L’impasse est complète entre les grandes puissances.
Alors que l’Ukraine procède à de nouvelles mises en place de tranchées, le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou a accusé 120 contractants américains d’avoir installé des dispositifs militaires dans les villages d’Avdeïevka et de Priazovskoïe à la frontière des « républiques populaires » séparatistes, dont des installations sans doute chimiques.
C’est là une accusation très forte, qui reflète globalement de l’avalanche des dénonciations russes à l’encontre de l’OTAN en général et de plus en plus de l’Ukraine en particulier. Vladimir Poutine a également pris la parole lors d’une conférence élargie annuelle du ministère de la Défense. Si l’on regarde bien sur la photographie, on voit que cette conférence a été retransmise à l’ensemble des responsables militaires russes eux-mêmes réunis, ce qui est une « nouveauté ».
Dans son discours, Vladimir Poutine a parlé en général des questions militaires, jusqu’à traiter en détail de la question des salaires. Il remercie les participants, on s’attend donc à ce que ce soit fini… puis il enchaîne.
« Dans une note informelle, j’aimerais ajouter quelques mots à ce que le ministre a dit et à ce que j’ai dit dans mes remarques liminaires.
Tout le monde en parle et, bien sûr, principalement les forces armées.
Je fais référence à nos documents, nos projets de traités et d’accords pour assurer la stabilité stratégique que nous avons envoyés aux dirigeants des États-Unis et de l’OTAN.
Nous voyons déjà que certains de nos détracteurs les interprètent comme l’ultimatum de la Russie. Est-ce un ultimatum ou pas ? Bien sûr que non. Pour rappel : tout ce que notre partenaire – appelons-le ainsi – les États-Unis ont fait au cours des années précédentes, pour soi-disant assurer leurs intérêts et leur sécurité à des milliers de kilomètres de leur territoire national – ils ont fait ces choses dures, les plus audacieuses, sans l’autorisation du Conseil de sécurité de l’ONU.
Quel était le prétexte pour bombarder la Yougoslavie ? Est-ce que c’était autorisé par le Conseil de sécurité, ou quoi ? Où sont la Yougoslavie et où sont les États-Unis ? Ils ont détruit le pays.
En effet, il y avait un conflit interne, ils avaient leurs propres problèmes, mais qui leur a donné le droit de mener des frappes aériennes contre une capitale européenne ? Personne ne l’a fait. Ils ont juste choisi de le faire, et leurs satellites couraient derrière eux en glapissant.
Voilà pour le droit international.
Sous quel prétexte sont-ils allés en Irak ? C’était l’Irak qui développait des armes de destruction massive. Ils sont entrés, ont détruit le pays, créé un foyer de terrorisme international, puis il s’est avéré qu’ils ont fait une erreur : « Les renseignements nous ont trompé. » Eh bien ! Ils ont détruit un pays.
L’intelligence a échoué – c’est tout ce qu’ils avaient à dire pour justifier leurs actions. Il s’est avéré qu’il n’y avait pas d’armes de destruction massive là-bas. Au contraire, tout avait été détruit comme convenu.
Comment sont-ils allés en Syrie ? Avec l’autorisation du Conseil de sécurité ? Non.
Ils font ce qu’ils veulent.
Cependant, ce qu’ils font, essaient ou prévoient de faire en Ukraine ne se passe pas à des milliers de kilomètres de notre frontière nationale.
C’est à la porte de notre maison. Ils doivent comprendre que nous n’avons tout simplement nulle part où nous retirer.
Il y a des experts ici, assis avec nous, je reste en contact permanent avec eux. Les États-Unis ne possèdent pas encore d’armes hypersoniques, mais nous savons quand ils en auront. Cela ne peut pas être caché. Tout est enregistré, tests réussis ou infructueux. Nous avons une idée du moment où cela pourrait arriver.
Ils fourniront des armes hypersoniques à l’Ukraine et les utiliseront ensuite comme couverture – cela ne veut pas dire qu’ils commenceront à les utiliser demain, car nous avons déjà le [missile de croisière hypersonique] Zircon et pas eux – pour armer les extrémistes d’un État voisin et les inciter contre certaines régions de la Fédération de Russie, comme la Crimée, lorsqu’ils pensent que les circonstances sont favorables.
Pensent-ils vraiment que nous ne voyons pas ces menaces ?
Ou pensent-ils que nous resterons les bras croisés à regarder émerger des menaces contre la Russie ?
C’est le problème : nous n’avons tout simplement pas de place pour battre en retraite. Telle est la question.
Les conflits armés et les effusions de sang ne sont absolument pas notre choix. Nous ne voulons pas que les événements se déroulent ainsi. Nous voulons utiliser des moyens politiques et diplomatiques pour résoudre les problèmes, mais nous voulons au moins disposer de garanties juridiques clairement formulées.
C’est l’objet de nos propositions. Nous les avons consignées sur papier et envoyées à Bruxelles et à Washington, et nous espérons recevoir une réponse claire et complète à ces propositions.
Il y a certains signaux que nos partenaires semblent prêts à travailler là-dessus. Mais il y a aussi le danger qu’ils tentent de noyer nos propositions dans les mots, ou dans un marécage, pour profiter de cette pause et faire ce qu’ils veulent.
Que ce soit clair pour tout le monde : nous en sommes conscients, et cette tournure des événements, ces évolutions, ne fonctionneront pas pour nous.
Nous attendons avec impatience des pourparlers constructifs et significatifs avec un résultat visible – et dans un délai précis – qui garantirait une sécurité égale pour tous.
C’est ce que nous nous efforcerons d’atteindre, mais nous ne pourrons le faire que si les Forces armées se développent correctement.
Au cours des dernières années, nous avons réussi à gérer cela et nous avons atteint un bon niveau de préparation au combat.
J’en ai parlé et le ministre vient d’en faire rapport. Nous avançons à un rythme décent – le genre de rythme dont nous avons besoin.
Il y a des questions qui nécessitent plus d’attention, comme la production, que nous traitons de façon continue. Comme vous le savez peut-être, nous nous réunissons à Sotchi deux fois par an. Pourquoi Sotchi ? Ce n’est pas à cause du beau temps, mais parce que tout le monde s’y rend et que nous éliminons les distractions telles que les affaires de routine et nous concentrons sur l’industrie de la défense et le développement des forces armées.
Ces réunions sont très significatives et efficaces. Je le répète, il y a beaucoup de questions, mais nous sommes au-dessus d’elles. J’espère vivement que nous continuerons à maintenir ce rythme alors que nous progressons dans nos efforts pour assurer la sécurité de la Russie et de ses citoyens.
Merci beaucoup. Bonne année!
L’armée russe doit être prête au combat : tel est le message. La Russie a d’ailleurs rendu public sans médias la sortie d’un nouveau drone de combat, l’Okhotnik, qui fait vingt tonnes. Mais c’est une sorte d’anecdote militariste dans un contexte de guerre : la Russie veut faire reculer l’OTAN, l’OTAN ne veut pas reculer, la Russie n’attendra pas que l’Ukraine rentre dans l’OTAN, l’Ukraine veut forcer pour récupérer le Donbass et la Crimée.
Le tout dans un contexte de crise du capitalisme au niveau mondial, et alors que la Russie a littéralement asséché l’oléoduc Yamal, ayant déjà verrouillé celui passant par l’Ukraine, précipitant le prix du gaz à un niveau inégalé en raison des pénuries!
Tous les phénomènes se combinent, c’est là la nature même d’une crise à tous les niveaux.