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Tribune de cadres du Parti socialiste quant à la nomination d’un candidat à la présidentielle 2022

Le Parti socialiste est en voie d’autoliquidation.

Le Parti socialiste est en voie d’autoliquidation.

Le Parti socialiste est désormais un Parti d’élus, avec des cadres, mais il n’a plus aucune base. Pour cette raison, il rompt même avec son principe fondateur : celui de l’existence de la reconnaissance des tendances internes, impliquant une représentativité de celles-ci dans l’organigramme de la direction.

C’est ce que Léon Blum, dans une intervention fameuse pour les socialistes au Congrès de Tours des 1920 donnant naissance au Parti Communiste, appelle:

« une unité synthétique, une unité harmonique, c’était une sorte de résultante de toutes les forces, et toutes les tendances intervenaient pour fixer et déterminer l’axe commun de l’action. »

Or, sans tendances, sans base, tout cela n’est plus possible et la direction du Parti socialiste est en train de forcer la candidature d’Anne Hidalgo à la présidentielle de 2022, avec la perspective ouverte de liquider l’organisation pour l’insérer dans une structure fédérative sociale-écologiste.

Cela pose bien entendu la question du contenu, puisque Anne Hidalgo représente Paris, une ville bourgeoise, et qu’une telle structure serait du macronisme de « gauche ». La tribune de cadres socialistes ici publié ne pose pas cette question, elle raisonne en termes de traditions démocratiques et affirme que c’est une remise en cause à laquelle ils s’opposent.

C’est malheureusement bien tard, comme en prouve le fait que la tribune a été originellement publié sur le Huffington Post. C’est qu’il n’existe tout simplement pas d’opposition organisée, de regroupement dans un sens politique. Le Parti socialiste se décompose en fait littéralement.

S’il est un parti dont les confrontations internes ont toujours fait couler beaucoup d’encre, c’est bien le Parti Socialiste. Du combat de Jean Jaurès contre Jules Guesde, de François Mitterrand contre Michel Rocard, de Lionel Jospin contre Laurent Fabius, de Ségolène Royal contre Dominique Strauss-Kahn, de François Hollande contre Martine Aubry: tous ces épisodes ont marqué la vie démocratique de la gauche.

Sans discontinuer, l’histoire du parti de Jaurès a toujours été rythmée par ces divisions saines qui ont forgé la confrontation d’idées… C’est ce lien intrinsèque entre socialisme et démocratie qui est à l’origine de la gauche de gouvernement. C’est cette influence qui donne toute légitimité au Parti Socialiste de contester les pouvoirs trop verticaux, trop jupitériens.

Pourtant, nous sommes de plus en plus nombreux à nous inquiéter de notre propre démocratie interne, symbole d’un véritable repli sur soi. Car nous faisons face à une remise en question de principes fondamentaux qui nous placent dans une situation hypocrite de contestation de la verticalité alors que celle-ci régit progressivement le fonctionnement même du Parti Socialiste.

Cette verticalité semble s’imposer dans le silence coupable d’un congrès qui ne vise qu’une chose: une concentration des pouvoirs et une négation de la diversité de parole de ses militants. Une véritable rupture avec son histoire.

Le Parti Socialiste souhaite faire évoluer son organisation, mais dans quel sens? Les militants sont invités à approuver de nouveaux statuts sans pouvoir se prononcer sur des articles précis les régissant. Or quand les règles sont floues, c’est qu’il y a un loup!

Deuxième inquiétude, à l’aube des élections présidentielle et législatives, voici que les modalités de désignation seront décidées par le conseil national sur proposition d’un Bureau National verrouillé par son Premier Secrétaire.

Mieux, le voici tenté par un coup de force, mélangeant congrès et désignation du présidentiable du parti de la rose: ne pas voter pour lui reviendrait à s’opposer à Anne Hidalgo; voter pour lui reviendrait à voter pour Anne Hidalgo. 

Olivier Faure ou l’art et la manière de mélanger les choses. Quoi qu’il en soit, la candidature semble toujours primer sur le fond. Parallèlement, il est prévu l’ouverture au vote électronique, laissant la porte ouverte à des votes contestables, la faute à un système non éprouvé.

Troisième surprise, la réforme des statuts ouvre la voie à l’intégration du Parti Socialiste dans un nouveau groupement politique ou de s’associer à un groupement politique.

Pour quel objectif, quelle finalité? Olivier Faure prépare-t-il à la barbe de ses militants la dissolution du parti dans un nouvel ensemble, au nom de l’union, mais toujours sans clarification idéologique au préalable? 

Quatrième inquiétude: le rôle du Premier Secrétaire est renforcé par la restauration de véritables “lettres de cachet” permettant à ce dernier de proposer l’ostracisation d’un membre du parti à titre conservatoire avant une décision postérieure. Une belle manière d’écarter des potentiels candidats qui ne respecteraient pas la ligne “stratégique” d’Olivier Faure?

Cette verticalité nouvelle inquiète d’autant plus que les décisions prises n’ont pas apporté le moindre résultat. La nouvelle direction n’est toujours pas parvenue à démontrer son renouveau idéologique. En attestent les nombreux journalistes demandant régulièrement ce que pense le Parti Socialiste.

Reconnaissons-le, Olivier Faure n’en sait lui-même trop rien, mais il lui faut tout de même de nombreuses colonnes dans les journaux pour le dire.

Ce flottement idéologique est soudainement devenu préoccupant, lorsque Olivier Faure a soutenu l’idée d’un droit de contrôle de la police sur des décisions de justice, ou quand il a proposé sans concertation une réforme constitutionnelle permettant au Premier ministre de dissoudre l’Assemblée nationale.

Ces égarements n’auraient sans doute pas été possibles avec un fonctionnement horizontal du parti et avec un débat interne existant.

Les stratégies électorales perdantes des européennes puis des élections locales ont donné lieu à des situations improbables, transformant le Parti Socialiste en une banque politique, finançant les campagnes des autres, sans mettre en valeur ses propres troupes. Le résultat est implacable: un score faible et des cotisations d’élus réduites à peau de chagrin. Un tel fonctionnement ne peut conduire le Parti Socialiste qu’à sa perte.

À force de faire la campagne pour les autres, à force de payer pour des candidats issus de structures extérieures au parti, nous ne parviendrons plus à financer la moindre élection d’hommes et de femmes qui ont un engagement de gauche de longue date et qui se sont engagés jeunes au service d’une cause.

Les nouvelles échéances électorales vont être l’occasion d’un sursaut, ou d’un suicide collectif. L’expérience a montré que les candidatures imposées par le haut n’ont pas d’avenir. L’expérience a montré que réfléchir à la candidature avant de parler d’idées ne permet pas d’envisager un futur politique viable.

Quand bien même, à l’heure où l’on nous parle de démocratie participative à longueur de discours, il serait surprenant que le Parti Socialiste soit le seul parti à ne pas poser les bases d’un débat pour désigner son candidat. Or, les candidatures par acclamation n’ont aucune légitimité dans un parti démocratique. Un vote doit donc se tenir, pour revigorer l’encéphalogramme plat du parti et pour donner une véritable légitimité au futur candidat.

Il s’agit pour le parti de Jaurès de revigorer la démocratie. Les trop nombreuses candidatures floues, sans parti, sans corpus idéologique, sans conviction ont contribué au désintérêt massif des Français des dernières élections. Un parti n’est pas seulement une bannière, c’est un héritage, des influences intellectuelles claires et identifiables.

Nier l’intérêt d’un parti c’est contribuer au désordre démocratique. Ne pas s’appuyer sur cet héritage long de 100 ans et propulser des mouvements creux est une erreur majeure. Les Français attendent de la clarté et cherchent des repères.

Le Parti Socialiste d’Olivier Faure a cru bon de vouloir tourner la page du passé pour ouvrir un nouveau chapitre. Or celui-ci n’est toujours pas écrit et le Parti Socialiste fait face au syndrome de la feuille blanche. Il est grand temps d’y remédier.

Les signataires: 

Florian Lafarge: membre du Conseil National 

Marie-Arlette Carlotti: membre du Bureau National, Sénatrice, Ancienne ministre

Pierre Pribetich: membre du Bureau National, 1er vice-président de Dijon métropole

Maude Clavequin: membre du Bureau National

Yoan Hadadi: membre du Bureau National

Camille Marmousez: membre du Conseil National 

Philippe Dorthe: membre du Bureau National 

Maxime Girardin: membre du Conseil National

Christophe Bieber: membre du Conseil National

Antoine Hoareau: membre du Conseil National 

Arthur Chambon: membre du Conseil National 

Maxime Cohen: membre du bureau fédéral de Paris