Il est passé de pionnier de la culture à figure pop beauf.
L’acteur Jean-Paul Belmondo est le fils de Paul Belmondo, un sculpteur qui durant l’Occupation fut membre de la section Arts du regroupement « Collaboration, groupement des énergies françaises pour l’unité continentale ». Ses sculptures sont d’ailleurs d’un style convergeant avec l’esthétique fasciste.
Jean-Paul Belmondo vient ainsi de la grande bourgeoisie, passant par des écoles parisiennes prestigieuses (École alsacienne, École Pascal, lycées Louis-le-Grand, Henri-IV, Montaigne), puis par le Conservatoire national supérieur d’art dramatique. S’il fait de la boxe, c’est un passe temps secondaire car il est sportif ; le cœur de son approche, c’est une perspective esthétisante, celle du comédien à la française, celui qui surjoue.
C’est le contraire d’Alain Delon, qui lui vient du peuple, s’est comporté comme un voleur dans sa jeunesse jusqu’à fricoter avec la pègre, pour par hasard arriver dans le cinéma, ce qu’il résumera ainsi :
« Ma carrière n’a rien à voir avec le métier de comédien. Comédien, c’est une vocation.
C’est la différence essentielle – et il n’y a rien de péjoratif ici – entre Belmondo et Delon.
Je suis un acteur, Jean-Paul est un comédien.
Un comédien joue, il passe des années à apprendre, alors que l’acteur vit. Moi, j’ai toujours vécu mes rôles. Je n’ai jamais joué. Un acteur est un accident.
Je suis un accident. Ma vie est un accident. Ma carrière est un accident ».
D’où un paradoxe. Alain Delon c’est la gueule d’ange qui est en même temps un taiseux, qu’on place dans des films sombres, car il porte quelque chose de lourd, de dense. Jean-Paul Belmondo c’est le bourgeois au visage peu plaisant mais d’esprit conquérant, qui part à l’aventure.
Et si cela a donné des films réflexifs en s’appuyant sur ses réels talents artistiques – À bout de souffle, Pierrot le fou, Week-end à Zuydcoote… – cela va surtout donner des horreurs éminemment plébéiennes où il se comporte comme un héros écervelé à qui tout réussit à force de panache, notamment dans une posture de superflic: Peur sur la ville, Flic ou Voyou, Le Guignolo, Le Professionnel, L’As des as, Le Marginal, Les Morfalous, etc.
C’est là du cinéma commercial à la fois beauf et souvent facho, en tout cas simpliste, niais, racoleur. Cela fait qu’au tournant des années 1980, Jean-Paul Belmondo est grillé. Il a été un produit commercial propre à une époque, il relève du passé.
Pour résumer, il est passé de jeune talentueux dans des films intelligents à acteur-cascadeur de films où cela cogne et tire. Il a eu un succès gigantesque commercial entre les années 1960 et 1980 – avec son nom en grand sur les affiches avec toujours la même typographie – mais il n’a donc culturellement rien laissé.
D’où les propos choisis par le président de la République Emmanuel Macron pour définir Jean-Paul Belmondo:
« Il restera à jamais Le Magnifique [une parodie de James Bond de 1973, ndlr].
Jean-Paul Belmondo était un trésor national, tout en panache et en éclats de rire, le verbe haut et le corps leste, héros sublime et figure familière, infatigable casse-cou et magicien des mots. En lui, nous nous retrouvions tous.
Emmanuel Macron est obligé de réduire Jean-Paul Belmondo à une idéologie: celle du Français moyen, grosse gueule s’imaginant sublime, utilisant des mots qu’il s’imagine bien employés, agissant au panache en s’imaginant un aventurier. Et c’est vrai que c’est tout ce qui reste.
Car il n’a jamais été qu’une pièce dans une machinerie commerciale sans âme, sans fondements, sans lien à la culture historique et populaire, ne formant qu’un divertissement superficiel véhiculant des valeurs réactionnaires où les solutions viendraient d’un homme aventurier jouant des poings et du pistolet.
Quelle horreur a été cette « culture » du 20e siècle!