Les intérêts de l’agrobusiness français s’insurgent contre la généralisation du nutri-score.
Yuka sur téléphone portable est un véritable phénomène de masse : on compte 25 millions d’utilisateurs de cette application qui permet de scanner chaque produit alimentaire afin d’en connaitre un score établi sur la base de sa composition.
Témoin d’une véritable propension des gens à s’informer sur l’alimentation qui, on le sait, est dans les mains de grandes firmes industrielles qui jouent avec la santé des gens, l’application Yuka n’est pas la seule puisqu’il y a aussi le fameux nutri-score, directement imprimée sur les emballages alimentaires depuis 2016.
Allant de A à E, ce score se penche sur la qualité nutritionnelle de chaque aliment, en se basant sur l’analyse des apports caloriques, la teneur en sucre, en graisses saturées et en sel, et non pas donc les additifs. Ce nutri-score fait suite à une pression populaire quant à la connaissance de la composition réelle des aliments consommés.
Or, voilà, le nutri-score va devenir obligatoire à l’horizon 2022 pour tous les produits pré-emballés. Et là, le concept de « malbouffe » prend un tout autre relief.
Un hamburger de l’infâme Mac Donald n’est pas pire qu’une raclette savoyarde traditionnelle. Leur teneur très élevée en graisses saturées, en sel et leur forte charge glycémique, génère des conséquences terribles à moyen long terme en termes de maladies cardiovasculaires. C’est d’ailleurs pour cela qu’est en train de se constituer une vaste coalition des fromagers français autour de la défense des aliments du terroir.
Ce lundi 11 octobre avait par exemple lieu une conférence de presse de la Confédération générale des producteurs de lait de brebis et des industriels de Roquefort (CGPLBIR) à Millau pour protester contre l’obligation du nutri-score. Et en effet, le fromage roquefort va être classé en catégorie E, soit la pire des classements car il est trop gras et trop salé.
Derrière le coup de communication à base de mot clef #roquefortsansnutriscore, c’est surtout l’agrobusiness français qui s’insurge au nom du terroir contre l’aspiration démocratique à connaître la qualité des aliments.
Car derrière l’image « terroir » du roquefort, il y a surtout Lactalis, le monopole du lait en France, qui domine sa production. Lactalis, c’est le premier acteur laitier dans le monde. Derrière la contestation portée par « le roquefort », c’est donc bien toute la filière laitière française qui est en alerte.
Pour masquer la réalité, l’agrobusiness se réclame de différentes appellations, comme les AOP, les AOC, et le roquefort est le fromage fer de lance, détenant une aura nationale, voir étant carrément un dispositif culturel du « terroir » français, pour battre en brèche l’exigence nutritionnelle.
On remarque ici d’ailleurs le soutien avéré de Carole Delga, présidente PS de la région Occitanie, aux revendications de Lactalis à exempter les appellations régionales du nutri-score en 2022. Au lieu de participer à l’élévation de la conscience populaire, Carole Delga se fait ici la porte-parole des grandes entreprises agroalimentaires les plus néfastes.
Ces attaques vont dans le même sens que celles du printemps 2021 lancées par la Fédération française des industriels charcutiers traiteurs (FICT) contre l’application Yuka pour « dénigrement » et « pratiques commerciales déloyales trompeuses » à propos de son classement les conservateurs nitrite et nitrate, en « cancérogènes probables », à l’instar de l’OMS.
Ce qui apparait au grand jour dans cette histoire, c’est que malgré les appellations « terroir », les AOP et autres AOC, n’échappent pas à la règle de la « malbouffe ». Le mythe est ainsi mis à nu et l’objectif de notre époque se doit maintenant de reconstruire une alimentation véritablement saine, et soutenable écologiquement.