La ZFE, pour zone à faible émission, est une mesure libérale, par nature anti-populaire et anti-démocratique.
La pollution aux oxydes d’azote est un fléau des villes, comme de certain territoires encaissés dans des vallées alpines. Les oxydes d’azote ou gaz Nox, sont issues de la combustion partielle du carburant des véhicules, et plus le véhicule est ancien, plus il en émet, et cela d’autant plus s’il fonctionne encore au diesel.
Il faut donc bien trouver une solution à ce problème écologique. Mais voilà : dans un monde libéral qui vomie le collectivisme, les dirigeants agissent surtout en accompagnant les individus à se conformer aux exigences du marché.
C’est dans cet esprit qu’est née en 1998 la pastille verte pour reconnaitre les véhicules les moins polluants. Finalement, l’obligation des catalyseurs sur les échappements de voiture a rendu caduc la pastille, la majorité des véhicules des années 2000 pouvant avoir la pastille verte. En juillet 2016 ont donc été lancées les vignettes Crit’air, allant de la pastille verte « véhicule zéro émission » à la pastille noire niveau 5, pour les véhicules diesel datant d’entre 1997 et 2000.
Évidemment, ces normes Crit’air sont ridicules car elles ne tiennent compte que de l’émission immédiate. Une véhicule électrique est donc un véhicule dit « zéro émission » alors que tout le monde sait bien maintenant que la fabrication des batteries, et notamment de ces composants, est très polluants et émetteur de gaz à effet de serre. Sans même parler du fait que, plus lourdes, les véhicules électriques risquent d’émettre plus de particules fines liées à l’usure des pneus et des disques de freins que des véhicules à moteur à combustion.
Soumission de la société à l’économie de marché oblige, c’est pourtant sur la base de ces normes que les « zones à faible émission » ont vu le jour dans plusieurs villes. Ces « ZFE » visent à interdire les véhicules les plus polluants à circuler dans les villes.
On retrouve ces zones dans le centre-ville de Grenoble depuis 2017, à Paris depuis 2019… Actuellement en cours de discussion parlementaire, la loi « Climat et résilience » souhaite étendre ces zones à toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants d’ici 2025. Une ZFE est même envisagée dans la vallée de l’Arve, une vallée alpine particulièrement sujette à la pollution.
Récemment, le Sénat, cette assemblée qui relève du pouvoir des notables de l’ »arrière-pays », a repoussé l’interdiction des véhicules Crit’air 3, 4, et 5 aux ZFE de 2025 à 2030. Des amendements ont également été adoptés sur des dérogations possibles, et la nécessité d’étude préalable pour mesurer l’impact « économique » d’une ZFE. Les notables se font la courroie de transmission des beaufs des campagnes, de ces « motards » et ces « automobilistes en colère ».
En fait, la mesure ZFE et ses critiques montre combien il est difficile de ne pas se faire piéger entre Charybde et Scylla, entre les libéraux progressistes et les conservateurs populistes. Et combien on a besoin d’un retour de la Gauche ancrée dans les luttes des classes.
Quand on voit comment une ex-militante de Gauche qui a basculé dans le nationalisme, s’oppose à la ZFE, on a tout compris. Voici ce que cette personne dit dans une vidéo d’une émission destinée au grand public :
« Aujourd’hui ce sont les métropoles qui concentrent les emplois, et notamment les plus valorisés. Ce sont les métropoles qui concentrent les musées ou les théâtres, ce sont les métropoles où l’on trouve les services les plus performants. Interdire l’accès à ces métropoles à ceux qui n’ont que leur voiture comme moyen de déplacement, c’est décider littéralement, sous couvert de bon sentiment, que ces métropoles sont désormais des citadelles réservées à une minorité d’urbains et d’individus favorisés pouvant se payer le luxe d’une voiture électrique ou un loft dans les beaux quartiers de la capitale et par là même d’un air qui ne serait être pollué par ces sales pauvres qui ne sont rien, ces beaufs qui fument des roulés et qui roulent au diesel »
On nage dans le populisme le plus caricatural. C’est tout à fait logique car ce discours relève complètement du style gilet jaune, et n’est là que pour servir les intérêts de la petite-bourgeoisie, principalement les artisans et les auto-entrepreneurs. Une couche sociale qui veut sa place au soleil et donc le statu quo.
C’est bien là qu’on voit la nature réactionnaire du nationalisme à prétention « populaire », sa vocation à neutraliser la lutte des classes, à écarter l’objectif d’une société démocratique et populaire dirigée par la classe ouvrière.
Car si l’on pense aux prolétaires qui font 15 à 20 minutes de trajet pour se rendre dans une zone industrielle, ou commerciale, ou un chantier, on voit bien que l’attachement à la voiture n’est finalement qu’une contrainte. Le monde est ainsi fait que les gens font comme ils peuvent, avec ce qu’on leur propose…
Mais de là à vanter ce modèle de transport, pur produit de l’individualisme et de l’écocide si tant est qu’on attache une importance sensible aux animaux morts sur les bords des routes, il y a un sacré pas.
Plus qu’un « droit à la ville », les prolétaires ont surtout droit à une vie riche et collective, à des emplois moins aliénants à proximité de leur lieu de résidence, à des lieux de culture épanouissants, à des transports confortables, moins aliénants, moins individualisants. Il faut d’ailleurs être bien éloigné de la classe ouvrière pour penser que c’est dans cette classe sociale qu’il y a les véhicules les plus polluants.
Au contraire, n’importe quel ouvrier de plus de 30 ans attache une grande importance à son véhicule, qu’il veut forcément confortable, moderne, familial, et donc relevant des normes soit-disant moins polluantes. Le problème n’est en fait pas là.
La ZFE pose surtout la question de l’étape populaire et démocratique dans la construction d’une société écologique. Il est faux de dire que la ZFE pose le dilemme entre pro et anti-voitures, de même qu’il est absurde de soutenir les groupes d’ « automobilistes » et de « motards » mobilisés contre cette restriction. Ces mêmes groupes qui étaient remontés il y a un peu contre le « 80 km/h », oui ces beaufs qui forment la base du populisme gilet jaune.
L’enjeu se situe au niveau de la contradiction entre les villes et les campagnes. Les campagnes ont droit à leurs lignes de tramways, tout comme les grandes métropoles ont droit à des transports accessibles à tous, et surtout elles doivent être brisées, démantelées.
Le pays a droit un développement homogène, avec des territoires reliés les uns aux autres par des transports collectifs efficaces, des territoires à la fois autonomes et dépendants entre eux. Il faut le meilleur des villes et le meilleur des campagnes dans une nouvelle unité de vie, voilà l’enjeu profond du débat des ZFE.
La mise en application des ZFE devrait ainsi être l’étincelle qui met le feu à la plaine mais non pas sur une base d’un retour aux années 1970, mais en revendication de transports en commun pour tous et partout, avec donc en filigrane la planification démocratique du développement social. Des années 1970, seul le slogan des autonomes doit être retenu : « que voulons nous ? Tout ! ».
Tout ! C’est-à-dire toute la richesse collective pour avoir un pays qui se développe de manière homogène, pour en finir avec les déséquilibres injustes entre grandes métropoles et campagnes, et pour avoir des transports collectifs respectueux de la personnalité humaine et de la Biosphère.
Pour cela, il faut une Gauche qui assume la lutte des classes pour vraiment régler l’opposition entre la ville et la campagne, et non pas pour opposer l’une à l’autre de manière unilatérale et bornée comme les font les bobos libéraux et les beaufs populistes.