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« Retour à la normale » : une capacité de rébellion en France proche du néant

Tout ce qui ne rentre pas dans le cadre est asphyxié.

Tout ce qui ne rentre pas dans le cadre est asphyxié.

On se dit souvent que cela ne peut pas être pire sur le plan de la conscience sociale, de la culture, et pourtant les Français témoignent toujours plus de leur incapacité à vouloir autre chose, à vouloir faire autre chose que ce que le capitalisme leur propose.

C’est un constat négatif, mais il est également très positif, car il permet d’avoir un regard clair et concret sur la société française. Si l’on ne veut pas faire partie d’une minorité infirme de pseudos activistes s’excitant sur Twitter et s’imaginant avoir une influence sur une société qui n’en a rien à faire, il faut oser le réalisme.

Et ce qui exige de rappeler cette triste réalité, c’est la vaste campagne de l’État et des médias quant au « retour à la normal ». Cette campagne triomphe sur tous les tableaux. Elle ne rencontre aucune opposition, elle se reflète partout dans la société.

D’un côté, il est naturel que les gens veuillent dépasser une situation de tension, de stress, de crise sanitaire. De l’autre, l’idée est tout de même de tout reprendre comme avant, comme s’ils ne s’était rien passé.

De la même manière que les gens voulant vivre différemment – au sens le plus large possible – ont raté la période du premier confinement pour gagner des points, ils sont en train d’être battus par les tenants de la normalité de la vie quotidienne dans le capitalisme.

Ce qui prédomine comme vision, c’est que la crise sanitaire n’a été qu’une période étrange, sans fondement ni signification. Une sorte d’anomalie dans une société de consommation ininterrompue avec des consommateurs toujours plus différents les uns des autres, car « uniques », disposant d’un « ego » capable de réaliser des choix qui leur seraient propres.

Cette conception s’appuie sur la capacité du capitalisme à intégrer tout ce qui est créatif, en mouvement, pour l’intégrer dans le renouvellement des marchés, dans leur systématisation, et dans l’ouverture de nouveaux marchés. Le capitalisme propose des identités à la chaîne, avec à chaque fois une esthétique très développée, une forme… sans contenu.

Cela ne veut nullement dire que le capitalisme a gagné et, d’ailleurs, même si c’était vrai, cela donnerait d’autant plus de raisons de l’affronter. Non, ce que cela montre, en réalité, c’est que le capitalisme a perdu, car il s’est réalisé, il a atteint son maximum.

S’il a réussi à tenir face à la crise, c’est qu’il a tout donné. C’est paradoxal, mais si tel n’était pas le cas, il y aurait eu des problèmes généralisés, alors que là tout va bien. Cela ne concerne évidemment que les pays capitalistes développés, dans les autres pays le chaos est déjà installé, que ce soit en Inde, en Colombie ou au Mali. Mais dans les pays capitalistes, il ne se passe rien, il n’y a pas de réflexion, pas de grèves, pas de contestation, aucune remise en cause du capitalisme.

Le capitalisme a tout fait pour tout assécher. Cependant, pour réussir autant, cela veut dire qu’il a tout mis. Il lui faut désormais récupérer sa mise et c’est là que tout va changer, de manière abrupte, brutale, terrifiante pour beaucoup.