Il ne s’agit pas simplement d’écraser les bandes fascistes.
(Publié le 22 juin 1935 dans Le Populaire, l’organe du Parti socialiste SFIO ; son auteur, Paul Faure, en était le dirigeant avec Léon Blum (pour ensuite capituler devant Pétain en 1940.)
Je crois bien que la vraie lutte anti-fasciste, c’est la lutte de classe, c’est l’organisation des travailleurs en parti de classe sur le terrain politique, c’est l’organisation des travailleurs en syndicats fédérés et confédérés sur le terrain professionnel.
Ce n’est pas vrai seulement parce que c’est dans la tradition de tout le mouvement ouvrier, mais aussi parce que les faits quotidiens apportent à cette conception des confirmations éclatantes et répétées.
Prenez la journée d’hier à la Chambre. Il ne s’agissait pas, je vous assure, de prendre des positions extraordinaires, mais de réclamer la mise à l’ordre du jour d’un rapport parlementaire concernant les agissements des ligues fascistes. Qui plus est, l’auteur de ce rapport est précisément un radical.
Eh bien, il s’est trouvé un nombre important de radicaux pour refuser ce geste d’élémentaire « défense républicaine » et de respect des règles parlementaires. Comment s’en étonner quand les représentants autorisés de ce parti siègent dans les gouvernements d’union nationale avec les réactionnaires les plus notoires ?
Ils en sont là quand il n’est question que d’une discussion sur la date d’un rapport ! Que serait-ce donc s’il fallait s’associer à une lutte réelle et directe contre les causes précises du fascisme lui-même.
Certes, d’abord, avant toute chose et pour courir au plus pressé, dissolution et désarmement des ligues et formations fascistes. Mais ne perdons pas de vue que ces ligues et formations n’existent que parce qu’il a une crise économique avec une anarchie et une misère croissantes que certains ont intérêt à exploiter ; que parce qu’il y a a des banquiers et industriels qui subventionnent ces ligues ; que parce que ces mêmes banquiers et industriels lâchent sur l’opinion la sale mitraille de leur presse immonde.
La lutte contre le fascisme ne saurait donc se limiter à des mesures nécessaires contre des groupes armés au mépris des lois.
Il faut attaquer la crise économique de front en exigeant la nationalisation des banques et des principales industries ; la suppression de la fabrication et du commerce privés des armes ; la nationalisation du crédit ; la création d’offices agricoles en vue d’assainir le marché et d’écouler les produits ; la diminution du chômage par la semaine de quarante heures sans toucher aux salaires et par la mise en train de grands travaux utiles.
Il faut lutter contre la guerre en poursuivant, à Genève, une active politique de réduction et de suppression des armements qui, seule, permettra aux grands États de disposer des sommes nécessaires pour rétablir leurs finances et contre-battre efficacement les effets de la crise.
Qui n’accepte pas ce programme minimum d’action immédiate n’est pas sincèrement antifasciste, même s’il adhère à des formations ou des rassemblements sous le signe de l’antifascisme.