en même temps il a clairement dit que les pays n’ont plus rien à voir :
« L’Ukraine et la Russie, malgré leur passé commun, envisagent l’avenir différemment. Nous sommes nous. Vous êtes vous. Mais ce n’est pas forcément un problème, c’est une opportunité. »
Le président joue avec le feu en agissant ainsi. Son point de vue est en effet le même que celui de la Russie, mais inversée. En effet, la Russie considère l’Ukraine comme son annexe (la Grande-Russie et la Petite-Russie), la démarche étant désormais associée à la stratégie « eurasienne », où elle serait la colonne vertébrale d’un continent conservateur hébergeant de multiples communautés (on peut voir à ce sujet le très documenté article L’expansionnisme russe anti-ukrainien et sa base idéologique « eurasienne »).
L’Ukraine a la démarche inverse, l’amenant à intégrer « l’occident » de manière généralisée. Or, en adoptant cette ligne, Volodymyr Zelensky ne fait que pousser à une sorte de partition de l’Ukraine, ce qu’il prétend refuser. Car avec une telle ligne, il converge clairement avec un plan possible de la superpuissance américaine et de la Russie pour couper le pays en deux.
Et tant le romantisme « occidental » que celui « anti-occidental » ont leurs partisans en Ukraine, les deux idéologies se nourrissant des faiblesses de l’autre, entraînant une spirale irrationnelle et la soumission soit aux puissances occidentales, soit à la Russie. L’Ukraine ne peut qu’imploser dans une telle situation. Le piège est total, c’est soit Charybde, soit Scylla, ou pire les deux et la fracture de la nation ukrainienne.
En fait, la démarche de Volodymyr Zelensky n’a de sens que s’il ne croit pas en ce qu’il dit et que le régime ukrainien pense réaliser une offensive victorieuse. C’est suicidaire.
De plus, une grande rumeur veut d’ailleurs que le 21 avril, dans son discours, Vladimir Poutine proposera que la Fédération de Russie accueille en son sein non seulement les pseudos-républiques populaires de Donetzk et de Lougansk, mais également la Biélorussie. L’Ukraine serait alors automatiquement une cible.
Rappelons également que le Conseil de la Fédération de Russie est convoqué (depuis deux semaines) le 23 avril, pour un vote « en urgence » quant à une proposition du président russe. Juridiquement, cela ne peut que concerner la loi martiale, l’état d’urgence, l’envoi de forces armées hors du pays, ou bien évidemment une question « cadre » comme des éventuelles « adhésions » à la Fédération.
Et Gennady Zyuganov, président du Comité central du Parti communiste de la Fédération de Russie, a notamment déjà approuvé l’envoi prochain de troupes russes au Donbass. Si l’on ajoute les libéraux-démocrates (en fait nationalistes) et le Parti pro-Poutine, une large majorité des élus converge donc en faveur de l’expansionnisme russe.
Le 21 avril s’annonce infernal dans ce qu’il va entraîné, ce qui est déjà annoncé, dans les faits, depuis deux semaines. Agauche.org en parle d’ailleurs depuis le 2 avril, les articles concernant le conflit Ukraine-Russie étant rassemblés sur cette page. De manière isolée, dans l’indifférence générale. Mais en sauvant l’honneur de la Gauche qui sait ce qu’est la guerre et qui en connaît la nature capitaliste.