C’est ouvertement un exercice de guerre.
Polaris 21 est un exercice militaire de « haute intensité » de type aéromaritime, avec l’emploi de forces spéciales et avec en son centre le porte-avions nucléaire français Charles de Gaulle. Cet exercice de l’OTAN, véritable wargame, concerne :
– 6 000 militaires (dont 4 000 marins) ;
– 6 pays (la France, l’Espagne, la Grèce, l’Italie, le Royaume-Uni, ainsi que les Etats-Unis) ;
– 24 bâtiments (frégates, ravitailleurs, sous-marin nucléaire d’attaque, le destroyer américain USS Porter, des chasseurs de mines, le destroyer britannique HMS Dragon…) ;
– des forces spéciales.
Cet exercice consiste en :
– 2 semaines d’opération ;
– 6 jours de simulation de combat ;
– 120 tirs de missiles, réels ou simulés ;
– 3 actions amphibies ;
– 428 vols d’aéronefs (de 20 rafales, de 3 hélicoptères, de 2 avions de guet aérien américain…) ;
– 9 actions cyber.
La raison officielle d’être de Polaris 21 est d’être « être prêt à un conflit de haute intensité » entre deux forces de même puissance. Il faut donc considérer que l’exercice visait la Russie et la Turquie, puisque personne d’autre n’est équivalent dans cette zone Méditerranée – Atlantique. Le contre-amiral Christophe Cluzel, commandant du groupe aéronaval avec comme base le porte-avion français, le dit pratiquement ouvertement :
« Nous envoyons un signal clair à tous nos compétiteurs et nous signifions à nos alliés que nous sommes prêts à prendre la tête d’une coalition. »
Cet exercice est d’ailleurs considéré comme le premier d’une série en vue de la prochaine guerre, comme l’explique l’armée française :
« Dans un format qui n’attend qu’à être repris en France et chez les armées alliés, POLARIS 21 marque un changement d’ambition dans la préparation opérationnelle à la complexité de la guerre aéromaritime de demain. »
L’armée française définit en ce sens l’exercice comme un « laboratoire » de la guerre du futur :
« Dans un conflit symétrique, la supériorité opérationnelle ne repose pas que sur la performance des senseurs ou des systèmes d’armes, elle requiert également une synchronisation parfaite des effets. POLARIS renforce de fait les capacités des participants à agir dans le haut du spectre du combat multi-milieux et multi-champs.
En positionnant le GAN [groupe aéronaval] au cœur de ce « lab » de la guerre du futur, les graines de ce que pourront être les tactiques de demain sont plantées. »
C’est une opération qui combine concrètement tous les domaines : l’air, la terre, la mer, à quoi s’ajoutent ceux sous-marin, cyber, exo-atmosphérique, informationnel et électromagnétique. Il y a ainsi la 13e Demi-Brigade de Légion étrangère qui a agi, ou encore le 54e régiment d’artillerie de l’armée de terre française qui a participé en tant que force sol-air, alors qu’a été intégré dans cet exercice celui propre au commandement de la cyberdéfense, exercice spécifique dénommé pas moins que « E=MC21 ».
Le contre-amiral Christophe Cluzel synthétise ainsi les différents aspects de l’exercice et c’est là quelque chose de très important :
« La haute intensité, ce sont les missiles qui volent et les torpilles qui fondent sur leurs cibles, tout cela dans un environnement paralysé par les cyber-attaques, perturbé par les fake news et les attaques informationnelles et dégradé par le brouillage des GPS, des radars et des radios.
Pour vaincre, nous devons être capables d’opérer dans de telles conditions tout en s’attachant nous-mêmes à perturber le C2 et l’appréciation de situation adverse »
On soulignera donc la dimension informationnelle, l’armée française simulant les réseaux sociaux afin de les manipuler. Cela est dit ouvertement par l’armée française.
« Le champ informationnel est également intégré, en particulier au travers de réseaux sociaux simulés.
À l’heure où la diffusion d’informations a une influence directe sur les manœuvres militaires et les décisions stratégiques, POLARIS 21 permet d’intégrer l’empreinte de la force aéromaritime dans le champ informationnel dès le niveau tactique, grâce à Mastodon, outil informatique simulant les codes des réseaux sociaux.
Mastodon réunit l’ensemble des parties prenantes du scénario sur une même plateforme, reproduisant le réalisme de la masse de publications et de la diversité des opinions exprimées. Dans la combinaison nécessaire de ses actions, le groupe aéronaval peut ainsi proposer des publications coordonnées à ses manœuvres. »
L’exercice est également de ce fait en lui-même une opération de propagande, car l’entrée dans la guerre mondiale future est un processus au long cours. Voici comment Var-matin valorise cette action commune aéromaritime dans un grand élan militariste :
« Une nécessité au vu de la crispation du monde et du retour des rapports de force. »
Une « nécessité ». Telle est la logique directement à visée impérialiste et masquée par un fatalisme servant à la fois d’excuse et d’appel à la mobilisation. Et cette logique contamine toute la société, dans un discours toujours plus rodé pour s’accélérer quand cela sera considéré comme nécessaire par un capitalisme en décadence cherchant une porte de sortie à sa crise.