Il s’agit de la ville de Graz.
Le Parti Communiste d’Autriche a quatre particularités historiques bien à lui. Né en novembre 1918, il est ainsi le premier Parti Communiste fondé à la suite de la révolution d’Octobre. Par contre, il a paradoxalement toujours été pratiquement inexistant en Autriche, en raison du poids immense de la social-démocratie dont Vienne est historiquement le bastion et qui a toujours eu une ligne à la fois très à gauche et culturelle.
Pourtant, lors de l’accession de l’Autriche à l’indépendance du pays en 1955, il fait partie des quatre partis politiques signataires de la nouvelle constitution et il tient donc particulièrement à ce prestige. Cela doit à la présence soviétique, mais également au fait que dans les années 1930, les communistes autrichiens ont été les seuls sur le terrain politique à affirmer que l’Autriche était une nation distincte de l’Allemagne.
Enfin, c’est aussi un parti qui a été au cœur des magouilles avec les pays de l’Est durant les années 1960-1980, principalement la République Démocratique Allemande; il a ainsi alors été à la fois littéralement inexistant politiquement au niveau national avec quelques milliers d’adhérents et possesseur de centaines de millions d’euros.
Se maintenant avec difficulté après 1989, il a réussi le tour de force de s’imposer pas moins que dans la seconde ville d’Autriche, Graz, en Styrie. Cette ville d’un peu moins de 300 000 habitants est devenu son bastion, à force d’un travail local important l’amenant même, lors des élections municipales du 26 septembre 2021, à obtenir 29,11% des voix.
Il est vrai que même la tête de liste, Elke Kahr, a été particulièrement surprise d’un tel haut score, même si le Parti Communiste d’Autriche faisait en fait d’habitude déjà 20%. Il y a un vrai ancrage et un faisceau de valeurs rendant un ancrage culturel réel.
Cela reflète concrètement une tendance de fond en Autriche où, à l’opposé d’en France, tant les sociaux-démocrates que le Parti Communiste d’Autriche font un « retour aux fondamentaux » en parlant ouvertement des travailleurs, et surtout en s’adressant directement les gens au niveau de la vie quotidienne.
Au-delà de la question de l’idéologie, il y a une perspective de filiation avec le mouvement ouvrier qui est ouvertement assumé et possède surtout de solides traditions.
Il faut cependant remarquer que ce qui est vrai pour la Gauche l’est également pour la Droite et l’extrême-Droite. Chaque force dispose de ses traditions, ses bastions ; ainsi les élections en Haute-Autriche le même jour était un triomphe pour la Droite (37,6%), alors que l’extrême-Droite perd un tiers mais reste massive (19,9%), avec également 18,6% pour les sociaux-démocrates, 12,2% pour les Verts, 6,2% pour un parti anti-vaccin et 4,2% pour des néo-libéraux (le Parti Communiste d’Autriche n’existant pas électoralement à part à Graz!).
Au Tyrol, le Parti Communiste d’Autriche n’est même pas en position de présenter une liste ; à Vienne il fait 2%. Comme le pays est qui plus est fédéral, avec une décentralisation administrative massive, cela forme littéralement autant de petits royaumes indépendants.
Il est en tout cas intéressant de voir que la « peur du rouge » n’existe pas chez les gens, tout est une question de travail mené. C’est particulièrement important comme exemple alors qu’Europe Ecologie Les Verts prône une ligne « citoyenniste » refusant tout marqueur à gauche.
Et cela montre aussi qu’il est tout à fait possible d’écraser l’extrême-Droite, s’il y a les bons leviers. La Gauche qui s’assume, c’est celle qui gagne, et inversement.