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La « Jeune Garde » dans la revue Politis

C’est un tournant pour toute une mouvance.

C’est un tournant pour toute une mouvance.

La revue Politis, qui exprime un point de vue anti-libéral selon un point de vue gauche moderniste, a publié un numéro faisant la part belle au groupe « la Jeune Garde« . C’est là quelque chose de très intéressant, car c’est là une contribution assez importante à la liquidation de la Gauche historique.

La Jeune Garde, qui existe à Lyon, Paris et Strasbourg, est un mouvement qui se définit par l’antifascisme. Son nom est une référence indéniable à la chanson socialiste d’avant 1914 qui s’est prolongée chez les socialistes et les communistes par la suite, et jusqu’aux années 1990 dans différentes organisations d’extrême-Gauche. Le groupe utilise également le symbole des trois flèches qui fut employé par la social-démocratie allemande des années 1930 et autrichienne des années 1930 et 1950 (voire jusqu’à aujourd’hui).

C’est très paradoxal, car dans sa démarche, la Jeune Garde n’a rien à voir avec le mouvement ouvrier. En effet, on ne parle pas ici d’une structure en mode partidaire, sur une base idéologique avec une insistance sur la conscience du monde, mais d’une mouvance s’appuyant sur un style.

Ce style est celui des ultras du football, avec un mélange fumigènes – marques de mode appréciés dans les stades (comme Stone Island) – focalisation sur la police (en mode « ACAB ») – esprit de bande – photos de groupes sur les réseaux sociaux – coups de poing.

Les coups de poing se déroulent en l’occurrence contre l’extrême-Droite : le groupe est originaire de Lyon, une ville où l’extrême-Droite n’hésite pas à parader et à agresser, jusqu’au cutter à la barre de fer, comme encore tout récemment (voir ici et ).

Il faut bien saisir qu’on parle ici d’un mouvement de masse : il existe de nombreux groupes ayant le même style que la Jeune Garde, mêlant pour cette raison le style ultra au rap, à du militantisme anarchiste et syndicaliste, etc. Mentionnons notamment le Groupe Antifasciste de Lyon dont des activistes ont été arrêtées ces derniers jours, jusqu’à sur leur lieu de travail, pour des affrontements avec l’extrême-Droite lors d’une manifestation anti-pass (voir le communiqué du groupe ici).

Le symbole des trois flèches provient de la social-démocratie allemande, mais arrive sans doute ici par l’intermédiaire du RASH, un regroupement international anarchiste et communiste de skinheads antifascistes (sans rapport donc avec le symbole originel non plus)

Pour cette raison, il y a également dans toute cette mouvance des gens largement influencés par la Gauche historique et aborder même cette question n’a pas de sens pour les gens de cette mouvance, qui ont une approche spontanéiste, non idéologique ni partisane. Le principe est de combattre le racisme et les structures d’extrême-Droite, de se revendiquer des classes populaires, tout le reste semble très lointain pour la plupart.

Cela fait que, pour beaucoup de jeunes étudiants cherchant à rejoindre la « gauche radicale », la seule chose qui existe vraiment à leurs yeux est cette mouvance. D’où, forcément, l’intérêt qu’y voit Politis, d’autant plus que la Jeune Garde a passé un cap en parvenant à systématiser son approche, au point de disposer d’un porte-parole (ce qui est extrêmement courageux à Lyon de par les agressions d’extrême-Droite).

Du point de vue de la Gauche historique, il ne faut par contre pas s’attendre à quelque chose d’élaboré ; comme on le voit dans une interview dans la revue hipster Vice ou bien dans une interview au site La Horde, où l’on a on a cette définition suivante de l’antifascisme par le groupe parisien de la Jeune Garde:

« L’antifascisme c’est lutter contre les idées racistes, xénophobes, islamophobes, sexistes, antisémites, transphobes et homophobes »

Cette définition fera soupirer quiconque a ses racines dans la Gauche historique, pour qui le fascisme est une expression historique d’un capitalisme en crise cherchant des solutions par la guerre. Mais sans nul doute les gens de cette mouvance diront qu’ils n’ont rien contre cette définition et c’est bien là tous les avantages et les défauts d’une telle mouvance, ballottée dans les idées, influencée par l’extrême-Gauche comme par des théoriciens universitaires, suivant les modes activistes tout en cherchant une certaine loyauté populaire.

Cela étant, la valorisation par Politis fait passer un cap, car là on est dans le néo-réformisme assumé, on est dans une prétention à élaborer un nouveau discours « antifasciste », à remplacer ce qui a existé dans le passé car tout serait périmé, etc. C’est donc l’apogée pour cette mouvance, mais en même temps sa fin car toute ossification implique sa disparition comme « style » activiste.

Soit elle prolonge le tir et adopte un réformisme néo-anarchiste, totalement influencé par les valeurs libérales du post-modernisme, soit c’est le maintien d’une ligne du « coup de poing » et c’est l’écrasement, en raison du substitutisme et de l’aventurisme, par la combinaison de la répression étatique et des agressions d’extrême-Droite.

C’est le prix à payer quand on suit une ligne d’ultra-Gauche, qu’on rejette la Gauche historique et sa démarche programmatique-consciente.

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