Et cela alors que l’extrême-Droite avance étape par étape.
Les élections régionales des 20 et 27 juin 2021 sont marquées par la grande menace de l’extrême-Droite. Il est évident que celle-ci va faire des avancées électorales. Il en a été beaucoup parlé dans les médias, beaucoup de gens sont inquiets, l’ambiance est mauvaise. La chaîne Cnews et le polémiste Éric Zemmour sont littéralement aux premières loges médiatiques, travaillant au corps l’opinion.
L’extrême-Droite est d’autant plus forte en France en 2021 qu’elle sait que les Français ne veulent rien savoir : ils veulent juste déléguer les responsabilités et qu’on les laisse tranquilles. La campagne électorale a d’ailleurs été anecdotique pour les Français. Comme, de toutes façons, le rôle des conseils régionaux n’est guère connu… et qu’en plus il y a un déconfinement largement mis en place… autant dire que le désintérêt est total.
La politique dégoûte même les gens au plus haut point et les questions théoriques les fatiguent. Le mot d’ordre national est travail – consommation – flemme. La société est congelée, les mentalités flemmardes, la beauferie est de rigueur, l’immédiateté la valeur cardinale.
On a ainsi tous les ingrédients pour que cela tourne mal. Si cela tourne même très mal, cela renforcera d’autant la crise politique promise en 2022 avec la présidentielle. L’extrême-Droite, gagnant en crédibilité, s’unirait à la Droite. Cela formerait un rouleau compresseur…
On est donc dans une séquence plus que délicate. Il ne manque plus qu’un conflit militaire prononcé, où l’OTAN serait impliqué notamment, pour que tout s’accélère. Dans cet ordre d’idée, on est pour l’instant surtout dans un scénario à l’espagnol, où un coup d’Etat vient conclure une offensive électorale de la Droite épaulée par les actions d’éclat de l’extrême-Droite.
Cela ne veut pas dire que les gens ne peuvent pas se révolter, à un moment, d’une façon ou d’une autre. Ce que cela veut dire par contre, c’est que les gens sont en retard, beaucoup trop en retard. Ils ne sont pas à la hauteur de leur époque. Dans le meilleur des cas, on aurait alors un scénario à l’italienne, avec une vaste grève insuffisamment politique débouchant sur un raz-de-marée de la Droite, un gouvernement de la Droite phagocytant les institutions puis le régime lui-même. Benito Mussolini a ainsi légalement dirigé le gouvernement en modifiant graduellement le régime.
Dans un cas comme dans l’autre, la Gauche va être sur la défensive. Mais elle n’est pas prête, en raison de deux travers bien français : les pragmatiques pensent qu’ils vont reconquérir des postes institutionnels à court terme, les actionnistes pensent que la grève générale est pour demain. Résultat, rien n’est construit sur le long terme. Or, ce n’est qu’avec une vision sur le long terme qu’on peut saisir les étapes des avancées de l’extrême-Droite.
Le communiste bulgare Dimitrov souligne de la manière suivante la question de la montée en puissance de l’extrême-Droite, de la nécessité de découvrir les étapes par lesquelles elle opère.
« L’arrivée du fascisme au pouvoir, ce n’est pas la substitution ordinaire d’un gouvernement bourgeois à un autre, mais le remplacement d’une forme étatique de la domination de classe de la bourgeoisie – la démocratie bourgeoise – par une autre forme de cette domination, la dictature terroriste déclarée (…).
Camarades, on ne saurait se faire de l’arrivée du fascisme au pouvoir l’idée simpliste et unie qu’un comité quelconque du capital financier déciderait d’instaurer à telle date la dictature fasciste.
En réalité, le fascisme arrive ordinairement au pouvoir dans une lutte réciproque, parfois aiguë, avec les vieux partis bourgeois ou une portion déterminée d’entre eux, dans une lutte qui se mène même à l’intérieur du camp fasciste et qui en arrive parfois à des collisions armées, comme nous l’avons vu en Allemagne, en Autriche, et dans d’autres pays.
Tout cela sans affaiblir cependant l’importance du fait qu’avant l’instauration de la dictature fasciste, les gouvernements bourgeois passent ordinairement par une série d’étapes préparatoires et prennent une série de mesures réactionnaires contribuant à l’avènement direct du fascisme.
Quiconque ne lutte pas, au cours de ces étapes préparatoires, contre les mesures réactionnaires de la bourgeoisie et le fascisme grandissant, n’est pas en état d’entraver la victoire du fascisme, mais au contraire la facilite. »
Ce dont on a besoin, c’est d’une compréhension de ces étapes préparatoires. Et les régionales de juin 2021 en sont indéniablement une.