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Présidentielle 2022 : Arnaud Montebourg, le Donald Trump français

Il propose une remise à plat de la France, comme pour passer le tour de la crise.

Il propose une remise à plat de la France, comme pour passer le tour de la crise.

Arnaud Montebourg, après avoir finalement hésité à se lancer dans la présidentielle 2022, a lancé sa campagne, appelée « la remontada ». Un terme espagnol signifiant « remontée » et popularisée récemment par la victoire en football du FC Barcelone contre le Paris Saint-Germain (6-1 contre 0-4 à l’aller, en 2017). Un choix populiste qui va avec la musique de fond de son annonce: la chanson « Que je t’aime » de Johnny Hallyday.

C’est qu’Arnaud Montebourg se présente comme le représentant de la France profonde, ce qu’il appelle de son côté la France des sous-préfectures. C’est son seul thème, puisqu’il ne parle ni de politique étrangère, ni de la question des valeurs ou des normes sociales, ni de l’actualité, ni d’ailleurs de rien du tout.

Ce qu’il dit, c’est que la France doit se réorganiser de manière entière pendant quelques années, ce qui revient à s’extraire des rapports internationaux pour quelque temps, de mettre tout de côté le temps d’une gigantesque restructuration. C’était ce que souhaitait Donald Trump dans le contexte américain et ainsi Arnaud Montebourg est son équivalent direct français.

Si on doit résumer cela, ce qu’il dit c’est : chers capitalistes, partir à l’aventure avec Marine Le Pen par une alliance avec la Russie est trop dangereux. Mais suivre simplement les États-Unis dans leur affrontement avec la Chine, c’est faire du suivisme quand même. Faisons donc comme les Allemands, restons à l’écart et renforçons nous pour profiter d’une situation possible où les États-Unis et la Chine se sont mutuellement épuisés.

Seulement, évidemment, l’Allemagne a un capitalisme qui tourne efficacement… La France beaucoup moins. Arnaud Montebourg est donc obligé de faire comme Donald Trump, qui lui voulait faire en sorte que son pays reste relativement à l’écart de tout, pour renforcer à terme contre la Chine. Il est obligé d’utiliser le nationalisme et son corrélat politique-économique : le protectionnisme.

Dans les extraits choisis de son programme et dans une interview (d’accès payant) au Journal du Dimanche, il fournit les éléments clefs de son programme, qui sont les suivants:

* « Des réglementations protectionnistes seront édictées dans l’intérêt national. »

* « Je propose que dans toutes les entreprises de plus de 10 salariés la participation soit rendue obligatoire et bénéficie à tous de façon égalitaire. »

* Faire acheter par l’État un million de logements vacants dans l’arrière-pays et les fournir gratuitement à qui veut y habiter.

* Mettre fin à la consommation de pétrole puisque ce sont des importations.

* Reconstruire des fleurons industriels autour d’une une soixantaine de produits critiques.

* Mettre en place entre 300 et 400 usines, entre 3 et 4 pour chaque département.

* Instaurer un septennat présidentiel non renouvelable.

Si Emmanuel Macron parlait de « start up nation », l’objectif d’Arnaud Montebourg est une France de petits-bourgeois, tous liés aux entreprises et à l’entrepreneuriat, une France de petits propriétaires, bref une France comme celle d’avant 1914, même si en fait avant 1939 c’était encore cela, et même jusqu’aux années 1970…

C’est le programme radical réactualisé par un nationalisme interventionniste étatique. Arnaud Montebourg insiste ainsi logiquement sur le fait qu’il ne se présente pas au nom de la Gauche, il récuse d’ailleurs toute primaire (il en était auparavant un fervent partisan, échouant à celle des socialistes en 2011 et 2016).

Il cherche à tirer sa crédibilité d’avoir été Ministre de l’Économiedu Redressement productif et du Numérique entre 2012 et 2014 sous la présidence de François Hollande, puis chef d’entreprise. Il se veut proche de la vie des gens de la « vraie » France, il a d’ailleurs annoncé sa candidature à Clamecy, en Bourgogne, d’où il vient, posant fièrement aux côtés du maire pour une photo « identitaire ».

Il n’a aucun parti, mais il espère que tant la ligne pro-américaine que celle de l’aventurisme ouvert (portée par Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon) feront si peur que la petite-bourgeoisie proposera à la bourgeoisie un gel complet du pays, comme accord général pour passer la tempête.

Mais c’est là s’imaginer que la France est une île isolée du monde et de sa crise…