Un signal qui est fort.
Les élections du 26 septembre 2021 en Allemagne ont été particulièrement serrées, mais finalement les sociaux-démocrates l’ont emporté avec 25,7% des voix. Leur progression s’est faite notamment aux dépens du parti à sa gauche, Die Linke, juste en-dessous de 5% désormais, mais c’est un marqueur que, contrairement à la France, il existe une Gauche réelle et concrète en Allemagne.
D’ailleurs, Berlin a réalisé quelque chose de très fort, de très marquant. Un référendum a en effet eu lieu le même jour que les élections nationales, concernant pas moins que l’expropriation des grands promoteurs immobiliers. Il est le produit du rassemblement de 346 000 signatures permettant son organisation officielle.
La source du référendum est simple à comprendre. La chute du mur a fait de la ville de Berlin la capitale du jour au lendemain, la sortant de son statut de ville à part. Résultat, depuis 20 ans, elle connaît l’assaut des grands promoteurs immobiliers, qui ont investi plus qu’à Paris et à Londres réunis, les loyers grimpant en moyenne de 85 % en un peu plus de dix ans.
Cela joue particulièrement dans une ville où pratiquement 90% des gens sont locataires et où l’existence passée de très nombreux squats – une centaine dans les deux vagues historiques des années 1980-1990 (voir ici la carte) – implique une contestation puissante sur ce thème.
Le référendum – qui n’a pas d’implication légale et est juste une force de proposition – appelait à « socialiser » 240 000 logements en expropriant les grands promoteurs immobiliers que sont Deutsche Wohnen, Vonovia, Akelius, Covivio SE, DVI, Adler Group SA, TAG Immobilien AG, Pears Global Real Estate et d’autres.
Sont en fait concernées toutes les entreprises possédant plus de 3 000 logements. Vonovia compte d’ailleurs prendre le contrôle de Deutsche Wohnen, ce qui formerait un monstre capitaliste possédant plusieurs centaines de milliers de logements!
On attend d’ailleurs de disposer d’une liste de telles entreprises en France, cela serait plus qu’intéressant.
Et, donc, le référendum a été victorieux. Sur 2 447 600 inscrits, 1 835 115 ont voté (soit 74,98 %), avec 56,4 % de soutien à l’expropriation (et 39 % contre).
Dans l’esprit, le mouvement pour l’expropriation, qui a été très bien organisé comme on s’en doute, est une sorte de mélange de l’aile gauche des sociaux-démocrates (visant à remettre en cause la direction berlinoise par ailleurs contrôlant la mairie), de hippies alternatifs à l’allemande, de post-autonomes, bref de toute une scène berlinoise (dont la marque de vêtements Irie Daily est représentative).
Ce n’est pas pour rien qu’à Berlin, les 34 restaurants et cafétérias universitaires ne proposent que des plats végétariens ou vegans, en soutien aux animaux et au climat. Il y a une forte tradition d’implication et de confrontation.
Le thème de l’expropriation est ainsi ouvertement assumé et, comme on le voit, avec succès. Bien entendu cela n’a pas de conséquence directe et au final le vote n’amène rien de concret, tout comme d’ailleurs même l’expropriation impliquerait un rachat (pour autour de 30 milliards d’euros) et non une socialisation par la force, sans contrepartie, une réelle expropriation.
Mais tout de même, quel signal, quel marqueur de pour la Gauche! C’est du réformisme, mais un réformisme qui dit qu’il veut mettre les capitalistes au pas. C’est quelque chose !
Alors que nous, en France, on doit se contenter pour le thème du logement des story-telling de Paris, la ville grande-bourgeoise, où Ian Brossat, le délégué PCF au logement, parade sur les réseaux sociaux en présentant régulièrement quelques bienheureux choisis au compte-goutte…