La Direction générale du Trésor a publié un article typique, à propos de l’argent magique et de la question de la crise.
La Direction générale du Trésor a un rôle fondamental pour la marche du pays. Il s’agit ni plus ni moins que de gérer les caisses de l’État, par le biais d’analyses, de conseils aux ministères, mais aussi et surtout de la gestion de la dette publique.
En l’occurrence, cette question de la dette est épineuse. Comme chacun le sait, l’État a fait le forcing face à l’impact des mesures sanitaires sur l’économie, en mettant des paquets d’argent sur la table. Sauf que, bien entendu, c’est de l’argent que l’État n’a pas. On parle ici en dizaines de milliards d’euros rien que pour la France.
Personne de censé ne peut se dire que c’est là une bonne chose, que tout va bien. Il y a concrètement une panique à ce sujet, y compris au sein même de la bourgeoisie. Alors la chef économiste de la Direction du Trésor assure le service après vente, via un article intitulé « D’où vient l’argent ? », article qui a été bien sûr relayé par la presse type Le Figaro.
Et donc, la chef économiste de la Direction du Trésor Agnès Bénassy-Quéré raconte qu’il n’y aucune raison de s’en faire. La panique serait injustifiée, les questions redondantes des gens au sujet de cet argent seraient infondées. Tout va très bien, Madame la marquise…
Son argumentation est ultra simple : l’État s’est endetté grâce à l’épargne des ménages qui ne demandait qu’à servir. L’État pourra tranquillement rembourser, car l’économie repart comme si de rien grâce à ce même argent.
Voici ce qu’elle dit un peu plus en détail :
1. Avec la crise sanitaire, il y a eu un déficit de consommation de la part des gens, et donc un surplus d’épargne ;
2. Les banques se sont servies de cet épargne pour prêter à l’État (via la BCE) ;
3. L’État a injecté cet argent dans l’économie, ce qui a permis aux ménage de ne pas perdre d’argent, et ainsi la boucle est bouclée !
Quelle blague !
Un tel raisonnement, de la part de l’administration officiellement chargée des questions économiques en France, est assez incroyable tellement tout cela est insensé. L’État aurait payé les ménages avec leur propre argent, mais ce même argent proviendrait justement de ce que l’État a payé !
A moins que les gens aient vu leur épargne fondre pour payer la crise, ce qui n’est pas du tout le cas, alors forcément il y a quelque chose qui cloche.
Ce que tente de nous « expliquer » la chef économiste de la Direction du Trésor dans son article « D’où vient l’argent » est que l’argent n’a en fait aucune valeur. Les États et les banques pourraient jouer des écritures comptables à leur guise sans que cela ne pose problème… Bien évidemment, cela est faux, archi-faux.
On ne peut pas stopper la productions de richesses, de valeurs, de marchandises, pendant plusieurs semaines, puis simplement ensuite faire circuler des chiffres entres des comptes en banques (depuis les banques, vers la Banque centrale européenne, vers l’État, puis vers les banques), et dire: tout va bien.
Ce qui s’est passé, et c’est quelque chose de très connu, c’est que la Banque centrale européenne a inventé de l’argent. Ni plus ni moins. Elle a effacé d’un coup de clavier des dettes d’État, soit disant en « rachetant » ces dettes, ce qui revient en fait à créer de l’argent.
Bien sûr, Agnès Bénassy-Quéré ne nie pas cela. Elle en parle, mais elle fait comme s’il ne s’agissait que d’une petite astuce technique. En réalité, il a été joué avec le feu. Ces masses d’argent tirées du chapeau par la Banque centrale européenne – et donc par les États, car ce sont eux qui contrôlent la banque centrale – aura, et a déjà, des répercussions.
La plus evidente, c’est l’inflation. Pas encore en France pour l’instant, quoique le problème se pose déjà en partie si l’on regarde l’économie dans le détail, mais déjà dans la plupart des pays riches. A commencer par les États-Unis (qui ont fait pareil en créant des dollars) où l’inflation est à l’heure actuelle alarmante.
Mais plus profondément que cela, ce qu’ont fait ces économistes jouant avec l’argent, c’est abîmer la valeur de l’argent lui-même, en lui ôtant son rapport avec la réalité de l’économie. Ce n’est pas quelque chose de nouveau et nous savons déjà a quel point il y a depuis des années toute une économie de la spéculation (ce que l’on appel en finance le marché secondaire) jouant dangereusement avec la valeur de l’argent.
C’est toutefois réalisé ici avec une ampleur inégalée historiquement, sur un laps de temps très très court, et de surcroît partout dans le monde.
C’est explosif, c’est ni plus ni moins une situation de crise avec un risque d’effondrement monétaire (en plus des risques économiques plus traditionnels que sont l’inflation, la perte de productivité, la baisse du PIB relativement à son niveau d’avant-crise, la perte de confiance en l’économie, etc.).
Le petit article « D’où vient l’argent ? » de la Direction générale du Trésor vaut donc le détour, avec son langage à la fois enfantin et ultra-technique. C’est un cas d’école de comment les institutions et les cadres de la bourgeoisie sont en vérité totalement dépassés par la situation. Cela en rajoute au fait que nous sommes dans une situation de crise.