L’état d’esprit de la Gauche activiste – syndicaliste pour le 1er mai 2021.
Le premier mai est un marqueur de la Gauche et toujours une occasion de fournir un point de vue sur l’actualité ou bien de rappeler sa vision du monde. En cette période de crise sanitaire, de crise économique, et d’ailleurs de crise morale, de crise culturelle, de crise écologique… bref, dans cette situation tourmentée, c’est d’autant plus important.
La Gauche activiste considère, dans ce panorama, que ce qui compte c’est le rentre-dedans, et que les choses se débloqueront ensuite d’elle-même. Elle est optimiste, entrevoit une grande révolte sociale à court terme et, en apparence, les 100 000 personnes ayant défilé hier sont une preuve de combativité.
Il va de soi que l’aspect syndical est ici principal, puisque les manifestations du premier mai sont en France de nature syndicale et non politique en tant que tel. La CGT, dans sa déclaration du premier mai, souligne bien sûr cette dimension non politique.
« 1er-Mai : ensemble pour les droits sociaux et les libertés
Le 1er-Mai est une journée qui unit internationalement les travailleurs et travailleuses avec leurs organisations syndicales. Le progrès des droits sociaux et des garanties collectives est conditionné à ce que tous les peuples puissent vivre en paix et disposent des libertés individuelles et collectives indispensables à leur développement.
Depuis plus d’une année, la pandémie liée à la Covid bouleverse la vie, le travail, les libertés individuelles et collectives des populations sur tous les continents (…).
De trop nombreux plans sociaux, de restructurations injustifiées, de délocalisations d’activités avec leur cortège de suppressions d’emploi sont en cours. Beaucoup d’entreprises ont pourtant bénéficié d’aides publiques importantes sans aucune contrepartie.
La précarité et la pauvreté gagnent du terrain en particulier chez les jeunes et les salariés fragilisés par des contrats à durée déterminée. De plus en plus, émerge le sentiment d’une génération sacrifiée.
La réforme de l’assurance chômage, rejetée par toutes les organisations syndicales et qui n’a d’autre but que de faire de nouvelles économies, est poursuivie.
Elle pourrait pénaliser plus 1,7 millions de demandeurs d’emploi, parmi eux les plus précaires et particulièrement les plus jeunes.
Nos organisations CGT, FO, FSU et Solidaires appellent toutes les travailleuses et travailleurs à se saisir du 1er-Mai, partout en France, pour en faire une journée de mobilisation et de manifestation, pour s’engager avec détermination pour l’emploi, les salaires, les services publics, la protection sociale, les libertés et la paix dans le monde. »
Exemplaire de cette approche activiste en ce moment, le Courant Communiste Révolutionnaire du Nouveau Parti Anticapitaliste, dont l’organe est Révolution permanente, appelle à un « plan de bataille à la hauteur de la crise », suivant sa ligne visant à constituer à court terme un « Parti révolutionnaire des Travailleurs ».
L’éditorial du premier mai 2021 de Révolution permanente mentionne donc les récentes luttes, considérant qu’elle forme un nouveau patrimoine qu’il s’agit de cimenter par un « programme d’urgence » (ce qui est en fait la ligne explicitée par Léon Trotski dans Le programme de transition).
« Ce 1er mai et les échéances à venir doivent constituer des points d’ancrages pour penser la suite des opérations. C’est une nécessité à l’heure où les conséquences de la crise vont continuer à s’intensifier. Les mesures de contentions mises en place ne vont pas durer et annoncent des lendemains terribles pour notre camp social. De plus, le gouvernement compte bien chercher à finaliser son calendrier de réforme, en s’appuyant notamment sur les leviers autoritaires renforcés au fil des dernières années.
Ce qu’il nous faut aujourd’hui c’est relever la tête et poser des perspectives à la hauteur. À partir d’un programme d’urgence qui vaille la peine de se battre, en s’appuyant sur le meilleur des méthodes de luttes de ces dernières années en France et dans le monde. »
On notera que ce courant du NPA généralise les initiatives activistes, telle une « précandidature présidentielle », la mise en avant de personnes ayant joué un rôle dans des grèves récentes, une organisation étudiante « le Poing levé » ayant un certain succès, ainsi qu’une structure féministe dénommée « Du pain et des roses », et cela au grand dam du NPA lui-même, toujours plus marginalisé.
L’autre grand courant de la Gauche activiste, ce sont bien sûr les anarchistes, ou plus exactement les « libertaires » puisqu’il y a un refus des idéologies. L’appel « Pour un 1er mai festif et chamailleur » est tout à fait représentatif de cet état d’esprit, avec une farouche opposition aux mesures anti-covid.
« Plus d’un an que la vie sociale s’est arrêtée. Interdite et punie par les administrateur.rice.s de ce monde.
Plus d’un an que l’on ne peut plus se retrouver entre ami.e.s, en famille ou même entre inconnu.e.s. (…)Aujourd’hui, c’est en Belgique que le ton est donné avec l’annonce de la «BOUM 2» au bois de la Cambre (Bruxelles). Le 1er avril 2021, la Belgique toute entière s’était réunie dans un grand parc pour imposer la liberté et la tolérance pour cette société au bord du burn-out. Une semaine plus tôt, Marseille organisait son traditionnel Carnaval de la Plaine qui a réuni 6000 personnes dans un esprit de révolte et de fête. Au nouvel an 2021, une free-party a rassemblé 2500 personnes en Bretagne sans créer de cluster selon l’ARS. Tous ces exemples sont devenus le théâtre d’une répression policière et judiciaire disproportionnée quand elle n’est pas sanguinaire.
Dans un contexte où l’état policier s’installe et se renforce, épaulé par un état d’urgence sanitaire qui n’en finit plus de ne plus finir. Dans un monde où s’amuser est proscrit… sauf pour les riches. La lutte des classes angoisse les riches et autres puissants, alors donnons leurs raison.
À l’image de nos voisin.es belges, faisons la fête pour célébrer notre aspiration à la liberté, allumons la mèche contestataire par un feu de joie! Réapproprions-nous les espaces publics (balcon, courée, jardins, parcs, rues, quartiers…), organisons des repas, des concerts, des manifestations : soyons inventif.ves et visons large pour faire vivre toutes formes de contestation, festives et révolutionnaires! »
Enfin, du côté de cette Gauche activiste, on a également un document très intéressant, même si assez triste dans la forme, de la part de l’OCML Voie Prolétarienne. Cette structure issue des années 1970 a maintenu une approche « marxiste-léniniste » adoptant dans les années 1990 un tournant mêlant, pour parler à traits grossiers, altermondialisme, esprit communiste libertaire, activisme syndicaliste, initiatives anti-impérialistes, etc.
L’OCML Voie Prolétarienne a alors proposé un style qui a irradié, même à petite échelle, la scène de la Gauche activiste. Mais les forces centrifuges ont eu raison de la démarche. Le premier mai 2021 a été rendu public la résolution du 11e congrès de l’organisation, expliquant qu’entre 2016-2019 cela a été l’effondrement, avec la réduction au niveau d’un cercle, et un bilan pour aller de l’avant.
C’est un bon exemple des soucis de la Gauche activiste, qui souvent, lorsqu’elle réussit quelque chose, perd sa base en raison de fondamentaux non cimentés.