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Comment certains relativisent la tribune putschiste des militaires

L’esprit petit-bourgeois ne peut pas saisir la gravité de la situation.

L’esprit petit-bourgeois ne peut pas saisir la gravité de la situation.

Quand on est de gauche, on prend la situation très au sérieux. On sait que les choses tournent mal, qu’on va à la catastrophe. La Droite cherche à emporter toute la société, par un vaste recadrement. En ce qui concerne la tribune des militaires appelant à une intervention de l’armée si rien ne change, on ne saurait donc avoir une attitude de moquerie, comme le Canard enchaîné du 28 avril 2021.

« Des militaires à la retraite appellent à l’insurrection
Une vraie tentative de coup d’Ehpad? »

Ce titre du Canard enchaîné reflète un esprit relativiste et hypocrite. Le journal parle de « racornis du képi », de « naphtalinés de la fourragère et du galon », avec une argumentation qu’on retrouve un peu partout, notamment au gouvernement ou à la tête de l’armée. Il s’agirait de militaires âgés et déconnectés, sans aucune prise avec le réel. L’âge avancé leur aurait tourné la tête et ils ne seraient de toutes façons pas dangereux (un blog d’ultra-gauche parle de « putsch en charentaises »).

Mais enfin les journalistes du Canard enchaîné ne sont pas armés de leur côté et pourtant leur arme idéologique joue un vrai rôle. Il est bien connu que cet organe de presse est celui des révélations en apparence, en fait celui des coups indirects, des coups par la bande, des coups fourrés. Historiquement, le Canard enchaîné a joué pour cette raison un rôle de premier plan en torpillant le candidat de la Droite François Fillon pour une présidentielle de 2017 emportée par Emmanuel Macron grâce à cette nouvelle situation. C’est une forme de coup d’État.

Et c’est très français. La France a une longue tradition de vague putschiste, présente à tous moments de l’Histoire depuis 1789. Napoléon Bonaparte, Napoléon III, le général Boulanger, les maréchaux en 1914, la tentative de février 1934, le colonel La Rocque tout au long des années 1930, le maréchal Pétain en 1940 et le général de Gaulle en 1958 (voire même en 1940 en fait)…

Et c’est le même petit monde. Lorsque de Gaulle publie en 1932 Le Fil de l’épée, il le dédie au maréchal Pétain. Tous ces gens se sentent investis d’une mission. C’est très catholique à la française, c’est très « capitaine d’industrie » à la française, c’est très « cadre financier » à la française.

L’idée d’un rétablissement de l’ordre par en haut correspond à l’esprit très français de la reprise en main, de la gestion technique des questions étatiques, d’un esprit administratif-bureaucratique. Les monopoles français se sont toujours reconnus dans l’organisation de l’armée et inversement, avec la mentalité de cadre et l’esprit de corps, la mégalomanie des grands projets, les décisions par en haut.

Faut-il d’ailleurs rappeler que la tribune a été publiée sur Valeurs Actuelles, l’hebdomadaire de la Droite la plus active et la plus dure ? Souvenons-nous que le régime lui-même correspond à cette mentalité, puisque la cinquième république est née d’un coup d’État et est fondée sur le principe de l’homme providentiel. Que la politique, en France, est considérée depuis Catherine de Médicis et le 16e siècle comme relevant du machiavélisme. La politique, ce sont les coups, les opérations marquantes, les prises de guerre, etc. Faire de la politique ce serait agir tel un ogre, avec un appétit insatiable et en fomentant des coups. Même l’ultra-gauche voit en la politique la prise d’un forum Discord par-ci, le vol de militants par là !

Tout cela est pathétique et explique culturellement, idéologiquement, particulièrement bien la situation française.