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Crise chez les post-modernes : démission à l’UCL

Exactement comme prévu.

Exactement comme prévu.

Ce qui devait arriver arriva : la naissance d’une organisation anarchiste de type post-moderne, littéralement post-anarchiste, a produit une fuite en avant petite-bourgeoise délirante humainement parlant. En lieu et place des valeurs, des principes et de l’organisation, cela a été le libre-cours aux invectives subjectives, aux points de vue individuels accusateurs. D’où la démission de nombreux membres de l’Union Communiste Libertaire, dont voici le texte de sortie.

La naissance de cette organisation en 2019 avait été abordé ici (La fusion entre Alternative Libertaire et la Coordination des Groupes Anarchistes). Il y était dit que cela donnerait pas une organisation solide, que :

« La fusion est un saut pour encore davantage abandonner les principes de la Gauche dans son parcours historique (…). C’est en réalité une simple mutation de plus, dans le sens de l’esprit post-industriel, post-moderne (…).

L’Union Communiste Libertaire, qui vient de naître ce 11 juin, est ainsi une fuite en avant, qui ne peut être soutenue que par ceux qui sont trop heureux de liquider les expériences passées sans tirer un quelconque bilan. Il n’y a aucun esprit critique qui est fait, c’est encore et toujours le principe de « s’unir » dans quelque chose de « nouveau » et de prétendre que cela serait une solution à tous les problèmes.

C’est le refus catégorique d’assumer quoi que ce soit politiquement, d’établir des bilans, des analyses de fond quant à l’histoire et à la culture de la France, d’évaluer les succès (ou non) des luttes, des méthodes employées, etc. C’est le refus de ce qui a été la social-démocratie historiquement.

La naissance d’un groupe ultra « nouveau » ne changera rien, car il existe déjà bien d’autres groupes du même genre. Mais cela contribuera à la confusion et des esprits se feront piéger, par incapacité de voir que c’est de la camelote anarchiste d’avant le siècle dernier, une attitude anti-socialiste, anti-communiste, anti-rationalité. »

Il suffit de lire le texte de démission pour voir que cette analyse était parfaitement juste. Et que, en même temps, la position des démissionnaires est intenable parce qu’elle parle de motifs politiques sans jamais en conclure quelque chose de politique justement.

Voici leur texte :

« Nous quittons l’UCL pour des motifs politiques

Militantes et militants communistes libertaires depuis des années, plus de quarante ans pour certain.es, nous avons assisté à une transformation profonde de notre organisation, ce qui aurait pu nous convenir. Mais l’Union Communiste Libertaire (UCL), créée il y a deux ans, met à mal les relations humaines qui s’y nouent, adopte un fonctionnement qui ne recherche ni le respect de ses textes fondateurs, ni celui de ses valeurs et ne favorise pas la solidarité militante.

Le communisme libertaire est un ensemble de pratiques qui définit ce que nous prônons politiquement et de valeurs porteuses d’un projet révolutionnaire.

Son combat est de lutter contre toute domination d’un être humain sur un autre, pour construire une société solidaire. Notre courant s’incarne dans la volonté d’ancrer nos combats coordonnés dans le réel, dans le refus du dogmatisme et du sectarisme et dans la recherche de nouvelles voies de transformation sociale.

1) Les orientations

Le plate-formisme, à l’origine fondé pour tirer les conséquences de l’échec total des mouvements anarchistes pendant la révolution russe, est indispensable en ces mauvais temps.

A l’abandon au 1er congrès de l’UCL de cette orientation, s’est ajouté un sectarisme « novateur » dans notre courant. Comme si la révolution pouvait ne dépendre que des seuls anarchistes ! L’organisation n’est donc plus un outil collectif, elle est devenue une fin en soi. Ces éléments marquent selon nous définitivement la rupture de l’UCL avec toute perspective révolutionnaire.

A l’UCL aujourd’hui, la lutte de classes est systématiquement opposée à « l’intersectionnalité », alors que pour nous toutes les luttes doivent être articulées ensemble.

Les postures radicales, ou plus exactement des discours prétendument radicaux, ne remplacent pas les engagements concrets en lien direct avec les classes populaires qu’ils soient associatifs, syndicaux, politiques, ancrés dans les quartiers, les villes et les campagnes. Cela se complète avec une incapacité d’écoute et d’empathie qui contrarie notre implication sociale ; au contraire, l’utilisation d’un langage élitiste ne peut que renforcer la domination sur celles et ceux qui ne le maîtrisent pas.

L’UCL nie, de fait, que tous les prolétaires ont matériellement intérêt à combattre ensemble le sexisme et le racisme, et que c’est sur cette base que nous pouvons construire des luttes sociales articulant les luttes contre toutes les formes de discrimination et pour leurs revendications communes.

Quant à la critique de toutes les religions, incarnée depuis toujours par le mouvement libertaire, elle est devenue tabou et donne même lieu à des accusations de racisme lorsqu’elle est proposée, alors que le Manifeste de l’UCL rappelle son engagement à défendre « un projet de société libéré de l’aliénation religieuse ». Même si la liberté de croire ou non doit être défendue, les libertaires se sont toujours dressé.es contre toutes les formes d’oppression religieuse, notamment chrétiennes, juives et musulmanes.

Concernant « l’islamophobie », dont nous nous ne sommes pas dupes, cela ne doit toutefois pas conduire à exclure toute réflexion critique quand l’islam politique est au pouvoir dans certains pays ou qu’il menace les droits et les libertés dans le monde ou ici.

2) Le fonctionnement

L’évolution de l’UCL met à mal le projet communiste-libertaire.

Cette organisation a accepté le principe d’une communication interne violente où le débat n’est plus nourri par des points de vue politiques mais s’exprime par anathèmes à partir d’une essentialisation des militant.es. Ainsi, ce n’est plus tant ce qui est argumenté que la personne qui parle, définie par la couleur de sa peau, son âge, son genre, etc. Or les personnes doivent être reconnues dans leurs propos et leurs actes, et non par la liste des dominations vécues. Quant aux vécus et aux ressentis, s’ils ont une place, ils ne justifient pas l’imposition d’une ligne politique.

Nous ne sommes pas responsables de qui nous sommes, uniquement de l’impérieuse nécessité d’interroger de quoi nous sommes porteurs ou porteuses et d’entrer par là même en transformation. Et selon nous, l’organisation a vocation à accompagner ses membres dans ce processus intime et politique.

A l’inverse, dans l’UCL s’expriment dorénavant surtout celles et ceux qui sont maîtres du temps et adeptes des faux procès, les autres n’ayant comme choix que de subir l’opprobre public, de s’autocensurer ou de se taire.

Des accusations sans fondement de racisme ou d’antisémitisme, de sexisme, de complicité de la culture du viol, de transphobie, de validisme, de putophobie, etc. sont proférées sans arguments, ni clefs de compréhension. Il est pourtant évident que si celles-ci étaient fondées, des procédures d’exclusion auraient été mises en œuvre.

Ces propos accusateurs, qui ont pu s’exprimer au dernier congrès, sont sans doute minoritaires ; ils camouflent en réalité des divergences politiques. Et la majorité laisse dire.

Au sein de l’organisation, les liens humains sont donc abîmés. Et le 1er congrès a illustré ce malaise relationnel entre les militant.es, devenus incapables ne serait-ce que de boire un coup ensemble après un moment de confrontation politique.

3) L’absence d’élaboration

Les positions politiques sont caricaturées et stigmatisées, la complexité du réel déniée. Et la pratique, certes longue et difficile, de l’élaboration collective et de la confrontation politique n’est plus une réalité. La richesse de la réflexion et la recherche de sens sont passées à la trappe !

A l’image des likes et insultes des réseaux sociaux, le congrès a brillé par sa pauvreté intellectuelle, dans le prolongement d’un fonctionnement où l’entre-soi est privilégié.

Les commissions ne produisent au final que peu de réflexions.

Seul l’antipatriarcat « post-moderniste » semble avoir le vent en poupe et constitue de fait un bureau politique qui ne dit pas son nom, minorant ainsi la parole des militantes qui portent une approche et une méthodologie autres. Le genre est en effet devenu le prisme de tout échange. Les camarades hommes hétérosexuels sont, notamment, soumis à une critique permanente du simple fait de ce qu’ils sont, quel que soit leur engagement concret dans la lutte pour l’égalité des droits, y compris dans leur vie quotidienne.

La réflexion de l’UCL est donc devenue médiocre et réductrice, éloignée de la complexité des classes populaires, son action bien peu mise en œuvre, le travail avec d’autres organisations le plus souvent fustigé, et le débat interne empêché et perverti.

4) Crise à l’UCL

Si notre projet est encore largement utopique parce que la société capitaliste y fait obstacle, notre réflexion et nos pratiques doivent maintenir l’exigence d’une solidarité respectueuse de toutes et tous. Et si le combat libertaire est indispensable dans cette société où l’oppression de classe est centrale, c’est essentiellement au nom de son identité qu’il subit la répression.

De très nombreux et nombreuses camarades ont déjà quitté l’organisation, choqué.es de sa violence interne et de sa dérive politique – sans que cela ne soit toutefois interrogé par ses mandaté.es qui répondent par le déni aux demandes d’explication. Loin de s’être concrétisée, la recherche du « changement d’échelle » ayant conduit à la fusion AL-CGA est déjà un gâchis conséquent.

Car l’UCL ne conçoit plus la remise en questions, alors que celle-ci illustre la spécificité libertaire de notre engagement. C’est à ce titre que notre démission collective de l’organisation rencontrera certainement le mépris de celles et ceux qui en sont les fossoyeurs.

Nous continuerons donc à militer dans d’autres cadres, avec celles et ceux qui restent nos camarades.

Car il est un temps où la cohérence politique conduit à la rupture. Ce temps est devenu le nôtre.

Signataires

Albert (ex UCL 93 centre), Basile (ex UCL 93 centre), Cécile (ex UCL GPS), Cédric (ex UCL Allier), Clo (ex UCL 93 centre), Daniel (ex UCL Aveyron), Edouard (ex UCL Nîmes), Émilie (ex UCL Nîmes), Erwan (ex UCL Lorient), Evelyne (ex UCL Amiens), Gémy (ex UCL 93 Centre), Grégoire (ex UCL Orléans), Guillaume B (ex UCL Orléans), Jacques Dubart (ex UCL Nantes), Jean-André (ex UCL Aveyron), Jean-Michel (ex UCL Amiens), Jérôme (ex UCL Montreuil), Laeti (ex UCL Nantes), Laurent (ex UCL 93 centre), Matthias (ex UCL Orléans), Max (ex UCL St Denis), Nico (ex UCL Thionville), Noël (ex UCL Melun), Nunu (ex UCL Aveyron), Olivier (ex UCL 93 centre), Paul (ex UCL liaison Toulouse), Quentin (ex UCL Orléans), Rémi (ex UCL Lorient), Rémi (ex UCL Orléans), Rodolphe (ex UCL liaison Toulouse), Sébastien (ex UCL Nantes), Valentin (ex UCL Nîmes), Xavière (ex UCL 93 centre)«