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Manœuvres militaires iraniennes à la frontière avec l’Azerbaïdjan

L’Iran fait directement face à l’Azerbaïdjan, le Pakistan et la Turquie.

L’Iran fait directement face à l’Azerbaïdjan, le Pakistan et la Turquie.

C’est un nouveau front qui s’ouvre, et qui vient s’ajouter au conflit Russie/Ukraine et à la zone de conflit indo-pacifique. Les pays les plus directement concernés sont l’Iran, l’Azerbaïdjan, la Turquie et le Pakistan, mais en fait tout le Caucase est impliqué, ainsi que la Russie.

Comme on le sait, l’Azerbaïdjan a récupéré le Nagorny-Karabakh, dans le cadre d’une guerre rapide ayant affaibli une Arménie déjà dans une situation particulièrement tourmentée. Or, à cette occasion, le président turc Recep Tayyip Erdogan est venu à Bakou pour le défilé militaire célébrant la victoire, le 10 décembre 2020.

Il a, à cette occasion, récité un poème célébrant le panturquisme – contenant des vers exprimant le regret que le peuple azéri soit coupé en deux. L’auteur est le célèbre poète Bahtiyar Vahabzade (1925-2009), bien que cela ne soit pas certain.

Il faut comprendre ici cet aspect de l’Orient compliqué. Les Azéris sont de culture turque, au point que la Turquie souligne le mot d’ordre Iki devlet, Tek millet, c’est-à-dire deux Etats, une nation. Mais l’Azerbaïdjan est un pays en grande partie musulman chiite, comme l’Iran, et non pas comme la Turquie. Par contre, c’est un Etat très tourné vers la laïcité, comme la Turquie avant ces dernières décennies. Il suffit de voir la candidate de l’Azerbaïdjan à l’Eurovision 2020 pour comprendre que l’Islam n’a pas un poids majeur dans les mœurs.

Et, pour compliquer le panorama, il y a davantage d’Azéris en Iran qu’en Azerbaïdjan. La plus grande erreur qu’on puisse faire sur l’Iran est de l’assimiler d’ailleurs aux Perses (une erreur qu’avait fait le Shah d’Iran par ailleurs). Pour encore plus compliquer les choses, il y a d’ailleurs en Iran une Azerbaïdjan occidentale, mais elle est peuplée surtout… de Kurdes.

L’Iran, historiquement, est très ennuyée par les possibilités de troubles que l’Azerbaïdjan pourrait fomenter, même si elle se sent proche de l’Azerbaïdjan chiite, surtout face à la Turquie. Mais en août 2021 des camionneurs iraniens ont été maltraités par des militaires d’Azerbaïdjan alors qu’ils se rendaient Arménie. L’Azerbaïdjan compte en fait faire cesser le passage clandestin de camions vers l’Arménie et la Russie.

Et, surtout, il vient d’y avoir des manœuvres militaires communes de l’Azerbaïdjan, de la Turquie et du Pakistan, trois pays frontaliers de l’Iran. Elles ont été même nommées « les trois frères ».

Pire encore, la veille du début des manœuvre, le quotidien Yeni Safak qui exprime le point de vue du gouvernement a interviewé un membre du parlement d’Azerbaïdjan qui a sobrement expliqué… que bientôt l’Iran n’existerait plus !

L’Iran a donc subitement activé elle-même des manœuvres, le premier octobre 2021, à la frontière avec l’Azerbaïdjan. C’est la première fois qu’une telle chose est réalisée depuis la fin de l’URSS.

C’est que l’Iran a compris qu’elle risquait d’être prise à la gorge, d’autant plus que l’Azerbaïdjan a de très bons rapports avec l’État israélien qui fait tout pour faire tomber le régime iranien, jusqu’aux opérations de sabotage. L’État israélien vise notamment des navires, ainsi que du personnel technique contribuant au projet nucléaire iranien.

L’Iran considère d’ailleurs même que l’Azerbaïdjan converge avec l’État israélien dans son opération de déstabilisation. Et conformément à une démarche amenant la confusion entre antisionisme et antisémitisme ou antijudaïsme, les manœuvres, d’ampleur significative (tanks, hélicoptères, drones, etc.), s’appellent Fatehan-e Khaybar, les conquérants de Khaybar.

C’est le nom d’une zone de population juive pillée et soumise par Mahomet à la suite d’une bataille, marquant l’instauration d’un statut de « dhimmi ».

C’est assez exemplaire de la fuite identitaire dans la zone. La Turquie se veut l’héritière de l’empire ottoman, l’Azerbaïdjan nie sa fraternité historique avec l’Arménie, le Pakistan s’invente une origine turque pour justifier sa séparation de l’Inde.

Toutes ces petites puissantes délirent d’autant plus qu’elles deviennent expansionnistes, et leur militarisme converge avec les grandes puissances en compétition pour le repartage du monde.

On notera d’ailleurs, pour encore plus compliquer les choses, que l’Iran est allié à la Russie et que, pourtant, le président turc Recep Tayyip Erdogan vient de se rendre en Russie, avec à la clef l’annonce d’une possible coopération militaire pour la construction de navires, de sous-marins, d’avions de combat. Cela, alors que la Turquie est membre de l’OTAN et un soutien de l’Ukraine…

On l’aura compris : cela part dans tous les sens, comme avant 1914. Il n’y a pas de cohérence, juste une fuite en avant, une compétition, une pression militariste… C’est l’escalade.

D’ailleurs le 30 août 2021, pour la fête nationale turque (marquant la victoire sur l’offensive grecque), le président turc Recep Tayyip Erdogan a posé la première pierre du futur « pentagone » turc…

Il n’aura pas la forme d’un pentagone, mais d’un croissant islamique ; la surface totale sera de 12,6 millions de m², avec 900 000 de surface pour les bâtiments (soit un tiers de plus que le Pentagone américain).

La tendance à la guerre est très claire et c’est le principal aspect de l’évolution du monde.