La France est aux abonnés absents, la Gauche est écrasée.
Comme prévu, la crise a frappé les élections régionales de 2021 de plein fouet. Le premier tour a été marqué par une abstention record : 67,2% ne se sont pas déplacés. C’est conforme à l’indifférence complète des Français pour la politique (ainsi que pour l’idéologie, voire pour la culture) et les responsabilités. Le pays connaît une vague de relativisme nihiliste qui fait froid dans le dos.
C’est ainsi, logiquement, la prime aux forces « enracinées », représentant les notables, les traditions, les intérêts locaux. Suivent les contestataires de l’extrême-Droite, de manière affaiblie en raison de la faible mobilisation, puis les libéraux-sociaux (autour d’Emmanuel Macron) et une Gauche post-socialiste, post-communiste, en orbite d’EELV elle-même écologiste – moderniste de centre-gauche.
Et cela fait très mal. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, la Droite fait 33,6%, l’extrême-Droite fait 34,4%. Dans les Hauts-de-France, la Droite fait 42,5%, l’extrême-Droite fait 24%. On parle ici d’une hégémonie complète de la Droite et de l’extrême-Droite.
Il en va relativement de même dans le Grand Est, où la Droite fait 31,5%, l’extrême-Droite fait 20,7%, et en Auvergne-Rhône-Alpes où la Droite fait 43,9%, l’extrême-Droite fait 12,2%.
Dans tous ces cas, la Gauche est balayée, représentant vaguement autour de 20%, en comptant le plus largement possible et encore sans aucune unité, ni base culturelle, ni socle militant. Dans pratiquement tous les cas la Droite et l’extrême-Droite ne sont pas loin de la majorité.
Dans le Centre-Val de Loire, l’extrême-Droite fait 25,5% et la Droite 18,4% ; en Normandie l’extrême-Droite fait 21,3% et l’alliance du centre-droit 39,6% ; en Bretagne la Droite fait 15,7% et l’extrême-Droite 14,4%. En Bourgogne-Franche-Comté l’alliance de la Droite fait 20,9% et l’extrême-Droite 24,1%.
En Île-de-France la Droite fait 36,4% et l’extrême-Droite 13,7% ; en Pays de la Loire la Droite fait 34,5% et l’extrême-Droite 12,6%.
Enfin, exceptions, en Nouvelle-Aquitaine la Droite fait 12,2% et l’extrême-Droite 18,6% ; en Occitanie la Droite fait 12,3% et l’extrême-Droite 23% ; en Guyane la Droite fait 31,2%.
Enfin, notons qu’il y a bien une spécificité corse, témoignant d’une vraie question nationale. Les résultats sont les suivants, avec une définition des positions politiques choisis par le Figaro: Gilles Simeoni (autonomiste) 29,19%, Laurent Marcangeli (ex-LR) 24,86%, Jean-Christophe Angelini (autonomiste) 13,22%, Paul-Félix Benedetti (indépendantiste) 8,39%, Jean-Guy Talamoni (indépendantiste) 6,9%, Jean-Charles Orsucci (LREM) 5,92%, François Filoni (RN) 4%, Agnès Simonpietri (EELV) 3,75%, Michel Stefani (PCF) 3,18%, Jean-Antoine Giacomi (extrême droite) 0,59%.
Les exceptions ne font que confirmer la règle. Sur le plan général, une catastrophe. Le traditionalisme l’emporte, avec la passivité et, quand il y a « contestation », c’est l’extrême-Droite qui la porte. La Gauche ne consiste qu’en des restes plutôt bobo – centre-ville. D’ailleurs, c’est le Parti socialiste qui est au premier rang de ces restes (Carole Delga en Occitanie avec près de 40%, François Bonneau en Centre-Val de Loire avec 25,6% ; Loïg Chesnais-Girard en Bretagne avec 20,8%, Marie-Guite Dufay en Bourgogne-Franche-Comté avec 26,2%, , Alain Rousset en Nouvelle-Aquitaine avec 28,6%). Carole Delga a d’ailleurs souligné la chose suivante :
Je fais partie d’une gauche réformiste qui traite tous les sujets, qui n’a aucun de tabou, j’aime à la fois les salariés et les chefs d’entreprise,
Il ne reste plus rien à part des décombres. Mais il faut en plus boire le calice jusqu’à la lie. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, les forces se revendiquant de la Gauche et de l’écologie se maintiennent au second tour, refusant de faire barrage coûte que coûte à l’extrême-Droite ! C’est la négation de l’antifascisme. Cela revient à dire, dans une version électoraliste, la même chose que Lutte Ouvrière, qui en tant qu’organisation trotskiste rejette formellement l’antifascisme, comme elle l’explique au soir du premier tour :
Le premier tour étant passé, le seul où le « camp des travailleurs » a pu s’exprimer, le deuxième tour n’a ni enjeu, ni intérêt pour les travailleurs et les classes populaires.
Lutte ouvrière ne cautionnera pas la supercherie consistant à présenter aux travailleurs des hommes politiques qui sont souvent aussi réactionnaires, aussi anti-ouvriers que ceux d’extrême droite, comme un rempart contre la menace du RN au pouvoir. Il n’est pas question pour Lutte ouvrière de soutenir quelque variante que ce soit du Front républicain.
Cette république est celle de la bourgeoisie. Elle ne réserve, à ceux qui n’ont que leur travail pour vivre, qu’un avenir d’exploitation et de mépris de la part des riches parasites. Les travailleurs auront à combattre la classe capitaliste pour l’empêcher de conduire la société vers la catastrophe.
C’est honteux. Il faut au contraire tout faire pour empêcher l’extrême-Droite de s’inscrire au plus haut niveau. Ne pas voir une différence qualitative entre la Droite et l’extrême-Droite, c’est ne pas rien comprendre à la rupture que signifie le fascisme. Et on va exactement dans cette direction, avec une Droite qui s’impose, une contestation happée par l’extrême-Droite, un apolitisme massif, une Gauche pourrie par le libéralisme qui a comme seule visée de moderniser le capitalisme.