Le capitalisme est obligé de faire du socialisme en raison de la crise sanitaire.
Le pass sanitaire n’est pas un « choix » gouvernemental, c’est une obligation historique en situation de pandémie. Lors d’une crise touchant tout le monde, il n’y a pas de réponse particulière : la solution est forcément du même niveau, de la même ampleur.
Et donc, comme la crise sanitaire est générale, alors c’est la mobilisation générale. On ne peut donc pas dire, comme le fait Anasse Kazib de Révolution Permanente, qui espère se présenter à la présidentielle 2022, que :
Le pass sanitaire est une mesure liberticide et anti sociale que le gouvernement utilise pour se dédouaner de son absence de stratégie sanitaire.
Ce n’est absolument pas vrai. Les faits montrent très bien que le pass sanitaire est rendu obligatoire par les faits eux-mêmes, que quel que soit le gouvernement et le pays, que ce soit la France, l’Autriche ou l’Italie, il y a une pression de la crise sanitaire telle qu’il est nécessaire de parer par des moyens de grande ampleur.
Les gouvernements ne sont d’ailleurs nullement contents d’avoir à le faire. Et pour cause! Le pass sanitaire est une mesure fondamentalement de gauche. Il s’agit en effet d’une procédure administrative universelle, qui s’impose d’elle-même, plaçant les intérêts généraux au-delà des égoïsmes individuels.
Ou, comme le résume Spock dans la série originelle Star Trek très ancré à gauche justement :
L’intérêt du plus grand nombre l’emporte sur l’intérêt d’un seul.
Les commentateurs du Figaro ne s’y trompent pas, justement, dénonçant sans cesse le pass sanitaire comme une mesure « liberticide », parlant de manière anxieuse d’un futur pass environnemental. Et ils ont raison : telle est la tendance historique.
L’Histoire commence à imposer une remise en cause générale de ce que fait l’humanité. Non pas de l’humanité abstraite, mais bien de l’humanité concrète : celle qui est socialement façonné par le capitalisme et qui s’imagine sortie de la Nature.
L’humanité s’imagine composée d’individus tous différents les uns les autres, l’Histoire remet en cause cette absurdité en rappelant que la planète est un grand tout, une Biosphère, et qu’il n’y a pas de partie qui puisse se prétendre séparée, ayant plus de valeur, unique, « libre » de faire ce qu’elle veut, etc.
L’époque qui vient est celle de la grande remise en cause et, forcément, cela va être très autoritaire. Les gens de droite ont raison de penser que la Gauche (historique) veut l’État policier : ils savent ce qui les attendent ! L’intolérable ne sera plus toléré…
Tony Estanguet, président du comité d’organisation des Jeux Olympiques de Paris 2024, explique qu’il faut choisir des sports spectaculaires « des sports qui cartonnent sur les réseaux sociaux », tels le surf et le breakdance… eh bien dans le Socialisme il ne pourra pas raconter des choses pareilles, car d’autres valeurs que la course à l’expansion du capitalisme prédomineront, celles venant du peuple et s’exprimant démocratiquement.
Cela sera un pass sanitaire… dans le sport. Et pareil dans tous les domaines. Le socialisme va imposer des mœurs nouvelles, des comportements nouveaux, au nom d’une conception de la vie opposée à ce qui prévaut dans le capitalisme… En ce sens, le socialisme, c’est la multiplication des pass du type pass sanitaire.
S’installer dans un village? Oui, mais il faudra avoir le pass montrant qu’on a fait un stage expliquant la situation locale de la Nature et comment la protéger.
Faire des études de médecine? Oui, mais il faudra avoir le pass montrant qu’on a fait un stage centré sur l’empathie et la compassion.
Partir en vacances en Corse? Oui, mais il faudra un pass montrant qu’on a fait un stage d’introduction à la culture nationale corse et au respect de sa faune et de sa flore.
Et la liste est sans fin, et la liste sera définie par le peuple lui-même, de manière démocratique. Et elle sera imposé par la force, parce que comme on le sait, le peuple ne plaisante pas avec la réalité.
En ce sens, le pass sanitaire, c’est le socialisme malgré lui : l’époque oblige le capitalisme à assumer le collectivisme malgré lui, parce que l’ampleur de ce qui se passe l’oblige à agir ainsi.
L’époque mûrit toujours davantage. Et l’ultra-gauche et les syndicalistes pleurant les mesures « liberticides » sont juste des petits-bourgeois larmoyants regrettant le monde d’avant. Ils n’ont pas compris le besoin d’un ordre nouveau.
« L’action de défense des travailleurs menée par les syndicats, la constitution d’organes socialistes, les expériences socialistes en régime bourgeois, la conquête incessante de nouveaux postes dans les organismes avec lesquels les bourgeois gouvernent la société, tout cela aujourd’hui est insuffisant, est devenu inutile.
C’est de tout autre chose dont nous avons besoin si nous ne voulons pas être écrasés et tout perdre.
Dominateurs de toute la société, il faut que ce soient les ouvriers, les paysans, les travailleurs de toute catégorie qui le deviennent, qu’ils aient le pouvoir et qu’ils l’exercent au moyen d’institutions nouvelles capables de donner à la société une nouvelle forme et une implacable discipline d’ordre et de travail pour tous. »
Antonio Gramsci, L’Ordine nuovo [L’Ordre nouveau], 13 mai 1921