Il y a des candidats, il y a des gens qui agissent, mais pas de militants.
Au 14 septembre 2022, voici la liste des candidats à la présidentielle 2022 de gauche ou issue de la Gauche :
* Fabien Roussel en tant que candidat du PCF ;
* Anne Hidalgo (la candidature doit encore être validée par le Parti socialiste, mais c’est une formalité) ;
* Arnaud Montebourg (ex-socialiste, en tant que candidat indépendant) ;
* Philippe Poutou en tant que candidat du Nouveau parti anticapitaliste ;
* Nathalie Arthaud en tant que candidate de Lutte ouvrière ;
* Anasse Kazib pour Révolution permanente (mais l’obtention des 500 signatures pour se présenter n’est pas garantie).
On peut ou il faut ajouter à cela, même si le rapport à la Gauche est en fait conflictuel :
* Jean-Luc Mélenchon en tant que candidat pour La France insoumise ;
* Yannick Jadot ou un autre candidat pour Europe Écologie-Les Verts.
Ce nombre important de candidats rend naturellement les perspectives électorales très mauvaises. C’est trop de candidats pour une base de gauche assez faible, et cette dispersion empêche une clarté nécessaire pour élargir cette base. Mais le vrai problème n’est pas là.
En effet, ce qui est la véritable question de fond, c’est l’absence de militants. On doit le dire tel quel : il n’y a en France pratiquement plus de militants. Il y a des gens agissant, de diverses manières, mais la démarche est libérale, l’état d’esprit farouchement indépendantiste. Quand les gens soutiennent tel ou tel mouvement, ils le font à la carte, le plus souvent d’ailleurs on leur propose des choses à la carte.
Il n’y a plus de militants, au sens de gens encartés et encadrés, agissant selon des dispositifs stratégiques et tactiques préétablis par une direction. La disparition des militants s’est déroulée après 1989 et concerne toutes les années 1990, l’irruption des réseaux sociaux empirant la situation en accentuant l’esprit de consommation. Concrètement, c’est d’ailleurs Twitter qui fait office de faiseur d’opinions pour les gens qui agissent ou s’imaginent agir.
Les deux phénomènes qui ont largement poussé en ce sens dans les années 1990 ont été l’activisme syndicaliste proposé par la CNT (qui a depuis connu une scission en deux branches particulièrement affaiblie) et l’orientation associative de la Ligue communiste révolutionnaire (devenue depuis le NPA). C’est une expression de l’idéologie du « mouvement social », avec le triptyque manifestation – activité associative – syndicalisme.
Jean-Luc Mélenchon, avec La France insoumise, a pris acte de cela et propose désormais un « populisme » qui dépasse la notion de « gauche ». C’est cohérent, mais c’est bien entendu une trahison. Le Parti socialiste propose de son côté un regroupement d’élus socialistes se fondant dans une Fédération sociale-écologiste, qui prendra sans doute naissance en 2021. C’est là encore une trahison.
L’extrême-gauche a cédé et a rejoint l’ultra-gauche : c’est là encore une trahison, qui a eu comme conséquence le soutien aux gilets jaunes et aux manifestations anti-pass sanitaire (et d’ailleurs anti-vax). C’est une capitulation.
On est donc à la croisée des chemins. Soit il y a une reprise d’une Gauche militante, c’est-à-dire consciente, programmatique, idéologique d’ailleurs, car qui dit militants dit cadres pour orienter, organiser, décider. Soit on a encore un cycle de populisme et de spontanéisme, d’anarchisme et de nihilisme, avec des actions monopolisées par la vanité, le spectaculaire, l’éphémère, le refus de toute cimentation en termes d’organisation.
Si l’on regarde bien, tout cela on le doit historiquement à l’absence de social-démocratie en France : on a eu des socialistes qui, au début du siècle, étaient autant indisciplinés que les anarchistes sur le plan de l’organisation. La solution est alors simple : soit les gens acceptent de se plier, soit ils ne le font pas. Et on ne peut pas les forcer, c’est une question de maturité historique.
Soit ils prennent conscience de la réalité et se fondent dans une unité politique, sur la base de la Gauche historique. Soit ils consomment… et alors la Gauche ne sera qu’une vague composante d’une société de consommation en crise allant à la guerre dans le cadre de la guerre pour le repartage du monde.