Gen d’Hiroshima est initialement un manga de Keiji Nakazawa publié entre 1973 et 1985, où il raconte la vie de la famille Nakaoka de 1945 à 1953, des semaines précédent le bombardement atomique d’Hiroshima, à ses conséquences sur plus long terme.
Keiji Nakazawa est lui-même un survivant d’Hiroshima où il a perdu son père, sa sœur et un de ses frères.
C’est un manga extrêmement célèbre au Japon, très radical dans son pacifisme, sa dénonciation de l’impérialisme, du militarisme, qu’il soit américain, ou japonais, et ses espoirs pour une humanité nouvelle qui saurait dépasser la barbarie.
Il est d’ailleurs assez symbolique que l’édition américaine du premier volume ait été préfacée par l’auteur d’une autre bande dessinée à la portée historique elle aussi très importante, Maus écrit et dessiné par Art Spiegelman qui y fait le témoignage de la Shoah, de la persécution et de l’extermination des juifs en Pologne dans les années 1930 à 40, et dont le père est un rescapé des camps d’exterminations.
Voici un extrait de sa préface sur l’oeuvre de Keiji Nakazawa :
«En fin de compte, Gen est une œuvre très optimiste. Nakazawa pense que son histoire peut avoir un effet d’avertissement, que l’humanité peut être améliorée au point d’agir dans son propre intérêt.
En effet, Gen est un petit héros courageux, incarnant des vertus telles que la loyauté, la bravoure et l’assiduité. La foi de Nakazawa en la bonté humaine peut faire considérer l’oeuvre aux yeux cyniques comme étant faite pour les enfants, mais le fait sous-jacent est que l’artiste rend compte de sa propre survie – pas simplement sur les événements qu’il a vécus, mais sur la philosophie / base psychologique de cette survie.
Son travail est humaniste et humain, démontrant et soulignant la nécessité de l’empathie entre les humains si nous voulons survivre dans un autre siècle.»
Art Spiegelman
Gen d’Hiroshima a connu plusieurs adaptations, dont trois films en prise de vue réelle et deux films d’animation, dont le plus célèbre est le film de Mori Masaki sorti en 1983.
Celui-ci se concentre sur la famille Nakaoka, qui est réduite par rapport au manga. On retrouve principalement les deux frères Gen et Shinji, dans une l’ambiance insouciante de la jeunesse, qui continue à vivre au milieu des militaires, des alertes aux bombardements et de la misère dans ce Japon du printemps 1945.
Le choc n’en est que plus terrible lorsque survient la terrible journée du 6 août 1945 et le bombardement d’Hiroshima.
La mise en scène, jusqu’alors assez classique, change brutalement pour passer à une mise en image apocalyptique qui laisse sans voix. La violence est frontale, brutale devant le souffle de la bombe décomposant les corps de dizaine de milliers de personnes, hommes, femmes, enfants, sans distinction. L’horreur est d’abord collective avant de se resserrer sur nos protagonistes.
Et la barbarie ne s’arrête pas là, puisque suit directement les incendies dévastateurs puis les conséquences de l’irradiation, et les privations, la faim.
Rien n’est épargné et la réalisation comme le dessin empruntent beaucoup au genre horrifique pour représenter l’horreur des corps mutilés, semblable parfois à des hordes de zombies.
Si le propos ouvertement politique se fait plus discret que dans le manga il n’est pas non plus absent, notamment par le personnage du père, très lucide sur les velléités guerrières du Japon, assumant un pacifisme qui ne plaît pas forcément à tous.
Mais c’est de toute façon par la force de ses images que le film porte un propos à la portée intemporelle, un cri froid et sourd contre la barbarie, contre la guerre, sans pour autant tomber dans le nihilisme qui a pu toucher tout un pan du cinéma japonais, Mori Masaki restant fidèle au manga et à l’espoir résumé dans cette maxime qui revient à plusieurs reprise dans le manga et dans le film « Soyez comme ce blé, fort, même si vous vous faites piétiner… ».