C’est l’extrême-Droite qui est condamnée, mais demain?
C’est une nouvelle norme juridique qui est instaurée et qui, de fait, devrait faire hurler tous les avocats libéraux et tenants humanistes à la française des droits de l’Homme. Seulement comme cette norme est issue du combat contre le terrorisme islamiste et là l’extrême-Droite, forcément cela ne donne pas envie.
On nage pourtant en plein délire. Naturellement, personne ne regrettera que Logan Nisin, chef d’une OAS (« Organisation des Armées Sociales ») prenne neuf ans de prison et ses acolytes entre cinq et huit ans. Ces gens voulaient tuer aveuglément, notamment dans des mosquées, afin de provoquer une « remigration ».
Ils entendaient également viser des personnalités politiques et des bars définis comme de « gauche ». Leur démarche était celle d’une entreprise de massacre. Ces gens sont à enfermer, c’est très clair.
Là n’est pas la question. La question est juridique, car on ne vit pas dans le socialisme, mais dans le capitalisme. Et le souci c’est que Logan Nisin a pris neuf ans pour une « préparation d’un acte terroriste » et les autres plusieurs années pour « association de malfaiteurs ». Ce sont des peines extrêmement lourdes et si on s’y intéresse, on voit que la boîte de Pandore a été ouverte.
Voici en effet ce que dit l’article 421-2-6 du code pénal, au 23 mars 2019:
I. – Constitue un acte de terrorisme le fait de préparer la commission d’une des infractions mentionnées au II, dès lors que la préparation de ladite infraction est intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur et qu’elle est caractérisée par :
1° Le fait de détenir, de se procurer, de tenter de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui ;
2° Et l’un des autres faits matériels suivants :
a) Recueillir des renseignements sur des lieux ou des personnes permettant de mener une action dans ces lieux ou de porter atteinte à ces personnes ou exercer une surveillance sur ces lieux ou ces personnes ;
b) S’entraîner ou se former au maniement des armes ou à toute forme de combat, à la fabrication ou à l’utilisation de substances explosives, incendiaires, nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques ou au pilotage d’aéronefs ou à la conduite de navires ;
c) Consulter habituellement un ou plusieurs services de communication au public en ligne ou détenir des documents provoquant directement à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie ;
d) Avoir séjourné à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes.
II. – Le I s’applique à la préparation de la commission des infractions suivantes :
1° Soit un des actes de terrorisme mentionnés au 1° de l’article 421-1 ;
2° Soit un des actes de terrorisme mentionnés au 2° du même article 421-1, lorsque l’acte préparé consiste en des destructions, dégradations ou détériorations par substances explosives ou incendiaires devant être réalisées dans des circonstances de temps ou de lieu susceptibles d’entraîner des atteintes à l’intégrité physique d’une ou plusieurs personnes ;
3° Soit un des actes de terrorisme mentionnés à l’article 421-2, lorsque l’acte préparé est susceptible d’entraîner des atteintes à l’intégrité physique d’une ou plusieurs personnes.
C’est totalement fou. L’article I se justifie par le II et le II par le I! Et c’est cela qui établit la condamnation du groupe « OAS ».
C’est parce que Logan Nisin a été accusé de préparation que les autres ont pu être accusés d’association de malfaiteurs, et inversement. S’il n’y avait pas l’accusation de préparation, on ne pourrait reprocher une association de malfaiteurs. Et on ne pourrait pas accuser de terrorisme la préparation s’il n’y avait pas un groupe accusé d’association de malfaiteurs.
Si cela a été fait pour lutter contre les islamistes afin de n’en rater aucun et d’en faire un « pack » à mettre en prison, la formulation permettra demain de démolir toute l’opposition de Gauche accusée de sortir du cadre du régime.
Il suffira de dire : tel groupe X est en lien avec Y consultant tel document ou s’entraînant à telle activité. Si Y fait cela, c’est forcément du terrorisme en raison du groupe X. Et le groupe X est forcément terroriste car Y prépare quelque chose.
Le groupe X n’a rien fait, Y non plus, mais c’est comme s’ils avaient, juridiquement fait tous ensemble la chose. Mieux encore : on peut considérer que, juridiquement, ils l’ont fait. La préparation vaut l’acte. La définition même de la préparation permet tout et n’importe quoi.
L’un des avocats, Gabriel Dumenil, a ainsi tout à fait raison de dire que :
« La qualification juridique, notamment de terrorisme, n’apparaît pas du tout aussi claire. Il s’agit d’un jugement qui a été rendu pour marquer une position jurisprudentielle s’agissant de procès à venir. »
Il y a d’ailleurs une preuve de cela. Les gens de cette « OAS » avait entre 25 et 33 ans et on parle de cinglés romantiques en mode nihiliste faisant des éloges de massacres de masse sur les réseaux sociaux… et pourtant le magistrat parle à leur sujet d’une « armée de défense prête, le cas échéant, à déstabiliser les institution déstabiliser les institutions ».
C’est ridicule. Cependant, cette charge idéologique a été nécessaire dans l’accusation pour maintenir la fiction du rapport préparation/association de malfaiteurs.
Il fallait bien la masquer, cette fiction, et le seul moyen, c’est d’ajouter une charge idéologique pour combler le manque de valeur d’une préparation. Car, juridiquement, jusqu’à présent, on n’a jamais condamné un assassin avant qu’il ne tue quelqu’un parce qu’il a tué quelqu’un. Il peut avoir des armes, avoir suivi la personne, il n’a jamais été possible pour autant de l’accuser de ce qu’il n’a pas fait.
Ici, on est comme dans le film Minority Report, on peut accuser des gens pour des crimes non commis. C’est une aberration juridique. Il faut donc présenter non pas des gens, mais des monstres qui ont commis leurs crimes dans leur tête en amont et donc, doivent être condamnés tels quels.
Pour donner un exemple affreux, dans le droit, même si on prend une machine à remonter le temps (cela ne peut pas exister) et qu’on va voir Adolf Hitler à 20 ans, on n’a pas le droit de le tuer. Car il n’a rien fait. L’exemple est horrible et en plus le scénario est aberrant. Mais c’est un bon exemple de la base du droit.
En droit, historiquement, on ne peut pas condamner quelqu’un pour avoir ne serait-ce que pensé un crime, ou bien préparé un crime, comme si c’était le crime lui-même. Sauf dans le film Minority report (tiré au passage d’une nouvelle du romancier bien connu Philip K. Dick).
La procureure a donc été obligée de souligner la « montée en puissance exceptionnelle de la menace portée par la mouvance d’ultradroite ».
En apparence, c’est très bien et la procureure est certainement sincère, et elle sait qu’il y a ici à l’arrière-plan le fait que depuis 2017, 48 personnes ont été arrêtés pour du terrorisme « d’ultra-droite ». Il s’agissait là du premier procès d’une série de sept. On comprend que l’État veuille des peines « exemplaires » et pour le coup tant mieux.
Sauf que le caractère juridique « ultra-droite » n’existe pas. La montée exceptionnelle ou pas n’est pas un argument juridique. Il est cependant employé afin de transformer la « préparation » en acte réalisé afin de la condamner tel quel.
C’est une négation du Droit et c’est l’expression de la décadence juridique de l’État dans un capitalisme décrépissant.
Et cela vise à terme très clairement toute la rébellion populaire et l’agitation de gauche. Il ne peut pas y avoir d’autre raison historique à une telle construction qui permet d’assimiler l’intention à l’acte. Une folie d’une telle envergure ne peut avoir qu’un arrière-plan concernant la société elle-même, dans le plus profond de son existence.