La modernité capitaliste est implacable.
L’Union européenne a décidé de revenir sur une décision passée. Au moment de la maladie appelée encéphalopathie spongiforme bovine, il avait été fait en sorte il y a vingt ans de stopper le fait de donner aux poulets des farines venant des cochons et aux cochons des farines venant des poulets. Les farines venant d’insectes sont également autorisées. Le collagène et la gélatine venant d’animaux ruminants sont également autorisés dans l’alimentation pour les poulets et les cochons.
L’origine de cette modification vient d’un choix relevant de la situation de compétition mondiale. En effet, ce qui se passe est qu’il y a bien des farines animales produites en Europe, comme sources de protéines pour les animaux, ce qu’on appelle PAP (processed animal protein). Seulement depuis la crise sanitaire dans les élevages européens, ces farines sont exportées. Or, du soja est importé en Europe comme sources de protéines pour les animaux des élevages.
Rappelons ici que tout cela est absurde. Produire des protéines, tout cela pour les donner à des animaux vivant l’horreur, afin d’ensuite manger ces animaux pour accéder à des protéines… c’est absurde et criminel. Au niveau énergétique, écologique (par la destruction et la production de CO2) et moral, c’est tout simplement aberrant.
L’Union européenne, donc, a décidé de stopper la dépendance extérieure en renversant les choses, de manière erronée. On a donc les protéines animales sous la forme de farines qui vont être désormais utilisées. Il y a pour l’instant encore le barrière des espèces qui est maintenue légalement : on ne donnera pas des farines venant des cochons aux cochons. C’est censé être le rempart face à une nouvelle épidémie. On notera que cette barrière n’existe pas dans l’aquaculture, ce qui rappelle que pour l’humanité, les animaux de l’océan sont encore plus des abstractions que ceux sur la terre ferme. Il n’y a rien qui va sur la terre et c’est encore pire pour l’océan.
Cette stratégie de l’Union européenne concernant les protéines anomales s’appelle « Farm to Fork« , de la ferme à la fourchette. Elle veut apporter de la rationalité, des mesures plus écologistes, etc. : c’est de la modernité capitaliste présentée comme du progrès.
Et cette stratégie est validée à tous les niveaux, avec un Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation animale. On a affaire à une entité administrative qui reflète l’évolution de l’industrie. Et c’est elle qui décide. Croire qu’en changeant les mentalités des consommateurs – ce qui est impossible à grande échelle dans le capitalisme – on change la production est fondamentalement erroné. La production obéit à la quête de profits et cela s’arrête là. L’État arrondit les angles et s’assure que cela ne dérape pas, cela ne va plus loin non plus.
Cette histoire de farines animales est donc particulièrement choquante, mais nullement étonnant. Le capitalisme s’insère partout et dès qu’il peut utiliser quelque chose, il le fait. Les farines animales sont une même horreur que les mères porteuses, la livraison de drogues à domicile, les vidéos infinies de pornographie… toutes ces horreurs du turbo-capitalisme.
Un turbo-capitalisme qui démolit de toutes façons tellement le cerveau des gens que les farines animales ne seront même pas remarquées, cela sera un simple arrière-plan, un bruit de fond. Pourquoi de toutes façons y prêter attention, pourquoi changer le monde, alors qu’on peut consommer, fabriquer son identité comme réalité virtuelle validée socialement ?