La Russie est prise à revers.
Alors que le 5 janvier 2022, le chef de la diplomatie de l’UE Josep Borrell s’est rendu en Ukraine et dès le premier jour à la frontière avec les républiques séparatistes, le Kazakhstan a connu un véritable soulèvement faisant déjà des dizaines de morts et des centaines de blessés.
Les insurgés ont fait tomber la statue de Noursoultan Nazarbaïev, au pouvoir depuis 1990, même si officiellement en 2019 le président est désormais Kassym-Jomart Tokaïev. C’est un immense symbole quand on sait que la capitale, Astana, a été renommé Nour-Soultan en l’honneur de ce « chef de la nation ».
A Alma-Ata, ancienne capitale politique et toujours capitale économique, ils ont désarmé des militaires, pillés des armureries, incendié la mairie ainsi que le siège du parti au pouvoir Nour-Otan (Lumière de la patrie), occupé l’aéroport international et le bâtiment du Comité National de Sécurité. Mais l’insurrection se déroule également dans plusieurs villes.
Tout est parti de la hausse du prix du gaz liquide (jouant un rôle essentiel pour les transports), avec des protestations montant en puissance depuis quelques jours, mais le 5 janvier est marqué par une démarche littéralement insurrectionnelle. L’état d’urgence est d’ailleurs décrété, internet a été coupé avant de partiellement reprendre, la Russie a été appelée à l’aide par le gouvernement.
Cette aide se fait de manière automatique dans le cadre de l’Organisation du traité de sécurité collective, dont sont membres l’Arménie (actuellement à sa tête), la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Russie et le Tadjikistan. Ces deux derniers pays ont commencé à envoyer des troupes spéciales (parachutistes, troupes de choc des forces de sécurité).
Le régime étouffant la société de manière fasciste au Kazakhstan connaît bien entendu une crise propre à notre époque, où tout vacille, où l’ordre ancien s’effondre.
Mais la question se pose bien entendu de savoir dans quelle mesure les insurgés sont objectivement les alliés (ou les valets) de la superpuissance américaine, ils ne le sont peut-être pas et même subjectivement peut-être pas du tout. Malheureusement, il y a bien peu de chances que cela soit une insurrection portée par des valeurs démocratiques et populaires… De par le timing (et le professionnalisme apparent des insurgés ce qui reste discutable par ailleurs), il faut bien plutôt penser à un contre-feu mis en oeuvre par la superpuissance américaine.
Et cela s’insère naturellement dans le conflit OTAN-Russie. Il suffit de voir la carte pour comprendre l’importance immense du Kazakhstan pour la Russie. C’est littéralement tout le flanc sud, et on peut voir au passage que l’Ukraine et la Mer Noire ne sont pas loin. Même pour la Chine, un régime pro-superpuissance américaine au Kazakhstan serait un désastre complet.
Il va de soi que cela modifie déjà radicalement la situation pour les échanges Russie – superpuissance américaine qui doivent se tenir dans les jours prochains, suivis des échanges Russie – OTAN et Russie – OSCE, alors que la Russie a exigé des garanties par écrit sur sa sécurité.
La Russie est désormais dans une situation où en fait c’est elle-même qui peut basculer en raison de l’incroyable pression qu’il y a sur elle. La Russie est littéralement prise à revers alors qu’elle tentait d’exercer une pression à l’Ouest.
Dans tous les cas, la Russie est mise au pied du mur par l’Histoire. Le défi ukrainien se voit associer le défi kazakh. La bataille pour le repartage du monde fait rage, le monde plonge dans le chaos.